Affaire Petro-Tim
Quelques semaines auparavant, le chef du parquet de Dakar s’était signalé dans l’affaire Petro-Tim. Après sa laconique conférence de presse au cours de laquelle il avait annoncé le retour des rapports de l’Ofnac aux enquêteurs pour vice de forme, trois démentis ont suivi, les uns aussi magistraux que les autres. D’abord, celui de la présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), Seynabou Ndiaye Diakhaté, qui l’a renvoyé dans ses cours de droit. Elle lui a indiqué la voie à suivre en la matière. Seynabou Ndiaye Diakhaté, en bon ancien doyen des juges d’instruction qu’elle fut, de rappeler ainsi au procureur de la République qu’il devait plutôt saisir un juge d’instruction pour l’ouverture d’une information judiciaire, parce qu’il ne lui appartenait pas de faire retourner le rapport à l’envoyeur. «J’ai beaucoup de respect pour mon collègue le procureur de la République, mais ça m’étonnerait qu’il puisse nous retourner nos dossiers d’enquête. La procédure pénale en cours à l’Ofnac n’est pas celle qui est prévue dans le Code de procédure pénale. L’Ofnac ne travaille ni sous l’autorité, ni sous la direction du procureur de la République. Ce sont les officiers de Police judiciaire et les agents de Police judiciaire qui travaillent sous son autorité. Le dossier du Coud a été transmis au Procureur depuis 4 ans. Lui-même, il dit avoir reçu 19 rapports de l’Ofnac dont celui de Pétro-Tim. Et aucun dossier n’a été exploité. Je l’invite plutôt à saisir un juge d’instruction», avait en son temps répliqué la présidente de l’Ofnac, en marge de l’atelier de validation technique du rapport sur la stratégie nationale de lutte contre la corruption.
Avant elle, l’ancien procureur de la République, Mme Dior Fall Sow, avait renvoyé Serigne Bassirou Guèye à ses cours alors que Mody Niang était allé dans le mêrme sens que la présidente de l’Ofnac, en rappelant en tant que membre, au moment des faits, de cet organe de lutte contre la corruption que Cheikh Oumar Anne, ancien Dg du Coud, avait bel et bien été entendu dans le rapport. Mais ce n’était pas la première fois que le procureur était recadré de cette manière.
La bourde au procès Khalifa Sall
Au procès Khalifa Sall, le procureur de Dakar s’est vu reprocher d’être le bras armé de l’Exécutif, en vue de neutraliser l’ex-édile de Dakar. Mais, en tentant de se laver à grande eau, il a commis une grosse bourde qui retentit toujours. «Je comprends l’attitude des gens qui occupent cette salle car pour la plupart, ils sont des amis, des parents, des travailleurs et des sympathisants des prévenus. La défense tout ce qui l’intéresse aussi, c’est de voir leurs clients être libres. Je continuerai à recevoir des coups et je le supporterai. Mais j’ai confiance en moi, car je savais qu’en prenant ce dossier, il y a un défi à relever. Je me suis dit qu’au niveau de la caisse de la mairie ou de l’Etat, il y a un déficit de 1,8 milliard de FCfa et les coupables seront condamnés. Et tout est bon dans ce dossier comme dans un cochon. Et qui est plus indépendant que le doyen des juges d’instruction, qui a entendu les prévenus avant de les placer sous mandat de dépôt. Et plusieurs juges ont travaillé dans le dossier au cours de l’instruction, et l’un d’eux fait partie de la composition du tribunal», a dit Serigne Bassirou Guèye, avant que le tonitruant Me Ousseynou Fall, un des conseils de Khalifa Sall, ne bondisse de sa chaise pour lui couper la parole: «Répétez Monsieur le Procureur ce que vous venez de dire tout à l’heure», lui intime la robe noire. «Me Ousseynou Fall attendez qu’il termine pour prendre la parole», recadre le juge Malick Lamotte. «Je parle pour l’intérêt de mes clients qu’il continue d’insulter, car un juge qui a pris connaissance d’un dossier au cours de l’instruction ne doit pas siéger devant ce tribunal», insiste Me Ousseynou Fall, avant que le public ne lâche des huées à endroit du Procureur.
Mais après avoir fait revenir le calme dans la salle, le Procureur à qui le juge Malick Lamotte a demandé de repréciser sa pensée, a fait un revirement à 180°. «Je n’ai pas dit ça, j’ai dit que plusieurs juges ont travaillé dans ce dossier au cours de l’instruction. Et j’ai enregistré mes propos», précise Serigne Bassirou Guèye. Et Malick Lamotte de mettre en confiance la défense : «Je parle sur la foi de mon serment. Me Ousseynou Fall, ni moi, ni mes assesseurs n’ont eu connaissance de ce dossier au cours de l’instruction. Et j’apprécie positivement ton comportement, car tu as fait preuve de sincérité et de franchise. Tu aurais pu te taire et continuer à nous le reprocher sans le dire, alors que tel n’est pas le cas. C’est pourquoi je tiens à la sérénité des débats ».
