Pendant que le leader du Pastef, Ousmane Sonko, persiste à accuser le bureau de l’Assemblée nationale de vouloir allouer 10millions de francs Cfa aux députés en guise de “ticket entrant’’, ses collègues de l’opposition parlementaire et des non-alignés disent pourtant n’avoir jamais entendu parler d’une telle question au sein de l’hémicycle
La polémique née des accusations du député Ousmane Sonko contre le bureau de l’Assemblée nationale relative à un “ticket entrant’’ de 10 millions de nos francs en passe d’être alloués aux parlementaires, est loin de connaitre son épilogue. Alors que la direction de la communication de l’institution parlementaire rue dans les brancards et balaie d’un revers de main ces accusations, le président des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) persiste et signe.
“Comme à chacune de mes sorties, depuis quatre ans que je suis en politique, la meute des répondeurs automatiques de Bby se déchaîne dans de ridicules tentatives de démentis auxquels eux-mêmes ne croient pas, comme des enfants pris la main dans le sac. Et à chaque fois, la vérité, preuve à l'appui, a été de mon côté. Il en est de même, cette fois-ci encore, sur les 10 millions qu'on veut allouer aux députés sous le pompeux motif de "ticket entrant"’’, écrit l’ancien inspecteur principal des impôts et des domaines, sur le mur de son compte Facebook.
“Enrichissement sans cause’’ Contrairement à la direction de la communication de l’Assemblée nationale qui déclare dans un communiqué publié à cet effet et signé par le vice-président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Papa Birame Touré, qu’aucune dotation, pour frais d’installation des députés, n’a été prévue, ni proposée à qui que ce soit au sein de l’hémicycle, Ousmane Sonko soutient mordicus que cette question, ainsi que celle des terrains des députés, ont été bel et bien abordées en conférence des présidents.
“Je maintiens que le président Niasse a affirmé que le montant était budgétisé et disponible, sous réserve de ne pas politiser l'affaire, au risque de discréditer l'institution, que des députés de la majorité comme de l'opposition m'ont approché sur la question. Je maintiens mon rejet total et ferme de ce que je considère comme un enrichissement sans cause. Maintenant, si l'anticipation du débat a causé une frousse au point d'amener à renoncer à la distribution, tant mieux’’, persifle Ousmane Sonko.
Il défie ainsi le bureau de l'Assemblée nationale, en lieu et place de son communiqué “laconique’’, à venir débattre publiquement avec lui. “Je présenterai alors des preuves écrites de ce que je dis’’, promet le leader du Pastef.
“Mystère persistant’’ Entre la direction de l’Assemblée nationale et le président de Pastef, il est quasiment impossible de savoir qui dit la vérité, dans cette affaire. Le mystère est d’autant plus persistant que la plupart des députés de l’opposition tout comme des non-alignés, contactés hier par “EnQuête’’, disent ignorer les tenants et les aboutissants de cette affaire.
“Je n’ai jamais entendu parler de cet argent. Tout comme vous et comme beaucoup de Sénégalais d’ailleurs, j’en ai entendu parler dans la presse. Tout ce que je peux donc dire à ce propos, c’est que personnellement, je n’ai rien reçu’’, réagit d’emblée le député de l’opposition Cheikh Mbacké Bara Dolly. Tout comme lui, le député non-inscrit, Cheikh Issa Sall, renchérit qu’il n’a pas jusqu’ici été saisi de la question.
“Nous avons terminé la loi de finances initiale, il y a un mois. Depuis lors, je ne suis plus retourné à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas eu de plénière entre-temps, donc il n’y a pas eu de débat. Comme je ne suis pas membre de la conférence des présidents, je n’ai aucune nouvelle de ce qui s’est passé. J’ai lu cela dans la presse’’, confie la tête de file du Pur lors des dernières élections législatives du 30 juillet 2017. Quant à son collègue de la mouvance présidentielle Nicolas Ndiaye, il s’inscrit en faux contre les allégations d’Ousmane Sonko.
“Je suis président de commission et je fais partie de la conférence des présidents. Jamais cette question n’a été évoquée lors de nos réunions. Ousmane Sonko se base sur des rumeurs pour ameuter l’opinion. Mais tout ce qui se dit dans cette affaire n’est qu’un tissu de mensonges’’, fulmine le secrétaire général intérimaire de la Ligue démocratique. “L’argent public répond à une organisation et à des modes de décaissement extrêmement précis”.
Pour sa part, cet autre député de l’opposition parlementaire, qui a parlé sous le couvert de l’anonymat, dit lui aussi ne pas être au courant de cette affaire, à part ce qui se dit dans les médias depuis lors. “Je ne veux même pas parler de ce sujet, parce que moi-même je suis en train de collecter des informations et je ne veux pas m’exposer pour l’instant’’, déclare-t-il.
Toutefois, il exige plus de transparence et de clarté dans la gestion de l’argent public détenu par le bureau de l’Assemblée nationale.
“Au moment où ils sont en train de chercher des poux à Khalifa Sall, la mouvance présidentielle doit être extrêmement prudente. Parce que l’argent public répond à une organisation et à des modes de décaissement extrêmement précis. Quand on utilise l’argent du citoyen, il est extrêmement important que l’on puisse en justifier le bien-fondé’’, soutient-il.
Avant d’ajouter : “Si, effectivement, comme cela se susurre, de l’argent est en voie d’être distribué à des députés ou l’a été en ce moment, il appartient à l’institution parlementaire d’éclairer la lanterne des Sénégalais. Parce que 10 millions fois 165 députés, c'est plus d’un milliard de francs Cfa, exactement ce qu’ils reprochent à Khalifa Sall. S’ils sont capables d’être aussi intransigeants avec lui, alors ils doivent commencer à l’être avec eux-mêmes.’’