Le rapport porte les voix des femmes, avec un chapitre consacré à leur "leadership en Afrique" par Nouzha Chekrouni (Maroc), experte et chercheuse associée au Policy Center. En outre, de nombreuses femmes comptent parmi les contributeurs du rapport. Dans un développent lumineux, Nouzha Chekrouni retrace les premières luttes engagées pour la reconnaissance des droits des femmes depuis la Conférence de Mexico en 1975 jusqu’au Millenium Development Summit tenu en 2000. La chercheur rappelle qu’en Afrique, l’Union africaine a beaucoup œuvré pour la reconnaissance de l’importance du droit des femmes et leur intégration dans un développement économique durable. Nouzha Chekrouni souligne qu’en dépit de réels obstacles , dont les femmes sont souvent les premières victimes, « l’Afrique a un énorme potentiel qui peut conduire nos sociétés à d’autres niveaux de développement ».
Comme elle le rappelle, l'Afrique donne déjà l'exemple au niveau mondial, avec six pays parmi les 20 premiers du monde en termes de représentation des femmes au Parlement : le Rwanda en tête (61% contre une moyenne globale de 24 %), suivi par la Namibie, l'Afrique du Sud, le Sénégal, le Mozambique et l'Ethiopie. D'autres pays ont adopté des quotas de plus de 30 % de femmes au Parlement, comme le Burundi, la Tanzanie, l'Ouganda. Les défis restent énormes, en raison du problème persistant du mariage précoce des jeunes filles notamment et des violences basées sur le genre. Malgré tout, l'accession des femmes à des postes importants ne relève plus de l'utopie dans l'Afrique du XXIe siècle, mais bien de la réalité.
De l’international au local
Comme le rappellent dans leur introduction Karim El Aynaoui, Président du Policy Center for the New South et Bouchra Rahmouni, Directrice de la Recherche, des partenariats et des évènements : « Les éditions précédentes ont expliqué comment cette région peu étudiée se trouve divisée entre une zone tourmentée au Nord et un territoire marqué par une vulnérabilité économique, politique et sociale, au Sud. Promouvoir le dialogue et une meilleure compréhension sont des éléments majeurs
pour mieux aider les pays de l’Atlantique à surmonter ces divisions et ces points de rupture et à marcher ensemble sur la voie du développement durable ».
Les 9 chapitres du rapport traitent des grandes questions, en allant du plus global au plus local. Il aborde « le monde post-Américain », les « chances de survie » de l’actuel système commercial régulé par l’OMC, ou encore « l’avenir de l’Union européenne », avant d’aborder les questions sud-atlantiques telles que « L’expansion des groupes armés au Sahel et les signaux d’alerte pour le littoral ouest-africain » et « la Chine et l’Afrique en temps de tourmente », entre autres.
Des experts et des chercheurs associés du Policy Center venant des Caraïbes, du Costa Rica, du Maroc, du Brésil et de la France ont traité des questions d’ordre économique, diplomatique et culturel. Le cap a été fixé dans la préface, signée par Aminata Touré, ancienne Premier Ministre du Sénégal : « L’Afrique que nous voulons est un continent intégré, où ses jeunes et femmes ont un véritable espoir pour leur avenir et rêvent d’atteindre un niveau de prospérité et d’opulence, en laissant derrière eux tout sentiment de peur, d’anxiété, de marginalisation, d’exclusion et de victimisation dans leur vie quotidienne. »
Écrivant sur « la gouvernance mondiale dans le monde poste-Américain », Len Ishmael (Saint Lucia), ancienne Ambassadrice des Etats des Caraïbes Orientales auprès du royaume de Belgique et de l’Union européenne, a mis l’acent sur le retrait américain du leadership occidental et ses conséquences pour le Sud : « Alors que la structure internationale continue de prendre forme et d’évoluer, le message des pays du Sud est simple : Ne nous faites pas choisir ! Le changement des dynamiques du pouvoir et la perception des Etats-Unis et de la Chine comme concurrents et menaces au lieu de partenaires, poussent de nombreux pays à choisir entre l’un ou l’autre »
Anabel Gonzalez, ancienne ministre du Commerce du Costa Rica, examine les enjeux de l’OMC et en appelle à une « gouvernance mondiale renouvelée », alors que l’ancien Représentant du royaume du Maroc auprès des Nations unies Mohamed Loulichki aborde les implications d’une « diplomatie culturelle » dans un contexte de déclin du hard power depuis la fin de la Guerre froide. De son côté, Dominique Bocquet (France) met l’accent sur l’enchevêtrement du Brexit, l’euroscepticisme et le populisme en tant que symboles de la nouvelle donne, en s’interrogeant sur le « futur de l’UE ».
Sahel, Chine-Afrique, agriculture africaine et économies atlantiques
Dans la seconde partie du rapport, Rida Lyammouri (Maroc) examine l’expansion des groupes extrémistes armés dans le Sahel, en se concentrant sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest.
En outre, Marcus Vinicius de Freitas (Brésil) apporte des éclairages sur la Chine et l’Afrique : « Une forte tentation à traiter la Chine comme le Japon ou l’Union soviétique du passé a émergé, écrit-il. Pourtant, les deux prescriptions sont fausses (…) Bien que certains souhaiteraient voir une nouvelle Guerre froide, ce scénario ne correspond pas à la perspective chinoise ni à ses intérêts au long terme, car cela déstabiliserait un équilibre vital des pouvoirs dans le propre voisinage de la Chine. »
Fatima Ezzahra Mengoub (Maroc) et Olisaeloka Okocha, un ancien Atlantic Dialogue Emerging Leader (ADEL) du Nigeria, discutent de l’usage de la technologie dans le secteur agricole africain afin d’améliorer la croissance. Enfin, les économistes marocains Tayeb Ghazi et Youssef El Jai dressent une cartographie complète de la convergence dans chaque sous-région de l’espace atlantique, appelant à plus d’action pour améliorer les relations entre pays.
Comme le soulignent Karim El Aynaoui et Bouchra Rahmouni, « Le rapport propose non seulement un diagnostic des turbulences dans l’ordre mondial et le bassin atlantique mais aussi des perspectives prometteuses et des projets pionniers, dont l’innovation sociale en réaction aux problèmes sociaux, l’autonomisation des femmes, la diplomatie culturelle, le dialogue interculturel, ainsi que la révolution digitale en tant que force bénéfique et outil d’une coopération renforcée. »