Votre candidat Khalifa Sall est attendu ce 20 décembre devant la Cour suprême, dans le cadre de l'affaire dite de la Caisse d'avance de la mairie de Dakar. Qu'attendez-vous du juge suprême ?
Ce que nous attendons de la Cour suprême, c'est qu'elle rende justice et non qu'elle rende service. Et si elle rend justice, nous n'avons aucune crainte à avoir, pour la bonne et simple raison que ce qui s'est passé à la Cour d'appel de Dakar est inédit, pour ne pas dire extraordinaire. La cour n'a pas jugé. Quand la Cour de justice de la Cedeao dit que tous les droits du député-maire de Dakar ont été bafoués et que la Cour d'appel n'est pas en phase avec la décision de la Cour de justice de l'organisation sous-régionale, c'est assez dommage pour l'image de la justice sénégalaise. C'est la première fois que nous avons assisté à un procès en appel où le président de ladite juridiction a décidé d'annuler tous les procès-verbaux de l'enquête préliminaire. Je rappelle que le réquisitoire introductif du procureur de la République a pris sa source, entre autres, sur ces procès-verbaux de l'enquête préliminaire à la police. Il prétend avoir puisé dans le rapport de l'Inspection générale d'Etat (Ige).
Mais la question que tous les Sénégalais doivent se poser, c'est comment le président de la Cour d'appel a pu invalider tous les procès-verbaux d'enquête préliminaire pour retenir le réquisitoire introductif du procureur de la République. Aujourd'hui, on invite la Cour suprême à rendre justice pour que plus jamais des magistrats ne pensent qu'"au lieu de rendre justice, on doit rendre service".
Il faudrait que les uns et les autres comprennent que ce qui se passe au Sénégal est inédit. L'article 157 du Code de procédure pénale interdit, pour un magistrat, de puiser dans des documents frappés de nullité pour motiver une poursuite ou une condamnation. Ces magistrats s'exposent à des poursuites judiciaires. Ce qui s'est passé dans le dossier de Khalifa Sall est inadmissible à plusieurs points. Que les politiques se permettent de verser dans des cabales politiques, on peut le comprendre, parce que ce sont de mauvais perdants. Mais que de hauts magistrats puissent se permettre, aujourd'hui, de se comporter comme des complices dans le cadre d'une cabale politique, c'est inadmissible, au vu du respect que tout un chacun doit avoir envers le pouvoir Judiciaire.
Et si la Cour suprême confirmait l'arrêt rendu par la Cour d'appel ?
Même si, par extraordinaire, la Cour suprême confirmait la Cour d'appel, je répète que l'objectif visé par cette cabale politique, c'est de rendre inéligible monsieur Khalifa Ababacar Sall pour l'élection présidentielle. Mais c'est peine perdue ! Pour nous, il y a deux dates à retenir. La première, c'est le 14 janvier 2019, jour où le Conseil constitutionnel permettra à tous les candidats ayant des difficultés, notamment sur le parrainage ou avec un quelconque document du dossier de candidature, de pouvoir rectifier.
Mais, le 19 janvier 2019, le Conseil constitutionnel va définitivement publier la liste des candidats pour la présidentielle. Si la Cour suprême, le 20 décembre, décide de suivre le pouvoir politique, vous savez qu'après la notification, nous avons la possibilité de demander un rabat d'arrêt qui peut durer un mois. Ces 30 jours nous amèneront au-delà du 19 janvier 2019. Monsieur Macky Sall n'a pas le temps disponible pour rendre inéligible Khalifa Sall. Parce que le 22 janvier, le Conseil constitutionnel aura déjà proclamé la liste définitive des candidats retenus. Et, il faut le dire, dans le casier judiciaire de moins de 3 mois que nous avons déposé hier au Conseil constitutionnel, il n'y a aucune condamnation.
L'heure n'est pas donc aujourd'hui de tomber dans l'intoxication du pouvoir. Il ne s'agit pas, non plus, de nous faire endormir comme des enfants par un pouvoir qui est aux abois et qui n'a pas d'autres solutions que l'intoxication, la confusion, le mensonge d'Etat pour vouloir entretenir un dispositif dont l'unique but est de crédibiliser un hold-up électoral pour avoir un second mandat. Le pouvoir cherche à divertir les Sénégalais pour qu'ils ne se soient pas concentrés sur la confiscation des 1 million 600 mille cartes d'électeur qui ne sont pas disponibles. Il cherche à tout faire pour qu'il n'y ait pas de débat autour de la carte électorale.
