Serigne Sidy Moctar Mbacké : L’apôtre du dialogue inter-confrérique

RELIGION
Jeudi 11 Janvier 2018

La disparition du guide des Mourides, Serigne Mokhtar Mbacké, ce mardi vers 20h, a plongé les Sénégalais dans l’émoi alors que ces derniers se remettaient à peine de la tuerie de Nyassa où 13 de nos concitoyens avaient été froidement assassinés.

L’homme âgé de 92 ans était malade depuis quelques semaines et a rendu l’âme au village de Niary Ngayné, non loin Touba, où il a été inhumé.

Le défunt Khalife était pétri de qualités au rang desquelles l’humilité, la discrétion, l’altruisme et une grande érudition qui en avaient fait un ami de tous.
C’est pourquoi la Nation toute entière a tenu à lui témoigner sa reconnaissance et nombre de Sénégalais ont été présents à Touba.

Serigne Sidy Mokhtar a cependant marqué de son empreinte ce que nous appelons le dialogue inter-confrérique.

L’Islam au Sénégal est largement confrérique et les Mourides occupent une place importante dans l’échiquier du fait de leur nombre sans doute, mais aussi de leur engagement envers leurs guides.

Ainsi, contrairement à ce que l’on pense, les clivages ne sont pas souvent notés entre musulmans et chrétiens, mais surtout entre musulmans. Les malentendus entre confréries ont souvent existé malgré les efforts de nombres d’érudits au rang desquels le Khalife des Layène, Serigne Abdoulaye Thiaw Laye, et le défunt Khalife des Tidianes, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh.
Serigne Serigne Sidy Mokhtar, dès son arrivée à la tête du Khalifat en juin 2010, a axé sa communication sur l’unité des Musulmans. Il sommait les Mourides à éviter toute forme de malentendu avec les autres, notamment les Tidjanes. C’est ainsi que les confréries ont, sous son magistère, prié ensemble lors des fêtes musulmanes de Tabaski et de Korité. Le dialogue s’est établi au sommet entre guides et les talibés ont suivi dans une parfaite entente de tous.

Les seules réactions encore réfractaires de musulmans viennent de ceux qui sont d’obédience salafiste et dont le discours est de plus en plus hostile à l’Islam Soufi que les confréries incarnent.

La même préoccupation d’unité et de paix a aussi a guidé le marabout dans ses relations avec les hommes politiques et ses derniers entre eux.

C’est ainsi que le dernier appel à l’unité et au dialogue qu’il leur a lancé date du Magal de Touba de novembre dernier. Il a avait, à l’occasion, exhorté la classe politique à s’asseoir autour d’une table et à discuter des questions essentielles afin d’éviter les situations graves de crise qui pourraient oblitérer l’avenir de la Nation.
Malheureusement, il n’avait pas été entendu. Le pouvoir et l’opposition ont continué à se regarder en chiens de faïence malgré l’appel du Khalife, que son porte-parole Serigne Bass Abdou Khadre avait transmis avec brio.
Aujourd’hui, ce sont ses mêmes hommes politiques qui se bousculent à Touba pour rivaliser d’ardeur pour démontrer leur affection et leur respect au défunt Khalife. Une forme évidente d’hypocrisie car, s’ils avaient autant de respect par rapport au guide religieux qu’ils savaient malade, ils auraient pu entendre son appel et exaucer son dernier souhait de dialogue pour le bien supérieur du Sénégal.

Une situation qui en dit long sur les relations entre le spirituel et le temporel empreinte d’une forme de ‘’gentleman agreement’’ qui veut que les bons usages soient respectés sans que cela n’exprime une vraie considération de la part des uns et des autres.

De la part des politiques, il s’agit de jouer le jeu souvent pour des raisons électoralistes.

Il est ainsi important que les guides religieux observent la distance nécessaire par rapport à la chose politique s’ils veulent continuer à jouer leur rôle de soupe de sureté de régulateur social.

Et cela, Serigne Sidy Mohtar l’avait toujours compris.

Assane Samm, Rewmi quotidien