Qu’arrive-t-il lorsqu’un État est au bord de la faillite ? Quels sont les signes d’une économie en faillite ? A ces questions, les chroniqueurs en économie répondent toujours quasiment de la même façon : un État n’a pas de biens mobiliers ou des bijoux de valeurs à aliéner pour se refaire une santé financière ; la seule solution pour lui c’est d’agir sur les impôts, sur les tarifs douaniers et sur sa masse salariale.
On sait que le gouvernement du Sénégal s’est vanté d’une baisse des impôts ce qui, selon lui, a eu un impact réel sur les salaires. Mais ce qui est curieux c’est que depuis deux tous les salariés de la fonction publique se plaignent d’une variation d’impôt totalement inexpliquée. Comme un fonctionnaire qui a servi sous Diouf, sous Wade et sous Macky peut-il ignorer jusque dans les détails de son salaire ? Tout le monde ne peut pas subitement devenir illettré au point ne pas comprendre que son bulletin de salaire a évolué de façon inhabituelle et incohérente.
Aujourd’hui le doute n’est plus permis parce que les coupes sauvages sur les salaires ont éveillé des soupçons légitimes : ça ne peut pas être un erreur ou un accident. Et la question est désormais : et si le gouvernement avait des difficultés de trésorerie qu’il veut masquer ? La question est d’autant plus légitime que partout, les revendications financières se font entendre : les étudiants réclament leur bourse, les salaires des fonctionnaires sont ponctionnés, les paysans attendent dans l’angoisse la disponibilité de l’argent pour vendre leurs récoltes et, plus grave encore, le gouvernement Boun Abdallah Dione est incapable de payer aux professeurs les indemnités du bac alors que la date butoir est la fin du mois de novembre.
Pourquoi le gouvernement prend-il le risque de s’exposer à un tel climat de tension sociale ? C’est d’autant plus suspect que le gouvernement n’a trouvé rien de meilleur que de payer ces indemnités par grappe et à la manière des épiciers. C’est par groupe (on ne sait pas par quel hasard ?) que les professeurs reçoivent leurs indemnités. Cette façon quasi informelle de s’acquitter d’obligations régaliennes est très souvent un symptôme de tension dans la trésorerie.
Ce postulat est crédibilisé par le fait que les entreprises locales déclarent presque toutes croupir sous le poids insupportable d’une pression fiscale de plus en plus implacable. Selon les spécialistes, l’augmentation et la pression fiscales sont en général les leviers naturels sur lesquels appuie un gouvernement en difficulté pour faire face à ses difficultés de trésorerie. Nous payons une dette de plus en plus aliénante par rapport aux obligations naturelles d’un État. Ce qui arrive à notre pays rappelle étrangement les péripéties de la crise de la dette qui a sonné le glas de l’économie grecque.
Si l’on en croit Takis Michas (journaliste à l’Eleftherotypia, un quotidien grec) «les racines structurelles de la crise se trouvent du côté de la nature clientéliste de la politique en Grèce. Les politiciens grecs utilisent depuis des années l’État comme un moyen de distribuer des faveurs à leurs électeurs. Offrir un poste très courtisé dans le service public (qui signifie un emploi et un revenu à vie, et un travail généralement tranquille) était une pratique répandue dont les conséquences sont payées aujourd’hui par le pays sous la forme d’un secteur public énorme, gaspilleur, inefficace et corrompu».
Au regard de la politique fumiste des bourses familiales et des dépenses de prestige du genre « Ila Touba », TER, et la navette Dakar-Tivaoune du train de banlieue, on ne que redouter que ce qui est arrivé à la Grèce arrive au Sénégal. Quand le gouvernement dit avoir créé des emplois, c’est plutôt sous le mode du recasement de sa clientèle politique dans la fonction publique. Il n’a jamais initié une politique de susceptible de booter l’emploi. Le plus grave c’est que Macky Sall a émietté l’action du gouvernement dans des programmes qui pouvaient parfaitement être exécutés par les départements ministériels. Mais avec Macky, c’est l’organe qui crée la fonction : on crée des agences pour les imposer à la structure de l’État parce qu’on veut satisfaire des clients politiques.
Ce n’est donc pas étonnant que le gouvernement accentue la pression sur les services douaniers et sur les institutions fiscales : la douane est devenue un levier essentiel pour permettre à l’État de payer les fonctionnaires et de faire face à la pression de la dette. Or un État comme le Sénégal, qui écrase les entreprises locales par les impôts et qui corse en même temps la politique douanière étouffe forcément les consommateurs. Les entreprises sénégalaises importent beaucoup d’intrants, ce qui fait que les coûts de douane élevés plombent leur marge de manœuvre.
