Quand un commissaire de police s’adresse au procureur de la République

TRIBUNE LIBRE
Mardi 4 Février 2020

Quand la Politique régente pernicieusement le temple de Thémis, le Droit, vertueux, en sort dignement.
Monsieur le procureur de la République, à l’occasion du nouvel an,  permettez-moi, en vous y associant d’ailleurs, de remercier avec toute la vénération requise,  toute l’humilité qui y sied ainsi que la totale dévotion qui s’impose, Allah Le Tout-Puissant, Détenteur de l’Autorité suprême, Maitre de l’univers et de nos fragiles destins d’êtres insignifiants et ignorants, de nous avoir accordé le très grand et incommensurable privilège d’être présents pour être témoins des premières lueurs de l’aube naissante. A nos compatriotes disparus, toutes mes pensées pieuses et que Le Bon Dieu les accueille dans son paradis ; aux malades j’exprime toute ma compassion, ma profonde sympathie et mon empathie en leur souhaitant un prompt rétablissement.

Monsieur le procureur de la République, j’imagine déjà la mine inquiète de certains de nos compatriotes qui verront dans mon initiative une sorte d’audace, une forme de courage voire de témérité ; et ce, tout simplement parce que le procureur de la République est, dans l’imaginaire populaire, celui qui symbolise la toute-puissance, la force, celui dont les vies dépendent parce qu’ayant la latitude, la possibilité et le pouvoir d’emprisonner ou de dispenser des affres de l’incarcération qui il veut, sans avoir à rendre compte. Et donc, s’adresser à quelqu’un disposant de tant de pouvoirs constituerait un risque énorme pour l’impertinent qui s’y aventurerait. Oh que non ! Pour moi, ce n’est point une affaire de courage ; vous n’êtes qu’un être humain et tout simplement un mortel qui, un jour inéluctable, et que Dieu Fasse que ce soit le plus tard possible, sera rendra compte que « Nit dou dara ». Aussi, ne saurais-je éprouver une quelconque crainte, une quelconque peur à m’adresser à vous, évidemment dans la manière la plus respectueuse, mais dans la totale vérité, the « raw truth » comme dirait mon ami anglais.

Monsieur le procureur de la République, vous êtes de la magistrature, ce noble, honorable et prestigieux corps de notre administration d’élite, composé d’hommes et de femmes de valeurs, dignes fils de ce pays aux différents parcours admirables ; mais, ne l’oubliez jamais, vous n’êtes pas un simple magistrat. Vous occupez un poste, exercez des fonctions et assumez des responsabilités qui vous confèrent à la fois le grand honneur et le redoutable privilège d’être la voix du peuple souverain dans le débat judiciaire, le protecteur de vos concitoyens et le représentant de la société considérée en masse et dont vous devez toujours préserver les intérêts en toutes circonstances.

Vous représentez aussi l’Etat censé être au service exclusif des populations ; cet Etat dont Marcus Cicéron disait que « son esprit, son sens et son âme reposent sur le droit, la justice et l’éthique ». Je ne saurais trop vous recommander de faire de ces paroles pleines de sens et de sagesse le socle de votre crédo professionnel ; il vous appartient, d’incarner, de promouvoir et de défendre les valeurs de justice, de droit, d’impartialité, d’égalité, d’équité et de vérité pour que soit toujours garanti le nécessaire et indispensable équilibre social sans lequel, s’instaurera l’anarchie ou régnera la loi du plus fort. Et, c’est parce que vos fonctions sont légitimées par votre qualité de représentant de la société, du peuple au nom de qui la justice est rendue, que je souhaiterais vous interpeller sur bon nombre de dossiers dont le traitement inquiète, laisse perplexes vos concitoyens et instille de manière prégnante le doute dans les esprits.