L’affaire Bassirou Faye et le «bon suspect» du procureur
Dans l’affaire Bassirou Faye consécutive au meurtre de l’étudiant de l’Ucad en 2014, le «bon suspect» du procureur, Tombong Oualy en l’occurrence, n’en était pas un, en vérité. «Nous tenons le bon suspect», avait-il crié à l’occasion d’une conférence de presse. Au final, le doyen des juges a inculpé deux autres policiers (Saliou Ndao et Mouhamed Boughaleb) et blanchi le bon suspect du procureur qui sera par la suite réintégré dans la Police. L’affaire s’est soldée par une condamnation du policier Boughaleb à 20 ans de travaux forcés, en première instance. Une peine revue à la baisse de moitié en appel.
Dossier Plan Jaxaay
Le procureur Serigne Bassirou Guèye avait piloté le dossier Plan Jaxaay en premier, avant de le confier au juge d’instruction du 2e cabinet. Il s’agit d’un cas d’«escroquerie portant sur des deniers publics» à hauteur de 42 millions FCfa dont l’ancienne sénatrice libérale était accusée. Le procureur avait évalué les bijoux d’Aïda Ndiongue à 15 milliards Fcfa, avant même qu’un bijoutier n’en fasse l’expertise qui prouvera que les bijoux en question valaient seulement 2 milliards FCfa. Au procès, Aïda Ndiongue sera relaxée purement et simplement par les juges qui n’ont retenu aucun grief contre elle. Une décision qualifiée de «troublante» et de «surprenante» par le procureur dans un communiqué, ce qui avait en son temps irrité l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Jamais une décision de justice n’a autant créé un tremblement de terre dans la Justice. A l’assemblée générale de l’Ums, le juge qui avait rendu la décision de relaxe, s’en est pris au procureur à qui il a demandé des explications.
Imam Ndao et Cie
Malgré tout le ramdam entretenu dans l’histoire des présumés terroristes parmi lesquels Imam Ndao et ses partisans, la plupart d’entre eux ont été innocentés à l’issue du procès. Malgré la forte médiatisation de ce dossier et les graves accusations portées contre eux, ils seront acquittés par la Chambre criminelle au terme d’un procès avec 32 autres accusés. L’accusation s’affaisse comme un château de cartes. Au total, 15 accusés seront remis en liberté par les juges.
Abdoul Mbaye
En voilà un autre dossier piloté par le procureur qu’il a fini par perdre. Que n’a-t-il pas raconté au sujet de cette affaire lors de sa conférence de presse de mars 2017 consacrée à l’affaire Khalifa Sall. Sans respect pour la présomption d’innocence selon les avocats de la défense, le procureur avait accusé l’ancien Premier ministre d’avoir falsifié son certificat de mariage pour contracter un autre mariage, alors qu’il avait auparavant signé le régime de la communauté des biens en optant pour la monogamie. Abdoul Mbaye a tout simplement été relaxé en première instance avant que le parquet ne fasse appel. Hier, la Cour d’appel a condamné le prévenu à 1 ans avec sursis et à payer des dommages et intérêts à son ex-épouse. La défense a aussitôt annoncé un pourvoi.
Les vrais «faux billets» de Ngaaka Blindé
Après un an de détention, Baba Ndiaye alias Ngaaka Blindé a été renvoyé des fins de la poursuite. Accusé de faux billets évalués à 5 millions Fcfa, le juge a estimé qu’il ne s’agissait pas de faux billets en réalité. Un prétexte pour la défense d’accuser le parquet d’avoir validé et cautionné le mauvais travail des enquêteurs.
Boy Djinné presque libre
Le parquet de Dakar aura tout fait pour le maintenir le plus longtemps possible en prison, mais le destin semble en décider autrement. Parce que toutes les procédures intentées contre Baye Modou Fall alias Boy Djinné tombent à l’eau. Relaxe, acquittement et annulation de procédure pour vice de forme, le célèbre pensionnaire du Camp pénal Liberté 6 semble tenir le bon bout. Le dernier subterfuge du parquet pour prolonger son séjour carcéral a été de demander une nouvelle inculpation pour «blanchiment d’argent». Une nouvelle donne survenue à la fin de l’instruction dans le dossier relatif au cambriolage présumé à la Sodida. Boy Djinné qui espère sortir de prison avant 2020, a gagné 4 procédures.
Pape NDIAYE