1. Le Conseiller-Doyen de la chambre criminelle de la Cour suprême faisant fonction de Président, (Amadou BAL) a tenté de régulariser l'erreur de la composition paire de la juridiction relevée lors de l’audience du 20 décembre 2018, au moment du DELIBERE le 03 janvier 2019 (une régularisation tardive, car l’obligation de siéger en nombre impair, en vertu de l’article 10 de la loi organique sur la Cour suprême devait obligatoirement être respectée lors de l’audience du 20 décembre 2018),
2. Il y a une discordance entre le ROLE du 03 janvier 2019 et les juges qui ont délibéré. En effet, le ROLE mentionne les 6 juges suivants : le Président Amadou Bal et 5 conseillers : Waly FAYE, Adama NDIAYE, Mbacké FALL, Ibrahima SY et Fatou Faye LECOR. Or l’arrêt notifié aux conseils de Khalifa SALL, le 10 janvier 2019 permet de constater que 5 juges ont délibéré (Mme Fatou LECOR n’a pas pris part au délibéré, alors qu’elle figurait dans le rôle du 03 janvier 2019 et qu’elle a siégé à l’audience du 20 décembre 2018),
3. Malgré le rejet des pourvois de Khalifa Sall, les termes de l’arrêt balisent la voie pour une requête en rabat d’arrêt (la Cour suprême n’a pas fermé la possibilité d’un recours à Khalifa SALL, ce qui signifie clairement que sa condamnation n’est pas définitive). Nulle part, il n’est écrit que l’arrêt est insusceptible de recours.
4. La requête en rabat d’arrêt entraînera la nullité (mise à néant) de l’arrêt de la Cour suprême.
Dans l’affaire Khalifa Sall, Il y avait une double obligation pour la chambre criminelle de la Cour suprême : d’une part, elle devait siéger obligatoirement en nombre impair en vertu de l’article 10 de la loi organique du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ; et d'autre part, les juges devaient statuer en nombre impair, en vertu de l’article 9 de la loi sur l'organisation judiciaire du Sénégal N°2014-26 du 03 novembre 2014. La violation de la règle de l’imparité par la Cour suprême est constatée dès le 20 décembre 2018. Par ailleurs, l’article 49 de la loi organique précise que les arrêts de la Cour suprême sont motivés, qu’ils visent dont les textes dont il est fait application et qu’ils doivent comporter obligatoirement certaines mentions. Au titre des obligations fixées par l’article 49, un alinéa dispose que la « minute de l’arrêt est signée par le Président et les Conseillers ayant siégé à l’audience ». Mme Fatou Faye LECOR étant présente à l’audience du 20 décembre 2018, son nom devait figurer dans l’arrêt. C’est la loi (article 49 de la loi organique) qui l’exige. Le fait de rendre le nombre impair (5) au moment du délibéré ne change rien à la donne (la composition de la chambre devait être impaire à l’audience du 20 décembre 2018). La régularisation intervient trop tard. En droit, il y a une définition précise de l’audience.
Définition juridique de l’audience :
L’audience est le moment de la procédure au cours duquel, les juges siégeant en formation collégiale, entendent leurs parties et/ ou leurs conseils (avocats, représentant légal ou mandataires légal) en leurs observations orales. Ce moment s’est déroulé le 20 décembre 2018, à l’issue duquel, le Juge Amadou BAL a écouté les parties, clôturé les débats, et mis l’affaire en délibéré jusqu'au 03 janvier 2019. C’est un principe juridique constant : les juges devant lesquels l'affaire a été débattue (20 décembre 2018) doivent ensuite délibérer de celle-ci (03 janvier 2019). Dans un arrêt en date du 05 aout 2015, la Cour suprême a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt n°1 rendu le 3 janvier 2012 par la Cour d’appel de Saint-Louis parce qu’il résultait de l’extrait du plumitif délivré par le greffe de la cour d’appel de Saint-Louis que l’arrêt a été rendu par une formation différente de celle devant laquelle les faits et moyens ont été débattus (les magistrats dont les noms sont mentionnés sur la minute du jugement comme ayant composé la juridiction, sont ceux qui en délibèrent). Le doyen Souleymane KANE, Haut Magistrat à la Cour suprême, et ancien Directeur du Service de documentation et d’études de la Cour suprême, est formel : « la cassation d’un arrêt sur une question de procédure telle que l’irrégularité de la composition de la juridiction entraîne l’annulation complète de la décision sur le fond même si aucun moyen n’a critiqué le fond ». La cause est entendue : avec le rabat d’arrêt suspensif (combinaison des articles 36 et 52 de la loi organique du 17 janvier 2017), la candidature de Khalifa Sall aux présidentielles est irréversible. Le Conseil Constitutionnel ne dispose d’aucun moyen juridique pour invalider sa candidature. Nous y reviendrons.
Seybani SOUGOU