L’Affaire Pétro-Tim ; ce scandale amplifié par l’enquête de la BBC est considéré par beaucoup d’observateurs et de Sénégalais comme le plus grand survenu dans notre pays depuis son accession à la souveraineté internationale. Cette affaire, gravissime en tout point, a occupé et pollué le débat public avec l’implication de la fratrie présidentielle. Il s’agit de l’octroi à un futé escroc, un véreux truand doublé d’un flibustier sans foi ni loi, d’autorisations de recherches et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux sur les deux blocs offshore de Saint-Louis et de Cayar, de manière illégale en totale violation de la législation en la matière. Cette forfaiture, à de tout temps été dénoncée par beaucoup de nos compatriotes dont certains vous ont saisi en votre qualité de Procureur de la république censé défendre la société ; mais jamais vous n’avez essayé d’en connaitre, opposant à ces différentes interpellations un silence désobligeant qui frisait le mépris et le dédain. C’est à la suite des révélations scandaleuses de la BBC qui a provoqué un véritable tollé et suscité une indignation massive des Sénégalais que vous avez, enfin, daigné tenir une de conférence de presse pour apporter des réponses qui ont davantage semé le doute qu’elles n’ont apporté des éclairages.

Vous aviez annoncé l’ouverture d’une enquête avec un appel à témoin dont tous les spécialistes et hommes de l’art savaient pertinemment qu’il ne répondait à aucune démarche judiciaire logique. Votre approche apocryphe à souhait, posait dès l’entame les prémices d’une orientation procédurale qui ne devrait nécessairement pas aboutir à un résultat probant. La saisine du juge d’instruction pourrait être considérée comme participant de cette stratégie d’enfumage de l’opinion ; il n’en sortira rien de sérieux qui puisse satisfaire l’exigence de clarté et la demande de clarification tant désirées par les populations.

Monsieur le procureur de la République, comment vous y prendriez –vous pour mener à bien une enquête dont les principaux protagonistes ne seront pas auditionnés ? Le Président Macky Sall est hors de portée de vos compétences juridictionnelles et judiciaires, alors qu’il vous faudra l’autorisation de ce même Macky Sall pour pouvoir entendre Aly Ngouille NDIAYE ; comme il est très déplorable de le constater, tout est parti pour finir dans une évanescence judiciaire, en eau de boudin. Il y a, à n’en point douter, collusion, connivence et complicité manifestes au sommet de l’Etat ; qui en sont les auteurs ? Seule une enquête sérieuse, objective et impartiale pourrait les identifier.
Chaque fois que l’occasion lui en est donnée, le Président Macky Sall s’en donne à cœur joie pour laver à grande eau son jeune frère et l’innocenter de tout fait répréhensible. Vous, Procureur de la république oseriez-vous vous mettre en travers du chemin du Président de la République signataire du décret qui vous a installé dans la station que vous occupez présentement ? A moins d’être convaincu, en bon croyant, qu’il y a un décret divin supérieur et sans commune mesure à celui d’un simple mortel.

Monsieur le procureur de la République, vous, magistrat, aux compétences professionnelles avérées et moi, commissaire de police divisionnaire, enquêteur chevronné, à la retraite mais pas en retrait, savons pertinemment que rien ne sortira de cette enquête qui n’a pour seul objet que d’innocenter le jeune frère de Macky Sall. En vérité, il n’y a que deux responsables dans cette affaire ; c’est en premier le Président de la République Macky Sall, ensuite le ministre Aly Ngouille Ndiaye, l’un pour avoir signé les décrets et l’autre pour avoir rédigé un rapport de présentation contenant de fausses informations. Tous les faits qui ont suivi ne sont que les effets subséquents des actes préalablement posés par messieurs Macky Sall et Aly Ngouille Ndiaye. Le jeune frère du Président n’est qu’un pauvre comparse, sans envergure, sans aucune prérogative ni pouvoir, quant à Frank Timis, c’est un aventurier qui vit d’expédients et qui a intelligemment flairé une opportunité d’affaire dont il a su profiter, objectivement on ne peut pas trop le lui reprocher.