Le prix du sucre, par exemple, ne plus baisser, car l’importation du sucre est soumise à des restrictions draconiennes. Le résultat est que les consommateurs ne peuvent nullement bénéficier de la baisse du cours mondial de certains produits. L’essence et le gasoil sont anormalement chers au Sénégal alors que le cours mondial du baril a drastiquement baissé ces sept dernières années.
Et même si nous n’avons aucune preuve que le régime de Macky Sall manipule les chiffres, nous devons faire preuve de prudence et de méfiance. Il est arrivé que des pays cachent leur déficit budgétaire et mentent sur leur croissance pour donner confiance aux investisseurs et, surtout, pour se faire passer pour un pays solvable sur le marché financier international. Le Sénégal multiplie les emprunts obligataires et se vante d’être crédible auprès des créanciers, mais tous les pays en faillite ont procédé de la même manière. Dans le cas de la Grèce, le journaliste Takis Michas explique que la crise grecque « s’est amplifiée lorsqu’il a été révélé que le gouvernement précédent avait menti sur les chiffres du déficit budgétaire.
Ainsi, il avait soutenu en 2009 que le déficit était de 3,7% alors qu’on a appris plus tard qu’il était en réalité de 12% ». La parole d’un gouvernement en matière de déficit budgétaire et de croissance n’est donc pas parole d’Évangile ! Un gouvernement qui a fait du mensonge et de la manipulation des consciences son levier de gouvernance ne peut plus être digne de confiance. En Grèce des fonctionnaire proches du régime occultaient les problèmes budgétaires et manipulaient les chiffres : avec les statistiques on peut tout faire. Ce n’est donc pas parce qu’un État accède au marché financier qu’il a une économie en bonne santé.
Le gouvernement sénégalais a engagé des dépenses publiques énormes qui, selon l’avis des économistes, ne sont pas susceptibles de relancer la production et la consommation locales. Et ce, parce que d’abord les entreprises qui exécutent les grands travaux amènent avec elles presque tout (y compris même la main-d’œuvre). Ensuite parce que le secteur privé local ne profite que des miettes qui lui sont laissées par les étrangers. Nos entreprises étouffent, nos jeunes ne trouvent plus du travail et sont obligés de prendre les mers dans la recherche d’une vie meilleure, les femmes sont abusées par des financements à relent politique, les fonctionnaires sont de plus en plus sollicités au nom de la solidarité sénégalaise… Nous souffrons tous, seuls les politiques, et principalement ceux proches du régime vivent le Sénégal de rêve que dépeint le gouvernement.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal
On sait que le gouvernement du Sénégal s’est vanté d’une baisse des impôts ce qui, selon lui, a eu un impact réel sur les salaires. Mais ce qui est curieux c’est que depuis deux tous les salariés de la fonction publique se plaignent d’une variation d’impôt totalement inexpliquée. Comme un fonctionnaire qui a servi sous Diouf, sous Wade et sous Macky peut-il ignorer jusque dans les détails de son salaire ? Tout le monde ne peut pas subitement devenir illettré au point ne pas comprendre que son bulletin de salaire a évolué de façon inhabituelle et incohérente.
Aujourd’hui le doute n’est plus permis parce que les coupes sauvages sur les salaires ont éveillé des soupçons légitimes : ça ne peut pas être un erreur ou un accident. Et la question est désormais : et si le gouvernement avait des difficultés de trésorerie qu’il veut masquer ? La question est d’autant plus légitime que partout, les revendications financières se font entendre : les étudiants réclament leur bourse, les salaires des fonctionnaires sont ponctionnés, les paysans attendent dans l’angoisse la disponibilité de l’argent pour vendre leurs récoltes et, plus grave encore, le gouvernement Boun Abdallah Dione est incapable de payer aux professeurs les indemnités du bac alors que la date butoir est la fin du mois de novembre.
Pourquoi le gouvernement prend-il le risque de s’exposer à un tel climat de tension sociale ? C’est d’autant plus suspect que le gouvernement n’a trouvé rien de meilleur que de payer ces indemnités par grappe et à la manière des épiciers. C’est par groupe (on ne sait pas par quel hasard ?) que les professeurs reçoivent leurs indemnités. Cette façon quasi informelle de s’acquitter d’obligations régaliennes est très souvent un symptôme de tension dans la trésorerie.
Ce postulat est crédibilisé par le fait que les entreprises locales déclarent presque toutes croupir sous le poids insupportable d’une pression fiscale de plus en plus implacable. Selon les spécialistes, l’augmentation et la pression fiscales sont en général les leviers naturels sur lesquels appuie un gouvernement en difficulté pour faire face à ses difficultés de trésorerie. Nous payons une dette de plus en plus aliénante par rapport aux obligations naturelles d’un État. Ce qui arrive à notre pays rappelle étrangement les péripéties de la crise de la dette qui a sonné le glas de l’économie grecque.
