Serigne Mansour Sy Djamil sur l'Affaire Khalifa Sall : «C'est le procès de la honte, de l’obstination, de l’acharnement et de la méchanceté»

TRIBUNE LIBRE
Jeudi 8 Mars 2018

Monsieur de la FONTAINE l’a dit dans sa fable «La raison du plus fort est toujours la meilleure»  mais la raison de Macky SALL ne sera pas la meilleure parce que, malgré les apparences, il n’est pas le plus fort. C’est parce qu’il se sent profondément affaibli et esseulé qu’il tente d’instrumentaliser la justice pour éliminer des adversaires potentiels aux échéances électorales à venir. Il est conscient qu’il n’est pas le maitre du jeu. Il ne l’est même pas dans son propre parti.

En essayant de faire condamner Khalifa Ababacar SALL, ce procès de la honte qui n’a pas sa raison d’être est en fait le procès de l’obstination, de l’acharnement et de la méchanceté.

Il y a de cela huit ans, je publiais une déclaration au gamou de Stuttgart sur la situation délétère de notre pays à la suite de l’agression perpétrée par la police contre la Cathédrale de Dakar. Comble de sacrilège elle a lancé des bombes lacrymogènes contre les fidèles. Mes amis chrétiens, alors que j’étais à Stuttgart, avaient sollicité ma réaction devant la gravité de la situation.

La déclaration s’intitulait : «DAFA DOYE NA DEEM !!», ça suffit qu’il dégage. Il s’agissait d’Abdoulaye WADE et il est parti.

Au moment de prendre la parole pour le gamou de Stuttgart de cette année, une note m’est parvenue m’informant de l’exclusion de Khalifa Ababacar SALL ainsi que ses camarades du Parti Socialiste (PS). J’avais, à partir de Stuttgart, fait cette seconde déclaration lue durant le gamou à l’annonce  de l’exclusion de Khalifa Ababacar SALL du Parti Socialiste (PS), à la veille du début de son procès. Il s’agit de la confirmation d’un acharnement obsessionnel contre un leader politique dont la trajectoire, sans faille, depuis sa prime jeunesse, le destinait aux plus hautes responsabilités de notre pays. Aujourd’hui, le procès touche à sa fin, l’exclusion est une liquidation politique et le procès en est l’inhumation. Cette déclaration de Paris lue devant le forum «les nouveaux enjeux de la globalisation et la révolution numérique» organisé par la section francilienne de «Bess Dou Niak» me permet de dire ma colère devant la férocité des responsables politiques de ce pays, ma hantise devant les tyrannies qui renaissent, mon effroi devant la fachosphère qui s’installe et ma tristesse devant les carrières brisées.

Oui, je suis lassé par tant de trahisons, fatigué par cet abaissement de l’intelligence et de la dignité, déçu par tant d’ignominies.

La décision du bureau du Parti Socialiste (PS) ne concerne pas que les militants socialistes. C’est également notre affaire. Ce parti n’a pas su surmonter ses pulsions suicidaires. Dans ses rangs aujourd’hui déprimés et clairsemés, les haines recuites, et la prééminence des égos l’ont emporté sur les intérêts premiers du Parti.

Le PS du Congrès sans débats n’a pas su renouveler les visages et les usages pour redevenir ce grand parti pivot de la vie politique, depuis l’indépendance. Il ne cesse de s’enfoncer depuis sa défaite électorale qui s’est avérée être une véritable déroute politique. Ce n’est pas l’occurrence de la défaite, somme toute prévisible, mais son ampleur. Aujourd’hui, le pronostic vital de la vieille maison de Léopold Sédar SENGHOR est sérieusement engagé. Ce parti a été emporté par cette rigidité intellectuelle et politique qui a empêché les remises en cause nécessaires.


(...) Nous allons vers des échéances électorales décisives pour l’avenir du Sénégal. Dans ce contexte, comme disait Alain Badiou «la politique est ramenée au choix électoral d’un Président. De cette définition peut découler une conception assez cynique de la politique faite de concurrence, de rivalité, de brutalité, de combat avec tout ce que cela implique de vilenie, de corruption, de mensonge et de violence.»

Il y a les tenants de ces pratiques qui n’ont rien à envier a Machiavel, qui dans Le Prince définit les procédures de lutte pour le pouvoir, l’occupation, l’exercice et les qualités requises pour être l’homme de ce genre de combat.

«La contradiction entre justice et pouvoir a elle-même une longue histoire. Platon a essayé de fixer les normes d’un Etat soumis à l’idée de Bien et montré que ce n’était chose aisée. Assez tardivement, autour du XVIIIème siècle notamment avec Rousseau et ensuite à travers les efforts de plusieurs penseurs révolutionnaires du XIXème siècle notamment Marx et Engels mais aussi Proudhon, Fourrier, Auguste Comte, Blanqui, Feuerbach». (Alain BADIOU, Eloge de la politique).