L’Affaire du COUD ; le directeur général du centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD), le sieur Cheikh Oumar ANNE, a été accablé par un rapport de l’OFNAC (2014-2015) qui a relevé de très graves manquements dans sa gestion. Les malversations commises étaient d’une telle ampleur et d’une telle gravité que les auditeurs avaient exigé qu’il fut relevé immédiatement de ses fonctions et que jamais plus il ne devrait exercer des responsabilités publiques. Entre autres prévarications, il lui était reproché des fractionnements de commandes dans l’attribution de marchés, d’octroi de subventions complaisantes dans l’illégalité la plus totale, de détournements de deniers publics, de faux et usage de faux, d’abus de biens sociaux, de décaissements irréguliers et non justifiés, d’escroquerie sur la vente du matériel réformé par un commissaire-priseur avec la complicité, selon les vérificateurs de l’OFNAC, de son prédécesseur, des membres de la commission de vente aux enchères et de l’agent comptable de l’époque. A cela s’ajoutaient le népotisme et le clientélisme exacerbés dans le recrutement du personnel.

Aujourd’hui, le sieur Cheikh Oumar Anne, condisciple du Président Macky Sall, de la même ethnie et du même parti que lui, auteur de ces exploits qui insultent la conscience collective de tout un pays, défient la morale et agressent l’éthique, a généreusement bénéficié d’une fulgurante et incompréhensible promotion en devenant ministre de l’enseignement supérieur ; comme un pied de nez à ses impénitents détracteurs. C’est ainsi que se manifeste la gestion des affaires publiques par le Président Macky Sall ; une gouvernance caractérisée par un caporalisme outrancier, sans aucune considération pour l’opinion.

Et pourtant, ce dossier effarant à plus d’un titre et scandaleux à plusieurs égards vous a été soumis et sans que vous n’entrepreniez la moindre diligence pour situer les responsabilités. Au contraire, vous avez, d’une manière maladroite qui a fortement entamé votre crédibilité, essayé de décrédibiliser le travail de l’OFNAC et par la même occasion dédouaner le protégé du Président de la République. Aussi, la directrice générale de l’OFNAC, a-t-elle profité d’une opportunité qui lui était offerte pour, publiquement, vous rappeler que si vous aviez fait votre travail, on n’en serait pas là à évoquer certains dossiers ; une manière subtile, fine et intelligente de vous accuser de laxisme et d’avoir failli à vos obligations et devoirs. Et tout récemment le Président Macky Sall, toujours lui, s’est inspiré de vos arguments contestables pour blanchir son ami et parent Cheikh Oumar Anne.

L’Affaire de la PRODAC ; à la suite d’une décision du ministre de l’économie et des finances, l’Inspection générale des finances a effectué une mission de contrôle et de vérification à la PRODAC. Après avoir minutieusement contrôlé, examiné et vérifié toutes les opérations financières effectuées par les dirigeants de la structure, les inspecteurs ont décelé des malversations financières portant sur un montant de vingt-neuf milliards de francs CFA (29 000 000 000 FRC CFA). Sans le moindre souci ni la moindre intention de soustraire qui que soit de cette forfaiture, les inspecteurs ont désigné les responsables présumés. Cette affaire de détournements de deniers publics avait défrayé la chronique et suscité l’indignation des Sénégalais ainsi que l’ire feinte du ministre de la jeunesse à l’époque des faits.

Et pour prouver sa non implication dans cette forfaiture que lui-même avait qualifiée de cabale politique dont son collègue des finances serait l’auteur, il s’est présenté un dimanche, jour non ouvrable, au building administratif pour, semblait-il, déposer sa démission auprès du Premier ministre. Ce dernier informé, s’est précipitamment rendu au domicile du soi-disant démissionnaire pour le supplier de revenir sur sa décision ; un véritable feuilleton à la fois vaudevillesque et dramatique qui a mis à nu la légèreté de non institutions incarnées par des personnes tout aussi irresponsables que farfelues. Malgré la gravité des faits et l’énormité des montants, vous n’avez jamais jugé utile ni nécessaire de vous autosaisir pour que la lumière soit faite sur l’argent du contribuable, ainsi dissipé à leurs profits égoïstes, par de vrais délinquants financiers.