Si l’on en croit Takis Michas (journaliste à l’Eleftherotypia, un quotidien grec) «les racines structurelles de la crise se trouvent du côté de la nature clientéliste de la politique en Grèce. Les politiciens grecs utilisent depuis des années l’État comme un moyen de distribuer des faveurs à leurs électeurs. Offrir un poste très courtisé dans le service public (qui signifie un emploi et un revenu à vie, et un travail généralement tranquille) était une pratique répandue dont les conséquences sont payées aujourd’hui par le pays sous la forme d’un secteur public énorme, gaspilleur, inefficace et corrompu».
Au regard de la politique fumiste des bourses familiales et des dépenses de prestige du genre « Ila Touba », TER, et la navette Dakar-Tivaoune du train de banlieue, on ne que redouter que ce qui est arrivé à la Grèce arrive au Sénégal. Quand le gouvernement dit avoir créé des emplois, c’est plutôt sous le mode du recasement de sa clientèle politique dans la fonction publique. Il n’a jamais initié une politique de susceptible de booter l’emploi. Le plus grave c’est que Macky Sall a émietté l’action du gouvernement dans des programmes qui pouvaient parfaitement être exécutés par les départements ministériels. Mais avec Macky, c’est l’organe qui crée la fonction : on crée des agences pour les imposer à la structure de l’État parce qu’on veut satisfaire des clients politiques.
Ce n’est donc pas étonnant que le gouvernement accentue la pression sur les services douaniers et sur les institutions fiscales : la douane est devenue un levier essentiel pour permettre à l’État de payer les fonctionnaires et de faire face à la pression de la dette. Or un État comme le Sénégal, qui écrase les entreprises locales par les impôts et qui corse en même temps la politique douanière étouffe forcément les consommateurs. Les entreprises sénégalaises importent beaucoup d’intrants, ce qui fait que les coûts de douane élevés plombent leur marge de manœuvre.
Le prix du sucre, par exemple, ne plus baisser, car l’importation du sucre est soumise à des restrictions draconiennes. Le résultat est que les consommateurs ne peuvent nullement bénéficier de la baisse du cours mondial de certains produits. L’essence et le gasoil sont anormalement chers au Sénégal alors que le cours mondial du baril a drastiquement baissé ces sept dernières années.
Et même si nous n’avons aucune preuve que le régime de Macky Sall manipule les chiffres, nous devons faire preuve de prudence et de méfiance. Il est arrivé que des pays cachent leur déficit budgétaire et mentent sur leur croissance pour donner confiance aux investisseurs et, surtout, pour se faire passer pour un pays solvable sur le marché financier international. Le Sénégal multiplie les emprunts obligataires et se vante d’être crédible auprès des créanciers, mais tous les pays en faillite ont procédé de la même manière. Dans le cas de la Grèce, le journaliste Takis Michas explique que la crise grecque « s’est amplifiée lorsqu’il a été révélé que le gouvernement précédent avait menti sur les chiffres du déficit budgétaire.
Ainsi, il avait soutenu en 2009 que le déficit était de 3,7% alors qu’on a appris plus tard qu’il était en réalité de 12% ». La parole d’un gouvernement en matière de déficit budgétaire et de croissance n’est donc pas parole d’Évangile ! Un gouvernement qui a fait du mensonge et de la manipulation des consciences son levier de gouvernance ne peut plus être digne de confiance. En Grèce des fonctionnaire proches du régime occultaient les problèmes budgétaires et manipulaient les chiffres : avec les statistiques on peut tout faire. Ce n’est donc pas parce qu’un État accède au marché financier qu’il a une économie en bonne santé.
Le gouvernement sénégalais a engagé des dépenses publiques énormes qui, selon l’avis des économistes, ne sont pas susceptibles de relancer la production et la consommation locales. Et ce, parce que d’abord les entreprises qui exécutent les grands travaux amènent avec elles presque tout (y compris même la main-d’œuvre). Ensuite parce que le secteur privé local ne profite que des miettes qui lui sont laissées par les étrangers. Nos entreprises étouffent, nos jeunes ne trouvent plus du travail et sont obligés de prendre les mers dans la recherche d’une vie meilleure, les femmes sont abusées par des financements à relent politique, les fonctionnaires sont de plus en plus sollicités au nom de la solidarité sénégalaise… Nous souffrons tous, seuls les politiques, et principalement ceux proches du régime vivent le Sénégal de rêve que dépeint le gouvernement.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal