Quelques minutes plus tôt, la présidente a rejeté la demande de son avocat, maître Pierre Cornut-Gentille ainsi que celle du conseil de son mari, maître Antonin Lévy. Ils tentaient de verser aux débats les récentes déclarations d'Éliane Houlette, ancienne patronne du Parquet national financier, faisant état de « pressions » procédurales de son autorité de tutelle, le parquet général pendant l’enquête Fillon.
Penelope Fillon sait donc qu'elle n'a plus que quelques minutes avant de connaître la sanction. Elle écoute la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino, dont chaque mot prend l'allure d'une sentence. Le débit est celui d'une mitraillette.
Le ton froid, si loin, de ces petites touches d'empathie qu'elle avait cru deviner à son encontre pendant les audiences. Penelope Fillon se demande où est passée la magistrate posée, sereine, jamais vraiment critique, celle qui lui a tendu tant de perches pendant les audiences.
À son côté, François Fillon bouillonne intérieurement. Il a le regard fixe. On le sent prêt à mordre. Lorsque la présidente lui a demandé de se présenter devant elle, il a retiré son masque.
« Aucune justification » au comportement de l'ex-Premier ministre
La magistrate ne fait aucune nuance. En condamnant l'ancien Premier ministre à cinq ans de prison, dont deux ferme, ainsi qu'une peine d'inéligibilité de dix ans, elle suit, à quelques détails près, les réquisitoires du parquet. Oui, l'emploi de son épouse Penelope était bien fictif. Et rien ne justifiait qu'elle soit rémunérée pour entretenir le réseau local de son mari. Aucun des arguments de la défense, qui plaidait la relaxe générale, ne l'a convaincue.
La sanction est « lourde », la magistrate le dit et l'assume. Elle n'a trouvé « aucune justification » au comportement de l'ex-Premier ministre. Il a « manqué à son devoir de probité » et à son « devoir d'exemplarité ». En faisant « prévaloir son intérêt personnel sur l'intérêt commun » dans un but d'« enrichissement personnel », le prévenu « a contribué à éroder la confiance » des citoyens. Il a « abimé la vie de la démocratie ».
La présidente ne cite aucune jurisprudence pour appuyer son jugement. Les faits sont, selon elle, suffisamment graves pour ne pas discuter plus que ça les arguments de la défense et les innombrables arrêts de jurisprudence qu'ils avaient mis en avant pour défendre leur client.
C'est dans les écrits de la déontologue de l'Assemblée nationale que la présidente du tribunal a trouvé la philosophie de son jugement. Il y a quelques années, la déontologue expliquait aux parlementaires que leur légitimité tenait, certes, au suffrage électoral. Mais aussi à leur exemplarité. À ce titre, l'ancien Premier ministre n'a, selon elle, aucune excuse.
Pour conclure la lecture de son jugement, la présidente s'étonne enfin du système de défense des époux Fillon – « celui-ci vous appartient » – qui n'a jamais reconnu que la ligne jaune avait été franchie.
« L'affaire Fillon » n'est pas finie
Condamnée à deux ans de prison avec sursis, Penelope Fillon est aussi condamnée à une peine d'inéligibilité. Elle devra renoncer à siéger au conseil municipal de Solesmes où elle vient d'être réélue au premier tour. Lors du dernier conseil municipal, elle avait choisi de s'occuper des finances, de la culture, de l'illumination et de la floraison des rues du village… Solesmes devra trouver un autre adjoint.
En sortant de la salle d'audience, maître Antonin Lévy, l'avocat de François Fillon, prend sa tête des mauvais jours. Ses clients font appel du jugement. « Il y aura un nouveau un procès », explique l’avocat. « C'est d'autant plus nécessaire que, depuis quelques jours, on commence enfin à comprendre ce que nous pressentons depuis 2017, les conditions ubuesques dans lesquelles cette enquête s'est déclenchée, les conditions scandaleuses dans lesquelles cette instruction a été ouverte, les conditions surprenantes dans lesquelles les investigations ont ensuite été conduites. » « L'affaire Fillon » n'est pas finie. Et « l'affaire du procès Fillon » ne fait que commencer...
Avec le Point.fr