Abou Abel Thiam : Je ne dirais pas que la coalition a quand même gagné, je dirais plutôt qu'elle a bien gagné. Car lors de ces législatives, il s'agissait de poser une question au peuple sénégalais, peuple souverain: "Est-ce que oui ou non, sur la base de ce que Macky Sall a fait depuis qu'il est à la tête de l'Etat, vous pensez qu'il faut lui donner les moyens législatives de continuer son combat jusqu'en 2019?" Et à cette question, les Sénégalais ont répondu oui dans une très large majorité. Je n'aime pas utiliser l'expression "majorité écrasante" car la vocation d'une majorité n'est pas d'écraser.
Dans une très confortable majorité donc, les Sénégalais ont répondu oui en donnant 125 députés à Macky Sall sur les 165 sièges que compte notre Assemblée nationale. Le jour du scrutin est un jour important en démocratie. Il s'agit de retourner sa souveraineté au peuple, de lui retourner son mandat pour lui demander de l'attribuer à qui il veut. Le 30 juillet dernier, le peuple souverain a donné une majorité à Macky Sall afin qu'il continue le travail qu'il a si bien commencé. Nous ne pouvons donc que nous en satisfaire. S'agissant des couacs organisationnels, il faut les relever et tirer les enseignements pour qu'à l'avenir, ils puissent être évités.
Les résultats que la coalition BBY a obtenus vous rassurent-ils en direction de la présidentielle de 2019 ?
Évidemment, pour quiconque lit les résultats de ce scrutin, il apparaît très clairement que la différence entre la coalition BBY et celle qui arrive en deuxième position (coalition gagnante, NDLR) est d'une amplitude très importante. Autrement, la réalité d'une élection présidentielle n'est pas celle des élections législatives. Dans le premier cas, il s'agit de l'élection d'un homme, dans le second, il peut s'agir de milliers d'hommes et de femmes. Et puis, le coefficient personnel est toujours important.
Si vous consultez les résultats électoraux au Sénégal, de 1960 à nos jours, ceux d'une présidentielle n'ont jamais été identiques à ceux des législatives, même lorsque ces deux élections étaient organisées concomitamment. Il y a toujours eu une différence, et ce à l'avantage du président de la République. Ensuite, dans le cadre des législatives, le coefficient personnel des candidats importe beaucoup. Nous avons perdu des voix par la faute de nos camarades investis, il ne faut pas se voiler la face. Nous avons gagné en grande partie grâce aux résultats du président Macky Sall à la tête du pays.
Résultats qui ont été portés et explicités par le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne. Dans une localité, pour faire gagner votre liste, vous devez convaincre les électeurs, de façon générale, mais surtout ceux qui sont dans l'opposition en leur disant qu'ils ne sont pas sur le bon chemin. Mais il nous est aussi arrivé de devoir convaincre nos propres militants (je ne parle pas des électeurs), de travailler ardemment pour qu'ils votent en faveur de nos camarades investis. C'est vous dire qu'une élection présidentielle n'a pas la même vérité des urnes que des élections législatives.
Justement, vous vous n'étiez pas candidat, mais on a vu que vous vous êtes beaucoup investi dans la campagne. Qu'est-ce qui explique votre démarche?
Ma démarche est cohérente. Je ne suis pas un politicien, mais un homme politique. Par la force des choses, mon parcours a fait qu'à un moment de ma carrière, mon destin et celui de Macky Sall se sont croisés. Depuis, j'ai entrepris résolument de l'accompagner et d'être à ses côtés quoi qu'il advienne. Je me suis sacrifié pour cela et je dois, à cette occasion que vous m'offrez, rendre hommage aux pionniers, des gens qui ont accompagné Macky Sall à des heures d'incertitude.
Des gens qui étaient là pour le soutenir, pour se battre avec lui, contre un ordre qui était là, entretenu par la famille Wade. Leur combat n'a pas été vain, car il a conduit à l'avènement de Macky Sall au pouvoir. Pour revenir à ma modeste personne, depuis que nos destins se sont croisés, j'ai d'abord travaillé résolument à le pousser à avoir le pouvoir, ensuite à l'asseoir et à l'utiliser au bénéfice des populations. Jusqu'ici, je constate que mes attentes ne sont pas déçues parce qu'il se révèle comme un chef d'Etat mesuré, raisonnable, républicain et qui a le sens des priorités. Cela me suffit à l'accompagner et à le fortifier. Et lorsque des occasions pareilles (législatives, NDLR) s'offrent de travailler pour lui donner une majorité, je ne lésine pas. C'est pourquoi je suis allé dans les deux terroirs qui sont les miens. Je suis d'abord allé dans mon village natal, Ourossogui, accueillir le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, et entamer la campagne avec lui, mobiliser mes parents pour leur demander de voter massivement pour la liste Benno. Mais je suis aussi retourné, à la demande du président de la République, à Diamaguène-Diacksao, le coin de Dakar qui m'a vu grandir.
C'est là que j'ai fait mes humanités, joué au football. C'est aussi là où je suis le plus connu et où je connais le plus de gens. Donc, j'y suis retourné pour demander à mes amis, à mes parents, aux gens qui m'ont vu grandir et aussi ceux que j'ai vu grandir de voter massivement pour la liste Benno Bokk Yakaar. Je dois, en toute humilité, vous dire que lorsque je demande quelque chose là-bas, eh bien, majoritairement, on répond favorablement à ma demande. Je n'ai pas attendu aujourd'hui pour me rendre utile à Diamaguène-Diacksao. J'ai toujours été là-bas, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Quand je suis au Sénégal, tous les week-ends j'y suis avec mes amis, dans les mosquées, dans la rue...Les résultats ont été éloquents. A l'école où je suis inscrit et où j'avais fait mes humanités, nous avons gagné dans tous les bureaux de vote. Sur l'ensemble des centres de vote, nous avons aussi gagné.
Il se dit qu'un remaniement est imminent. Êtes-vous disponible pour entrer dans le prochain gouvernement ?
Je me suis mis à la disposition du président Macky Sall depuis 2007. Lorsque par la force des choses, le président Abdoulaye Wade, dans une très grande violence et au mépris de la Constitution a entrepris de le combattre, j'ai eu une force décuplée et une résolution raffermie pour l'accompagner. Depuis lors, je suis à ses côtés. Je ne suis demandeur d'aucun poste, mais je suis prêt à assumer n'importe quel poste au Sénégal. J'en suis capable, j'en ai, en toute modestie, l'expérience, le niveau intellectuel, l'apport politique et médiatique.
En toute modestie, je ne suis pas peu fier de ce que j'ai fait avec le président Macky Sall. Je l'ai accompagné et soutenu; j'ai combattu pour lui par la plume, par le verbe, sur les plateaux de télé, dans les radios, mais aussi sur le terrain politique. (...) Je suis donc apte à exercer n'importe quelle fonction dans le pays, mais je n'ai aucun complexe non plus à ne pas être dans le gouvernement parce que je connais mon utilité et je n'ai pas besoin de paraphe pour le prouver. Cela dit, je suis à la disposition de mon pays et pour cela, je suis à la disposition du président de la République.
Abdoulaye Wade menace de boycotter la présidentielle si les conditions d'une organisation transparente du scrutin ne sont pas réunies. Quels commentaires vous inspire sa sortie ?
De 1974 à maintenant, il n'y à quasiment pas une seule élection au sortir de laquelle Abdoulaye Wade ne s'est pas proclamé vainqueur. De 1974 à maintenant, il a été candidat à toutes les élections. Il faut savoir sortir par la grande porte. Wade est une figure de la vie politique sénégalaise, il a eu à exercer le pouvoir, nous savons où cela nous a menés. Les mémoires sont encore chaudes lorsqu'il s'agit de se rappeler des journées sans électricité, des inondations partout dans le pays et particulièrement dans la banlieue dakaroise, mais aussi des périls sur les institutions. Alors, il est grand temps que Abdoulaye Wade devienne raisonnable. Il est libre de ne pas participer à la prochaine élection, au moins ce serait une première sans lui. Il doit aussi comprendre que la régularité d'un scrutin ne dépend pas de ses humeurs.
Avec Infos 15