Les mutins ont pris l'habitude de tirer en l'air pour montrer leur mécontentement à propos de primes non payées et effrayer la population civile.
Alors que la situation dans la capitale économique Abidjan avait été calme pendant le week-end, de nombreux tirs étaient audibles lundi matin en provenance des deux camps militaires d'Akouedo (est), formant la plus grande caserne du pays, selon une habitante qui réside entre les deux enceintes.
Les voies d'accès à Akouedo, et notamment une des principales artères de la zone - le boulevard François Mitterrand, une autoroute urbaine - étaient fermées, empêchant les habitants de l'est de la ville de se rendre au centre d'Abidjan, selon un collaborateur de l'AFP.
Le lycée français Blaise Pascal qui se trouve non loin de la zone a été fermé. "En raison de tirs au camp d'Akouedo et du blocage des carrefours alentours, les cours n'auront pas lieu aujourd'hui au lycée Blaise Pascal et à l'école Jacques Prévert. Il est recommandé d'éviter tout déplacement dans ce secteur", a prévenu le consulat de France dans un message. La Banque Africaine de Développement (BAD) a demandé à ses employés "rester chez eux et de ne pas bouger (...) la situation sécuritaire" n'étant "pas claire pour le moment à Abidjan".
Plusieurs entreprises ont aussi demandé à leur personnel de rester à la maison. Des tirs étaient également audibles en provenance du camp Gallieni, au Plateau (centre ville), qui avait été un des points chauds de la journée de vendredi.
A Bouaké, des tirs étaient fréquents, les mutins n'hésitant pas à multiplier des séquences avec des armes de gros calibres, effrayant une partie de la population et générant depuis dimanche soir d'incessantes rumeurs sur l'attaque de la ville par les forces loyalistes.
Dimanche soir, les rebelles qui contrôlent Bouaké s'étaient montrés déterminés à continuer leur mouvement malgré les menaces de "sanctions sévères" de l'état-major et des négociations avec trois anciens +Com Zone+ (commandant de zones) figures de l'ex-rébellion dont sont issus les mutins.
"On veut l'argent, c'est tout! Il n'y pas à discuter", avait dit l'un d'entre eux. - 'Pas renoncé' - Un des soldats avait aussi fanfaronné: "Ils (gouvernemet) croient que c'est fini à Abidjan, il vont voir. Akouedo, Gallieni, c'est nos frères, on est tous pareils. On a des téléphones, on se parle". Les mutins réclament les reliquats des primes promises par le gouvernement après les mutineries de janvier qui ont ébranlé le pays. A l'époque, ils avaient réclamé 12 millions de francs CFA de primes (18.000 euros) pour chacun d'eux (des sommes importantes pour le pays), et obtenu le versement dès janvier de 5 millions (7.500 euros).
On leur avait promis les 7 millions restants par tranche à partir de ce mois de mai. Jeudi, un représentant de soldats avait annoncé renoncer aux revendications financières, lors d'une cérémonie en présence du président Alassane Ouattara et d'autres soldats, qui se voulait un point final à la protestation des forces de sécurité.
Loin d'apaiser la situation, cette cérémonie a en fait déclenché un nouveau mouvement d'humeur, dans ce pays d'Afrique de l'Ouest durement touché par l'effondrement des cours du cacao, vital pour son économie et dont il est le premier producteur mondial.
"Tu connais quelqu'un qui renonce à 7 millions (10.000 euros) ? On nous a promis, il faut payer", a affirmé un mutin à Bouaké. "On ne sait pas si les délégués qui ont été envoyés à Abidjan (qui ont renoncé au primes) nous ont trahis, s'ils sont corrompus ou s'ils ont été pris en otage là-bas. Mais nous, on n'a pas renoncé. C'est clair", a affirmé le sergent Yacouba Soro, un mutin.