Le temps est apocalyptique, samedi 14 octobre au matin, à Abidjan. Un violent orage est en train de déverser ses pluies torrentielles sur la capitale économique. Les nuages sont épais, la visibilité très faible. Sur la voie express qui mène à Grand-Bassam, les véhicules ont réduit leur allure, et les piétons tentent de se protéger des eaux quand, tout à coup, un avion les survole à très basse altitude et s’écrase à quelques mètres de la côte, dans l’Océan Atlantique.. Il est alors 8h30.
Face à la violence du choc, l’Antonov 26 se fend en deux. Dix minutes après son dernier contact avec la tour de contrôle de l’aéroport Felix Houphouët-Boigny, l’avion-cargo destiné à transporter des marchandises vient de rater sa deuxième tentative d’atterrissage. Quatre jours après, de nombreuses zones d’ombre continuent à planer sur les circonstances de ce crash.
Quatre tués, six blessés
Aussitôt après le crash, plusieurs dizaines de personnes se ruent sur place pour porter secours aux dix occupants de l’avion, rapportent des habitants du quartier d’Adjouffou qui ont assisté à la scène. Quatre d’entre eux, le pilote, le co-pilote et deux mécaniciens, tous de nationalité moldave, sont morts noyés. Les six autres, deux Moldaves et quatre Français, ont été blessés par des éclats d’hublots.
L’avion venait de Bamako, au Mali
Parmi les Français, un des blessés est Franco-Ivoirien et trois sont des militaires des forces spéciales de l’opération Barkhane. L’Antonov 26, siglé d’un V bleu, appartenait à la compagnie moldave Valan International Cargo Charter (Valan ICC), une entreprise sous-contrat avec l’armée française depuis juin 2016, selon son site internet.
Officiellement, l’appareil avait décollé à l’aube de Ouagadougou, la capitale burkinabè. Mais selon nos informations, il n’y avait fait qu’une escale et venait auparavant de Bamako, au Mali. Sa mission : transporter des hommes et du matériel jusqu’au camp des Forces françaises de Côte d’Ivoire (FFCI), à Abidjan, qui est devenue la base logistique et opérationnelle des opérations françaises de lutte contre le terrorisme dans le Sahel.
Selon plusieurs sources, l’appareil transportait ce jour-là des climatiseurs usagés. Une partie de son contenu a été pillé par les badauds, arrivés très vite sur place.
Un vol réalisé dans des conditions trop extrêmes
Les raisons du crash sont pour l’instant inconnues. Mais selon un expert aéronautique joint par Jeune Afrique, l’âge de l’appareil, 42 ans, ne devrait pas être mis en cause. « Ce sont des avions très solides. S’ils sont bien entretenus, ils peuvent voler bien plus de 40 ans », confie-t-il, ajoutant que les contrats passés entre l’armée française et ses sous-traitants sont « très stricts » et gage de bonne qualité des compagnies.
Il y a manifestement eu une erreur de jugement des pilotes
Créée en 1998, Valan ICC avait auparavant travaillé pour le Programme alimentaire mondial, en Afghanistan et au Soudan, pour le gouvernement sierra-léonais ou encore pour la mission des Nations en République démocratique du Congo.
Le crash pourrait en revanche être dû aux conditions météo. « Elles étaient catastrophiques. Je n’aurais ni décollé ni tenté une approche sur Abidjan dans ces conditions-là. Il y a manifestement eu une erreur de jugement des pilotes », poursuit l’expert. En outre, un problème technique n’est pas exclu.
La carcasse de l’avion va être analysée par les experts du bureau enquête analyse ivoirien, dirigé par Marie-Laure Ekra. Aucune information n’a été donnée sur une éventuelle coopération avec la France, notamment concernant l’analyse des boîtes noires de l’appareil. Ces précieux instruments d’enregistrement des conversations et des données du vol sont pour l’instant entre les mains du procureur d’Abidjan, qui a ouvert une enquête judiciaire.