L’Affaire des 94 milliards ; c’est un autre dossier sulfureux qui défraie la chronique et qui fait l’objet de toutes sortes de commentaires sur la place publique. Depuis le 16 octobre 2018, au siège de son parti, le leader du PASTEF, Ousmane Sonko a publiquement accusé le sieur Mamour Diallo, directeur des Domaines, d’un détournement de quatre-vingt-quatorze milliards de francs CFA (94 000 OOO frs CFA) à travers des opérations dolosives manifestement frauduleuses sur des titres de propriétés. Joignant l’acte à la parole, le Président Sonko vous a adressé une correspondance pour vous faire part de ses graves soupçons de détournements de deniers publics. Vous n’avez pas réagi à temps. C’est plus tard que vous avez évoqué l’irrecevabilité de la requête sous prétexte que le document émanait d’une personne morale et non de la personne physique d’Ousmane Sonko. Vous avez, aussi, été saisi par le Collectif « Nos 94 milliards » dont je fais partie. Jusqu’à présent aucune réaction de votre part. Acculé, et dans une manœuvre de diversion, le sieur Mamour Diallo, ami du Président de la République et protégé d’un grand marabout, a cru devoir porter plainte pour diffamation. Vous n’avez toujours pas entrepris la moindre diligence pour que cette grave affaire soit élucidée. C’est de l’argent public qui appartient au peuple sénégalais dont vous avez l’obligation de défendre les intérêts supérieurs quel que soit le statut du ou des mis en cause.

Ce dont je suis sûr, c’est que le sieur Mamour Diallo ne sera jamais inquiété en tant qu’ami du Président Macky Sall dont il est un joker politique dans une localité du nord et à la fois talibé et protégé d’un influent marabout très lié au Président de la République. Le peuple sénégalais souffre affreusement de cette collusion politico religieuse, une véritable mafia qui annihile tous les efforts de développement économique et social, mais qui permet à une classe privilégiée de ploutocrates parvenus et de marabouts stipendiés dont la crainte de Dieu est la moindre des préoccupations de maintenir le peuple dans une précarité permanente qui renforce sa docilité.

L’Affaire de la Poste ; à l’instar des dossiers évoqués supra, il y a eu des malversations et des prévarications inouïes commises à la direction générale de la Poste, sous le magistère de Ciré Dia. Il lui est reproché d’avoir eu une gestion financière calamiteuse marquée par des détournements répétés de deniers publics et des pratiques illégales en totale contradiction avec l’orthodoxie en la matière. La Poste, sous sa gestion, était en état de perfusion permanente avec l’intervention complaisante et complice du ministère de l’économie et des finances ; seulement il a, de tout temps, bénéficié de la couverture et la protection du Président Macky Sall qui misait beaucoup sur lui pour la reconquête de Thiès, fief de Idrissa Seck, l’homme politique qu’il craint le plus et à l’endroit duquel il nourrit un véritable complexe d’infériorité.

A l’instar du directeur général du COUD, le sieur Ciré Dia, au lieu d’être sévèrement sanctionné de manière exemplaire, en conformité avec la déclaration du Président Macky Sall qui s’était engagé publiquement et solennellement à ne protéger personne, a bénéficié d’une promotion au sein de la même structure. Comme dans les autres dossiers, votre silence n’est pas compris par vos concitoyens qui se posent des questions légitimes sur votre réelle utilité sociale.

Monsieur le procureur de la République, vous devriez savoir et, évidemment, en prendre conscience, qu’au-delà de vos fonctions individuelles, et non personnelles, vous avez une autre fonction tout aussi importante. C’est votre fonction de représentation de l’ensemble d’une corporation, d’un grand corps, la magistrature. Cette prestigieuse institution composée de femmes et d’hommes de valeur et d’une grande qualité professionnelle dont certains, notamment les plus anciens ont dignement représenté notre pays dans les instances internationales ; d’autres, par la qualité, la justesse, la teneur de leurs discours et la hauteur de leur verbe, auront marqué les esprits de leurs concitoyens qui, continuent de voir en eux des modèles et des références inoubliables.

