Par Vieux Savané
Songué Diouf avait-il cru, vendredi dernier, pouvoir s’en sortir sur le plateau de l’émission Jakaarlo de la Tfm, en convoquant ce qu’il avait l’air de considérer comme une évidence consensuelle, à savoir qu’une femme devrait s’habiller avec une certaine décence, veiller à ne pas exposer certaines parties de son corps ?
Loin de faire preuve d’humilité en s’amendant, Songué, professeur de philosophie dit-on, avait manifestement pris le parti de s’enfermer dans la conviction exprimée une semaine plus tôt, vendredi 9 mars, et qui voudrait que les femmes violées soient victimes de leurs propres audaces vestimentaires. Il aurait certainement été plus indiqué de nous dire quelle indécence y a-t-il à voir, sur le bord du fleuve serpentant nos villages, des femmes s’échiner à laver le linge et leurs ustensiles de cuisine, poitrines et seins offerts à la caresse du vent, pagne mouillé qui leur colle à la peau.
Au moment où des kleptocrates de la République sont célébrés, où plusieurs milliards de nos francs sont dilapidés dans des événements dénués de toute priorité, l’indécence ne serait-elle pas plutôt, près de 60 ans après notre accession à la souveraineté nationale et internationale, de voir certaines contrées du pays n’avoir accès ni à l’eau courante ni à l’électricité, ne pouvoir ni scolariser leurs enfants ni les soigner faute d’écoles et de dispensaires ?
Somme toute, quelle indécence y aurait-il à être de son époque, à porter un jean moulant, une taille basse ou un grand boubou au décolleté plongeant, une robe qui épouse les formes fines ou généreuses mises en évidence par une cambrure prononcée ? A ce niveau, la réponse servie par Monsieur le professeur est on ne peut plus renversante.
Songué, toi aussi ! Est-on tenté de l’interpeller. A l’entendre : s’habiller sexy pour la gent féminine fait courir le risque de réveiller la bête, en un mot le violeur potentiel qui sommeille en tout mâle. Voilà une manière bien singulière de penser l’humain. En faisant fi de sa capacité à user de sa raison pour apprécier la situation, l’analyser et proposer une réponse adéquate éclairée par l’éducation et la culture, il le réduit ainsi à une réalité pulsionnelle qui s’épuise dans des comportements réactogènes pour ne pas dire animaliers.
Et comme le ridicule ne tue pas les prétentions promptes à s’autoproclamer gardiennes de la morale, il y avait quelque chose d’incongru à voir Monsieur le professeur, affalé dans son fauteuil, bien emmitouflé dans son grand boubou richement brodé, apparemment content de racoler l’assistance dans une gestuelle précieuse, en l’invitant avec insistance à apprécier son élégance. Sans en prendre la mesure, il racontait ainsi le contentement de soi qui l’habite, manifestement préoccupé de faire admirer la dimension séductrice de son port vestimentaire.
Décidément, tout à son narcissisme, notre cher professeur semblait avoir oublié dans ses explications tendancieuses de prendre en compte la logique de théâtralité qui travaille la mode tout autant que sa propension à aller à l’encontre de la norme et du consensus. Ce qui faut-il le souligner, oblige à ne pas perdre de vue le fait que : en enjambant la condamnation moralisante, en combinant le plaisir de voir, tout comme le plaisir d’être regardé, la mode contribue à l’irruption d’attitudes souples voire de mentalités dérigidifiées. Aussi se révèle-t-elle comme un outil de démocratisation puisqu’elle participe par ce biais à l’édification et à la consolidation de sociétés ouvertes.
Gageons que les «Songuétudes» qui nous ont été servies ces dernières semaines nous fassent prendre conscience que les femmes, l’autre « Moitié du Ciel », sont des citoyennes à part entière. Qu’elles nous obligent à comprendre qu’il n’est de société battante et compétitive que celle qui s’invente un avenir. Une société susceptible, comme l’indique Paulin Hountondji, d’«imaginer le possible au-delà du réel ». Pour faire de sorte que les réflexions mortifères développées par Songué ne deviennent «la mesure de toute chose mais soient elles-mêmes mesurées, relativisées, remises à leur juste place, ordonnées et subordonnées à d’autres exigences, confrontées à des normes qui nous poussent en avant et nous arrachent au conformisme et à la résignation ».
Aussi, est-il heureux de voir la levée de boucliers de femmes et d’hommes, d’organisations féminines, portés par un même élan pour refuser que des personnes puissent s’ériger le droit de se positionner en censeurs et de légitimer le viol. En épousant cette posture, tout ce monde rappelle que les dynamiques sociales sont conflictuelles et qu’il est important que la vigilance citoyenne puisse s’exercer pleinement et refuser que l’on veuille cantonner la femme à un rôle subalterne en la réduisant à un objet de désir sujet à toutes les prédations.
C’est tout l’intérêt du débat actuel.
