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AN I DE L’ELECTION D’ADAMA BARROW : La nouvelle Gambie se fait toujours attendre

INTERNATIONAL
Lundi 4 Décembre 2017


Il y a un an, précisément le 2 décembre 2016, le miracle se réalisait en Gambie. En effet, Yahya Jammeh perdait les élections qu’il avait lui-même organisées, face à une coalition de partis d’opposition menée par l’homme d’affaires Adama Barrow. Il s’en est suivi un feuilleton à rebondissement, avec pour premier épisode le rejet des résultats par le dictateur qui totalisait déjà 22 ans de règne sans partage et ce, après qu’il eut, dans un premier temps, reconnu sa défaite. La suite est connue : de longues tractations sur fond de menaces d’intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sous la houlette du Sénégal, auront raison du satrape de Banjul, contraint à s’exiler au pays de Teodoro Obiang. Une nouvelle ère venait ainsi de s’ouvrir en Gambie, avec de nombreux et grands espoirs. La question que l’on est en droit de se poser, un an après, est celle de savoir si Adama Barrow a satisfait les attentes des populations. Dans un premier temps, force est de constater que la cote de popularité de l’homme n’a pas faibli. En témoigne la grande foule amassée le 2 décembre 2017 en périphérie de Banjul, pour célébrer la date clé de la victoire de leur champion. Ce grand rassemblement peut s’inscrire dans la lignée des scènes de liesse qui avaient accompagné la chute du régime Jammeh et l’avènement du nouveau pouvoir.

La parole a été libérée en Gambie

Au delà de cette popularité qui peut varier au fil du temps, l’on peut mettre à l’actif du nouveau leader gambien, l’élargissement des espaces de liberté. En effet, la parole a été libérée en Gambie. Symbole de cette liberté retrouvée, l’on peut aujourd’hui formuler des critiques ouvertes contre le président et l’action gouvernementale, sans craindre de perdre la vie ou d’aller croupir dans les cachots du régime, comme sous le régime de Yahya Jammeh. Comme acquis toujours à mettre à l’actif du nouvel homme fort de Banjul, l’on retiendra qu’il s’est abstenu, en dehors du gel des biens de l’ancien président en exil doré en Guinée équatoriale portant sur plus d’une centaine de propriétés foncières, 88 comptes en banque et 14 entreprises, de toute chasse aux sorcières contre les dignitaires de l’ancien régime. Une attitude qui, non seulement, participe de la stabilité de son pouvoir, mais constitue aussi un facteur favorable à la réconciliation nationale. Enfin, l’on peut saluer les trois signaux forts envoyés par le président Barrow, notamment l’élargissement des prisonniers politiques, le changement de nom du pays en le délestant du qualificatif « islamique », et le retour de la Gambie à la Cour pénale internationale (CPI). Toutefois, l’on se doute bien que ces trois décisions ne sont que des mesures cosmétiques dont la portée réelle sur les conditions de vie des populations gambiennes, n’est pas vraiment évidente. Et c’est bien là le talon d’Achille de ce nouveau pouvoir gambien. En effet, le changement politique intervenu il y a un an, ne semble pas avoir de répondant au niveau économique, au point d’impacter les conditions de vie des Gambiens en proie aux affres de la précarité et de la pauvreté. Certes, l’on peut comprendre que le nouveau président a besoin de temps pour dessoucher l’économie des racines du système de Yayah Jammeh bâti sur le narcotrafic, les contrebandes de toutes sortes et la corruption et créer de nouvelles conditions attractives pour les investissements. Mais, il reste que le peuple s’impatiente, tenaillé par la faim suite aux 22 ans de prédation de l’ancien régime.

Adama Barrow ne devrait pas abuser de la patience de ses concitoyens

Et il faut craindre la réaction de ce peuple qui ne boudera pas les nouveaux espaces de liberté pour se faire entendre. En tout cas, Adama Barrow doit faire en sorte que les Gambiens ne regrettent pas Yahya Jammeh qui compte encore des sympathisants qui commencent à donner de la voix pour le retour de leur mentor. Par ailleurs, l’autre grand écueil du nouveau pouvoir gambien, c’est la justice qui tarde à se mettre en place. Pour l’instant, ceux qui se sont rendus coupables de crimes économiques ou de sang, ne sont pas inquiétés ; ce qui gonfle le sentiment ambiant d’impunité et peut retarder la réconciliation des Gambiens qui ont besoin d’une nouvelle solidarité au service de la reconstruction nationale. Enfin, l’on peut déplorer le timide retour de la Gambie sur la scène internationale, alors que le président avait tous les boulevards ouverts, compte tenu de ses conditions d’accessibilité au pouvoir et de ses relations avec le président sénégalais, Macky Sall, avec lequel il s’entend comme larrons en foire. Certes, une expansion diplomatique suppose des moyens. Toute chose dont ne dispose pas forcément aujourd’hui la Gambie, mais l’ouverture du pays aux investisseurs étrangers nécessite que ses potentialités économiques soient mieux connues.  En somme, l’on peut dire que si le président gambien est parti avec des préjugés favorables, pour l’instant, il ne dispose que d’un catalogue de bonnes intentions. Les Gambiens attendent toujours avec la peur au ventre. Des militaires arrêtés pour tentative de putsch, croupissent en prison sans jugement et ce, en violation flagrante des droits de l’Homme. La corruption refait surface avec cette histoire de véhicules distribués aux députés. Adama Barrow ne devrait pas abuser de la patience de ses concitoyens, même si l’on comprend que sa tâche n’est pas aisée, en raison de la situation économique délétère dont il a hérité de Yahya Jammeh et de l’immensité des espoirs placés en lui. Mais, le père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, ne disait-il pas que « les tragédies des peuples sont causées par des médiocres, mais elles révèlent les grands hommes » ? C’est dire donc que l’homme a encore toutes les cartes en main pour se tailler l’étoffe d’un héros.

Source Le Pays 
 

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