Il vous devra être facile, dès lors, de comprendre que vos actes ainsi que vos discours engagent toute une communauté professionnelle dont vous devez veiller à la réputation, défendre l’honneur et la dignité. La perception de vos compatriotes sur votre manière d’exercer vos fonctions et d’assumer vos responsabilités déteindra forcément sur toute la corporation ; si vous êtes bien apprécié on dira que la justice est bien distribuée, par contre, si vous êtes mal jugé on dira que la justice est bancale. Vous n’ignorez pas que la plupart des Sénégalais ont une conception et une vision très restrictives de la justice qu’ils réduisent aux seules fonctions du Procureur de la république dont ils pensent qu’il décide de tout. La distribution des fonctions sociales, si nécessaires dans la vie en communauté, vous a conféré des responsabilités hautement stratégiques qu'il vous appartient d’assumer avec une grande rigueur morale et en vous inspirant de Marcus Cicéron qui disait que « L’âme, l’esprit et le sens de l’Etat reposent sur le droit, la justice et l’éthique ».

Monsieur le procureur de la République, certes, il vous appartient juridiquement d’apprécier l’opportunité des poursuites, mais moralement vous n’avez pas le droit d’agir comme bon vous semble ; vous devez vous imposer le devoir et l’obligation de répondre positivement et avec la célérité requise et souhaitée au besoin de justice de vos concitoyens souvent perplexes devant certaines lenteurs pour ne pas une certaine forme de passivité. En effet, il est fort aisé de constater une grande différence de traitement dans les dossiers soumis à votre appréciation. Dans certains cas, comme celui de mon ami Khalifa Ababacar Sall, vous avez agi en mode « fast-track » avec une volonté manifeste et très clairement affichée de punir sévèrement et dans d’autres, vous adoptez le rythme du limaçon, avec le souci très perceptible voire visible de ne point chercher à sévir, mais plutôt à dédouaner.

Toutefois, je ne peux m’abstenir d’évoquer le cas du député Seydina Fall alias Boughazelli. Jamais durant ma très longue et riche carrière je n’ai assisté à pareille situation, ou les enquêteurs, certainement sur instructions, à moins de me démontrer le contraire, ont libéré un délinquant pris en flagrant délit afin de lui permettre de dissiper des éléments de preuve, de contacter ses éventuels complices et d’aller chercher refuge auprès de son marabout qui, en sa qualité de saint homme et sachant qu’il répondra de ses actes, a refusé d’intercéder en sa faveur ; s’ il l’avait fait, le sort du député aurait pu prendre une autre tournure en tenant bien compte de la soumission de l’autorité politique vis-à-vis des religieux. Un tel laxisme, une telle bienveillance et une telle sollicitude à l’endroit d’un grand bandit pris en flagrant délit manifeste dépassent l’entendement du commissaire de police que je suis. Comment voulez-vous que les citoyens fassent confiance en la justice si ceux qui sont chargés d’assurer l’application stricte de la loi dans toute sa rigueur, sans compromission aucune, sont les premiers à la violer allègrement.

Monsieur le procureur de la République, puisqu’il est essentiellement question de justice, vous me permettrez de parler un peu de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) présentement dirigée par le juge Telicko que je félicite pour certaines de ses prises de position courageuses mais toujours guidées par un souci de s’en tenir aux faits, à la réalité et à la vérité. L’UMS est une entité corporatiste créée pour défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres. Comme toutes les structures de même type, la mission est noble et les objectifs légitimes. Seulement, concernant l’UMS, je pense sincèrement qu’elle doit aller au-delà des intérêts de ses seuls membres, pour se projeter plus loin, dans une vision sociétale globale et plus large qui puisse intégrer la prise en charge des intérêts matériels et moraux de toute la société considérée en masse. Il est question de justice ; et ne dit-on pas qu’elle constitue le dernier rempart contre l’arbitraire et la tyrannie. Ainsi rendre la justice doit pouvoir être considéré comme le plus noble des métiers et le plus motivant des sacerdoces. Une bonne justice, bénéficiaire de l’adhésion des citoyens et investie de la confiance des justiciables doit permettre d’asseoir les bases fondamentales et établir le socle solide devant garantir notre sécurité ontologique ; c’est à dire la confiance des Sénégalais dans la continuité de leur propre identité et dans la constance des environnements d’action sociaux et matériels.