Songué Diouf avait-il cru, vendredi dernier, pouvoir s’en sortir sur le plateau de l’émission Jakaarlo de la Tfm, en convoquant ce qu’il avait l’air de considérer comme une évidence consensuelle, à savoir qu’une femme devrait s’habiller avec une certaine décence, veiller à ne pas exposer certaines parties de son corps ?
Loin de faire preuve d’humilité en s’amendant, Songué, professeur de philosophie dit-on, avait manifestement pris le parti de s’enfermer dans la conviction exprimée une semaine plus tôt, vendredi 9 mars, et qui voudrait que les femmes violées soient victimes de leurs propres audaces vestimentaires. Il aurait certainement été plus indiqué de nous dire quelle indécence y a-t-il à voir, sur le bord du fleuve serpentant nos villages, des femmes s’échiner à laver le linge et leurs ustensiles de cuisine, poitrines et seins offerts à la caresse du vent, pagne mouillé qui leur colle à la peau.
Au moment où des kleptocrates de la République sont célébrés, où plusieurs milliards de nos francs sont dilapidés dans des événements dénués de toute priorité, l’indécence ne serait-elle pas plutôt, près de 60 ans après notre accession à la souveraineté nationale et internationale, de voir certaines contrées du pays n’avoir accès ni à l’eau courante ni à l’électricité, ne pouvoir ni scolariser leurs enfants ni les soigner faute d’écoles et de dispensaires ?
Somme toute, quelle indécence y aurait-il à être de son époque, à porter un jean moulant, une taille basse ou un grand boubou au décolleté plongeant, une robe qui épouse les formes fines ou généreuses mises en évidence par une cambrure prononcée ? A ce niveau, la réponse servie par Monsieur le professeur est on ne peut plus renversante.
Songué, toi aussi ! Est-on tenté de l’interpeller. A l’entendre : s’habiller sexy pour la gent féminine fait courir le risque de réveiller la bête, en un mot le violeur potentiel qui sommeille en tout mâle. Voilà une manière bien singulière de penser l’humain. En faisant fi de sa capacité à user de sa raison pour apprécier la situation, l’analyser et proposer une réponse adéquate éclairée par l’éducation et la culture, il le réduit ainsi à une réalité pulsionnelle qui s’épuise dans des comportements réactogènes pour ne pas dire animaliers.
Et comme le ridicule ne tue pas les prétentions promptes à s’autoproclamer gardiennes de la morale, il y avait quelque chose d’incongru à voir Monsieur le professeur, affalé dans son fauteuil, bien emmitouflé dans son grand boubou richement brodé, apparemment content de racoler l’assistance dans une gestuelle précieuse, en l’invitant avec insistance à apprécier son élégance. Sans en prendre la mesure, il racontait ainsi le contentement de soi qui l’habite, manifestement préoccupé de faire admirer la dimension séductrice de son port vestimentaire.
Décidément, tout à son narcissisme, notre cher professeur semblait avoir oublié dans ses explications tendancieuses de prendre en compte la logique de théâtralité qui travaille la mode tout autant que sa propension à aller à l’encontre de la norme et du consensus. Ce qui faut-il le souligner, oblige à ne pas perdre de vue le fait que : en enjambant la condamnation moralisante, en combinant le plaisir de voir, tout comme le plaisir d’être regardé, la mode contribue à l’irruption d’attitudes souples voire de mentalités dérigidifiées. Aussi se révèle-t-elle comme un outil de démocratisation puisqu’elle participe par ce biais à l’édification et à la consolidation de sociétés ouvertes.
Gageons que les «Songuétudes» qui nous ont été servies ces dernières semaines nous fassent prendre conscience que les femmes, l’autre « Moitié du Ciel », sont des citoyennes à part entière. Qu’elles nous obligent à comprendre qu’il n’est de société battante et compétitive que celle qui s’invente un avenir. Une société susceptible, comme l’indique Paulin Hountondji, d’«imaginer le possible au-delà du réel ». Pour faire de sorte que les réflexions mortifères développées par Songué ne deviennent «la mesure de toute chose mais soient elles-mêmes mesurées, relativisées, remises à leur juste place, ordonnées et subordonnées à d’autres exigences, confrontées à des normes qui nous poussent en avant et nous arrachent au conformisme et à la résignation ».
Aussi, est-il heureux de voir la levée de boucliers de femmes et d’hommes, d’organisations féminines, portés par un même élan pour refuser que des personnes puissent s’ériger le droit de se positionner en censeurs et de légitimer le viol. En épousant cette posture, tout ce monde rappelle que les dynamiques sociales sont conflictuelles et qu’il est important que la vigilance citoyenne puisse s’exercer pleinement et refuser que l’on veuille cantonner la femme à un rôle subalterne en la réduisant à un objet de désir sujet à toutes les prédations.
C’est tout l’intérêt du débat actuel.