Avant-hier lundi, les mandataires de Khalifa Sall et de Karim Wade ont déposé en même temps leurs dossiers de candidature. Alors, est-ce qu'on peut s'attendre à un rapprochement entre ces deux leaders ?
Il ne s'agit pas de personnes, il s'agit de principes. Aujourd'hui, vouloir éliminer Khalifa Sall de la course, c'est anti-démocratique ; vouloir éliminer Karim Wade de l'élection présidentielle, c'est aussi anti-démocratique. Il ne revient pas aux organisateurs de l'élection de dire que Karim Wade ne figure pas sur les listes électorales. C'est anticonstitutionnel. La charte fondamentale permet à tout citoyen, âgé de plus de 18 ans, de pouvoir exercer son droit constitutionnel. Tous ces compatriotes qui sont dans le même cas que Karim Wade, le pouvoir en place cherche, par tous les moyens, à avoir d'autres Sénégalais qui pourront voter à leur place. Ils savent très bien qu'ils ne peuvent pas réitérer le coup des ordres de mission, c'est pourquoi ils ont décidé d'exclure de façon unilatérale d'honnêtes citoyens.
Le jour des élections, nous allons inviter tous les Sénégalais dont les cartes d'électeur ont été confisquées à aller exercer leur droit constitutionnel. C'est pourquoi je dis que le pouvoir cherche à divertir les Sénégalais pour qu'ils ne se concentrent pas sur l'essentiel.
L'essentiel, ce n'est pas la candidature de Khalifa Sall, parce c'est déjà acté. Si Macky Sall pense qu'il y aura une élection présidentielle au Sénégal sans la participation de Khalifa Sall et de Karim Wade, on lui souhaite bon vent parce que personne ne l'acceptera. Cela ne colle pas à l'esprit d'une démocratie qui se respecte et qui est une référence sur le continent africain.
Votre peine a été réduite à 3 mois par la Cour d'appel, alors que vous avez purgé une peine de 6 mois qui vous a été infligée en première instance. Envisagerez-vous de réclamer à être dédommagé ?
Je n'ai jamais été jugé, je n'ai jamais été condamné. J'ai été pris en otage par ce pouvoir pendant six mois parce qu'il fallait faire voter une loi sur le parrainage et que je ne devais pas être dehors. Il fallait me museler parce qu'on considérait que j'étais la voix des sans voix.
La Cour d'appel a bien voulu réduire cette condamnation. Mais je considère qu'elle n'est pas allée au bout de sa logique parce qu'en fait, je n'avais rien à faire en prison. Ce que j'ai dit concernant le verdict qui a été rendu en première instance, je l'ai maintenu à la barre. Je ne peux pas croire qu'on poursuive un individu pour 1 milliard 800 millions de francs Cfa et qu'il reçoive une amende de 5 millions.
Le Sénégal, qui cherchait 2 850 milliards de francs Cfa au Groupe consultatif de Paris, a finalement pu récolter plus de 7 000 milliards de francs Cfa. Comment analysez-vous cela ?
Je considère que les Sénégalais doivent comprendre que le président Macky Sall ne rentrera pas avec 7 000 milliards dans ses valises. Il est parti à Paris, il a échangé avec des hommes et il s'était fixé un soi-disant objectif de 2 mille et quelques milliards à pouvoir mobiliser. Aujourd'hui, ils ont pu mobiliser deux ou trois fois plus que ce montant, mais ce ne sont que des promesses qui ont été faites sur la base du potentiel macroéconomique du pays. Le Sénégal a des découvertes assez importantes de pétrole et de gaz, et c'est sur cette base particulièrement que ces promesses ont été faites. Ce serait intéressant qu'on puisse regarder les conditions parce qu'un Etat comme le Sénégal, vu sa démographie et sa probable vitalité économique, qu'on se permette aujourd'hui de devoir emprunter à des taux à deux chiffres, ce n'est pas de l'économie. L'Etat du Sénégal aurait dû mettre d'abord la priorité sur l'exploitation de ces ressources pétrolières et gazières et au bout de cette exploitation, il pourrait accepter de financer des projets sur la base des priorités sans avoir à emprunter au niveau de ces groupes consultatifs. Parce que là-bas on a affaire à des hommes d'affaires très pointus, ce ne sont pas des enfants de chœur. Ils ne sont là que pour le gain, rien d'autre.