Les magistrats n’ont pas à revendiquer une quelconque indépendance qui leur a, déjà, été octroyée par les textes ; il s’agit de la prendre et de l’exercer avec la pleine conscience de leurs responsabilités. Pour assurer et assumer son indépendance, il faut les trois conditions cumulatives suivantes : d’abord, avoir des compétences professionnelles avérées, ensuite, avoir un véritable courage et enfin, avoir foi en Dieu Le Tout-Puissant Maitre de nos destins individuels et collectifs.

Monsieur le procureur de la République, il sera très difficile pour la justice d’avoir le sursaut d’orgueil et la dynamique d’action nécessaires et indispensables pour s’émanciper de la tutelle et de la mainmise de l’exécutif qui a réussi la grande prouesse  et le tour de force de vassaliser toutes les institutions du pays. Et il se trouve qu’il y a à la tête du Conseil suprême de la magistrature un Président de la République qui a une inclination morbide à la brutalité, une propension pathologique à la violence physique et verbale ainsi qu’un penchant viscéral à la ruse dans tous les domaines de ses compétences régaliennes ; à cela s’ajoutent son mépris des règles du jeu et la jouissance narcissique et quasi contemplative qu’il semble éprouver devant les tourments de ses adversaires, de ses contradicteurs et de ses contempteurs souvent victimes de son intolérance et de son autoritarisme dont souffrent, aussi, ses proches.
 Quant au ministre de la justice, c’est le plus nul, le plus farfelu, le plus ignorant et le plus incompétent que notre pays ait jamais eu. Imbu de sa personne, il a la mauvaise manie de toujours élever le ton de tenir des propos comminatoires à souhait, avec cette volonté malsaine et incongrue de vouloir tenir tout le monde sous sa férule.

Il n’a pas la posture d’un ministre et manque totalement et dramatiquement de classe, de tenue et de retenue ; tous les magistrats, dans le secret de leurs bureaux et au cours de leurs conversations privées s’en désolent régulièrement et déplorent un tel état de fait. Il semble s’être fixé comme objectif de faire rendre la justice pour les beaux yeux du prince ; ce n’est qu’une opinion et j’espère avoir le droit d’en avoir et de pouvoir l’exprimer en toute liberté. Que son éminence monsieur le ministre de la justice me permette de lui rappeler les propos du Maréchal Hector de Villiers qui s’adressait au roi LOUIS XIV en ces termes « Sire, il est, à la fois, difficile de servir et de plaire ».
Monsieur le Procureur de la république, permettez-moi de vous rappeler ces mots tirés du saint Coran « Ne savent-ils pas qu’ils se présenteront devant Allah Le Tout-Puissant, Maitre de l’autorité suprême pour la reddition des comptes ? ». Ce jour-là, un moment inéluctable et irréversible, vous vous rendrez compte, monsieur le Procureur de la république, de l’insignifiance de votre personne, de l’inanité de vos pouvoirs, de la vanité de votre puissance et de la vacuité de l’imposant palais de justice ou, pour l’heure, vous trônez majestueusement. Mais sachez qu’il n’y a qu’une seule Majesté, c’est ALLAH, un seul Trône le Sien. Un proverbe arabe ne dit-il pas que « Pour avoir des sillons droits, il faut accrocher sa charrue à une étoile » ; je paraphraserai pour vous dire, que pour ne pas quitter le droit chemin dans l’exercice de vos délicates et lourdes fonctions, accrochez votre charrue à l’étoile de la vérité et la crainte révérencieuse de Dieu.
Que La Grace éternelle d’Allah vous couvre et vous accompagne dans l’exercice de votre mission ; de même, que Sa Miséricorde Infinie et incommensurable se répande dans le cœur meurtri de toutes les victimes d’injustices afin qu’elles puissent pardonner.
 
Le pouvoir au peuple, les servitudes aux dirigeants. TERMINUS 2024.

 
Boubacar   SADIO, Commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite