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Récurrence des décès post-opératoires : Le journaliste Aly Fall, en colère, condamne

TRIBUNE LIBRE
Mardi 16 Janvier 2018

Récurrence des décès post-opératoires : Le journaliste Aly Fall, en colère, condamne

Le jeudi 11 janvier dernier, j’ai assisté à l’enterrement d’un voisin, décédé le même jour à l’hôpital de Fann, suite à des douleurs persistantes au niveau des lombalgies. Le défunt, la cinquantaine bien sonnée, laisse derrière lui une épouse et six enfants, dont l’aînée d’à peine 20 ans vient de faire son entrée cette année à l’Université. C’est une grosse perte pour sa jeune famille, ses parents et amis qui s’étranglent de rage à l’idée de voir cet homme arraché à l’affection de tout un quartier.

 

Pourtant, tout laissait croire qu’il allait se remettre de ses douleurs lombaires qui l’ont cloué au lit pendant une bonne dizaine de jours. Mais hélas ! Trois jours avant son décès, sa famille a été contrainte de faire le tour des hôpitaux de Dakar pour une prise en charge médicale. C’est finalement à Fann qu’il a rendu l’âme après deux opérations successives en l’espace de quarante huit heures. Son frère aîné reste convaincu que la mort de son frangin pouvait être évitée. Il est même certain que le décès est consécutif à une erreur médicale parce que rien ne peut justifier une opération deux fois de suite en l’espace de deux jours. A coup sûr, dit-il, la première opération avait échoué.

 

Mais comme c’est toujours le cas au Sénégal, la famille s’en remet à Dieu et prie pour le repos de l’âme du défunt. Ce décès et ses circonstances sont loin cependant d’être un cas isolé. En effet, des cas comme ça, on en compte sans doute beaucoup par jour dans nos hôpitaux. Je passe sous silence le cas assez spectaculaire de la petite Aïcha Diallo, décédée dans les salles de l’hôpital de Thiaroye, ou encore celui assez inédit de Cheikh Seydi Aboubeker Mbengue, à l’hôpital de Fann, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Mais il est temps que les autorités sanitaires de ce pays s’interrogent sur la récurrence des décès post-opératoires au Sénégal.

 

Il est d’autant plus urgent qu’un père de famille a décidé (enfin) de porter plainte, après le décès de sa fille seulement âgée de 4 ans à l’hôpital Principal de Dakar. Le père de la famille éplorée a exprimé sa colère chez nos confrères de Dakaractu et espère sans doute obtenir une condamnation du médecin qui serait à l’origine du décès de la gamine. «Seynabou Mbaye, victime d’une brûlure, avait passé sa première nuit de souffrance à la clinique avant d’être évacuée le lendemain matin à l’hôpital Principal de Dakar au service de pédiatrie.

 

Quelques jours plus tard après son admission en réanimation, ses parents qui n’étaient pas encore au bout de leur surprise reçoivent une nouvelle d’un responsable de l’hôpital leur annonçant que le cas de Seynabou nécessite une évacuation au Maroc ou en France pour une meilleure prise en charge. Malheureusement, la petite succombera de ses blessures», peut-on lire sur le portail. Un témoignage poignant certes, mais qui laisse apparaître beaucoup d’anomalies dans la prise en charge de la gamine…

 

On sent le dégoût de ce père de famille. Et nous tous pouvons être un jour à sa place, si ce n’est déjà le cas. Alors, la responsabilité de l’Etat est totalement engagée face à ce triste constat qui est que les hôpitaux du Sénégal sont devenus des mouroirs par excellence. Il paraît qu’il y a des «comités d’éthique» dans nos hôpitaux pour situer les responsabilités en cas d’erreurs médicales. On se demande à juste raison à quoi servent ces «comités d’éthique», si les coupables d’erreurs médicales ne paient pas de leur liberté et de leur poche leurs errements devant des malades sur qui comptent sans doute des familles entières ? Parce qu’à ce rythme, ça finit par devenir du grand n’importe quoi.

 

Dans ce pays, les gens en sont arrivés à un niveau où ils préfè- rent être tirés de force vers les structures de soins, plutôt que de s’y rendre de façon volontaire. Le niveau de désespoir est tel que l’Etat a l’obligation de prendre les choses en mains. Les décès post-opératoires prennent des proportions démesurées et des familles entières en ressentent les conséquences au quotidien.

 

Nos médecins sont-ils, à ce point, nuls ou insensibles à la douleur qui frappe nos familles ? Subissent-ils fréquemment des tests psychologiques, comme ça doit être le cas ? Ont-ils conscience de l’espoir placé en eux par les familles des malades avant les actes chirurgicaux ? Sans tarder, l’Etat doit mettre sur pied une Brigade de contrôle des pratiques médicales dans nos hôpitaux. Je ne parle pas de cette Inspection médicale qui existe déjà, mais dont le contenu des rapports est loin d’être crédible pour ne pas dire qu’il est souvent trop complaisant et assez corporatiste.

 

Aujourd’hui, les personnels de santé sont plus préoccupés par des avantages pécuniaires que du bien-être des usagers des structures de santé. Je suis journaliste et membre du Réseau des journalistes en santé et population au Sénégal. Et durant douze années que j’ai été sur le terrain, je n’ai jamais entendu un syndicat remettre en cause la façon dont le corps médical travaille. Je ne parle pas des conditions de travail, mais de la façon de travailler et du comportement responsable que doit avoir un agent de santé devant des usagers.

 

Ce matin encore, j’ai entendu le docteur Boly Diop, patron du Syndicat autonome des médecins (Sames). La semaine dernière, c’était Mballo Dia Thiam du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas), mais personne ne se prononce en vérité sur les décès post-opératoires au Sénégal, encore moins le mauvais accueil. Et pourtant, ils sont très au fait de ces maux dont souffrent les structures de santé. Tout ce qui les intéresse en revanche, ce sont les primes de motivation, les primes d’heures supplémentaires (ce qui est absurde) ou encore les primes de suggestion.

 

Bientôt, ce sera des primes d’habillement. Même pour la généreuse politique de Couverture maladie universelle si chère au Président Sall, ce qui les y intéresse, c’est ce qu’elle peut apporter au personnel de santé en termes de gain. L’accès aux soins que ce programme est censé devoir régler pour les populations est loin d’ê- tre leur préoccupation. Il faut juste les écouter parler pour s’en apercevoir amplement et c’est dommage.

 

Le chef de l’Etat l’a d’ailleurs tellement bien compris qu’il a déclaré à la clôture du Forum sur le financement de la santé, tenu dernièrement, que la Cmu ne saurait être la vache à lait des hôpitaux. Il faut que le Président Sall aille plus loin et, s’il le faut, assujettir les subventions au niveau de satisfaction des usagers.

Aly Fall, journaliste diplômé en communication sociale

Le Quotidien via seneplus


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