À l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à criminaliser l’homosexualité divise. Samedi 25 décembre, dans un communiqué de presse, Aymérou Gningue, président de la majorité parlementaire « Benno Bokk Yaakar », a qualifié l’initiative de « faux débat » estimant qu’elle cachait des « objectifs politiques inavoués en cette période pré-electorale – des elections locales doivent avoir lieu le 23 janvier 2022.
Mais pour le groupe de onze députés, majoritairement de l’opposition, à l’initiative de la proposition et à la tête duquel se trouve Mamadou Lamine Diallo, la démarche se fait « l’écho des légitimes inquiétudes de l’écrasante majorité des croyants de ce pays et de nombreuses autorités religieuses du Sénégal ».
Déposée mercredi 22 décembre au Parlement, la proposition de loi modifie l’alinéa 3 de l’article 319 du code pénal en punissant « d’une peine de cinq à dix ans d’emprisonnement ferme et d’une amende d’1 million à 5 millions de FCFA (environ 7 600 euros) sans possibilité d’accorder des circonstances atténuantes, quiconque aura été reconnu coupable d’actes contre-nature ».
La démarche s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus large impulsé par le collectif « And Samm Jikko Yi » (Ensemble pour la sauvegarde des valeurs, en wolof) qui regroupe plusieurs associations islamiques dont la très influente et conservatrice Jamra qui s’est érigée en gardienne des mœurs et des valeurs religieuses. Fin mai, à l’appel de cette dernière, une marche avait rassemblé à Dakar plusieurs milliers de manifestants favorables à une plus grande criminalisation de l’homosexualité. « Protéger la nation sénégalaise » Car le code pénal rend déjà délictuel « les actes impudiques ou contre-nature entre deux individus de même sexe » en les condamnant à une peine d’emprisonnement « d’un à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs de CFA (environ 2 300 euros) ». « La législation du Sénégal qui date de 1966 est claire et nette à ce sujet. Il n’est point besoin d’y ajouter ou d’en retirer une virgule », affirme Aymérou Gningue dans son communiqué.
Ce n’est visiblement pas assez pour Mamadou Lamine Diallo et ses collègues qui, dans leur exposé, présentent l’homosexualité, le lesbianisme, la bisexualité ou la transsexualité comme des « déviances sexuelles ». Rangées dans la même catégorie que la nécrophilie et la zoophilie, ces pratiques [qui ] heurtent « la morale et les croyances, frisent l’indécence, sapent la cohésion sociale et détruisent les fondamentaux de ce pays de valeurs », disent-ils.
« Le code pénal dans son état actuel est évasif. Il n’est pas précis, se justifie Cheikh Bamba Dieye, député signataire de la proposition de loi. Et ce dont il s’agit, ce n’est pas simplement de la criminalisation de l’homosexualité. Il s’agit de donner un sens à un projet national selon lequel le peuple sénégalais a choisi un mode de vie qui semble être le plus conforme à ses convictions morales, religieuses et historiques ». Selon lui, le Sénégal est menacé par les valeurs d’une société occidentale qui « veut s’imposer à tous les citoyens du monde ». D’où l’urgence de « protéger la nation sénégalaise », écrivent les députés. L’influence des confréries musulmanes Toutefois certaines personnalités s’interrogent sur l’opportunité de cette loi à moins d’un mois des élections locales du 23 janvier, dans un pays majoritairement musulman et où la vie politique et sociale est influencée par les confréries musulmanes. « On doit se questionner sur le dessein politique qui se cache derrière cette initiative. Le débat sur les questions religieuses est en train d’être instrumentalisé. Alors qu’il y a d’autres priorités qu’une loi criminalisant l’homosexualité », affirme un député de la majorité présidentielle.
« L’opposition veut se servir de cela pour rallier à sa cause des marabouts, des imams dans un seul intérêt électoraliste, en prêchant le faux et le mensonge », renchérit Me Djibril War, député de l’APR, le parti présidentiel. « C’est très facile d’y voir un dessein électoraliste alors qu’on pose un débat de fond sur notre société. Cela n’a aucun sens. La loi vient juste d’être déposée. Et elle ne sera examinée que bien après les élections. Où est le gain politique en terme électoral ? », répond Cheikh Bamba Dieye. « Valeurs de culture et de civilisation » En Afrique, les relations entre personnes de même sexe sont interdites dans plus de la moitié des pays africains. En février, le président Macky Sall, interrogé sur la question, avait estimé que « les normes, qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation », ne favorisaient pas une dépénalisation de l’homosexualité. Tout en précisant que « ceux qui ont l’orientation sexuelle de leur choix ne [faisaient] pas l’objet d’exclusion ».
Toutefois, dans la foulée des manifestations de mai dernier, plusieurs cas d’agression avaient été signalés par des membres de la communauté LGBTQ+. Et début juin, quatre vidéos avaient émergé sur les réseaux sociaux, montrant de supposés homosexuels être pris à partie en raison de leur orientation sexuelle.
Selon l’émission Les Observateurs de la chaine française France 24, les hommes agressés dans les différentes vidéos avaient ensuite été arrêtés et détenus par la police. Le 21 décembre, Aïssata Tall Sall, la ministre des Affaires étrangères, a réitéré devant les députés de l’Assemblée nationale, l’opposition du Sénégal à reconnaître l’homosexualité. « Le Sénégal n’acceptera jamais l’homosexualité. Personne ne pourra nous l’imposer ».
La proposition de loi doit faire l’objet d’un examen par le bureau de l’Assemblée nationale. Elle sera ensuite communiquée au président de la République pour avis. Elle pourra alors être débattue en plénière et soumise au vote si elle est jugée recevable. Mais le Parlement étant dominé à une majorité écrasante par la coalition au pouvoir, il y a de fortes chances que le projet n’aboutisse pas.
« Un groupe parlementaire n’a aucune compétence pour rejeter, de surcroît avec un simple communiqué de presse politique, une proposition de loi, a pour sa part mis en garde l’ONG islamique Jamra, le 25 décembre. C’est la séance plénière, qui est publique, que les électeurs attendent avec impatience ».
Jeune afrique
Mais pour le groupe de onze députés, majoritairement de l’opposition, à l’initiative de la proposition et à la tête duquel se trouve Mamadou Lamine Diallo, la démarche se fait « l’écho des légitimes inquiétudes de l’écrasante majorité des croyants de ce pays et de nombreuses autorités religieuses du Sénégal ».
Déposée mercredi 22 décembre au Parlement, la proposition de loi modifie l’alinéa 3 de l’article 319 du code pénal en punissant « d’une peine de cinq à dix ans d’emprisonnement ferme et d’une amende d’1 million à 5 millions de FCFA (environ 7 600 euros) sans possibilité d’accorder des circonstances atténuantes, quiconque aura été reconnu coupable d’actes contre-nature ».
La démarche s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus large impulsé par le collectif « And Samm Jikko Yi » (Ensemble pour la sauvegarde des valeurs, en wolof) qui regroupe plusieurs associations islamiques dont la très influente et conservatrice Jamra qui s’est érigée en gardienne des mœurs et des valeurs religieuses. Fin mai, à l’appel de cette dernière, une marche avait rassemblé à Dakar plusieurs milliers de manifestants favorables à une plus grande criminalisation de l’homosexualité. « Protéger la nation sénégalaise » Car le code pénal rend déjà délictuel « les actes impudiques ou contre-nature entre deux individus de même sexe » en les condamnant à une peine d’emprisonnement « d’un à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs de CFA (environ 2 300 euros) ». « La législation du Sénégal qui date de 1966 est claire et nette à ce sujet. Il n’est point besoin d’y ajouter ou d’en retirer une virgule », affirme Aymérou Gningue dans son communiqué.
Ce n’est visiblement pas assez pour Mamadou Lamine Diallo et ses collègues qui, dans leur exposé, présentent l’homosexualité, le lesbianisme, la bisexualité ou la transsexualité comme des « déviances sexuelles ». Rangées dans la même catégorie que la nécrophilie et la zoophilie, ces pratiques [qui ] heurtent « la morale et les croyances, frisent l’indécence, sapent la cohésion sociale et détruisent les fondamentaux de ce pays de valeurs », disent-ils.
« Le code pénal dans son état actuel est évasif. Il n’est pas précis, se justifie Cheikh Bamba Dieye, député signataire de la proposition de loi. Et ce dont il s’agit, ce n’est pas simplement de la criminalisation de l’homosexualité. Il s’agit de donner un sens à un projet national selon lequel le peuple sénégalais a choisi un mode de vie qui semble être le plus conforme à ses convictions morales, religieuses et historiques ». Selon lui, le Sénégal est menacé par les valeurs d’une société occidentale qui « veut s’imposer à tous les citoyens du monde ». D’où l’urgence de « protéger la nation sénégalaise », écrivent les députés. L’influence des confréries musulmanes Toutefois certaines personnalités s’interrogent sur l’opportunité de cette loi à moins d’un mois des élections locales du 23 janvier, dans un pays majoritairement musulman et où la vie politique et sociale est influencée par les confréries musulmanes. « On doit se questionner sur le dessein politique qui se cache derrière cette initiative. Le débat sur les questions religieuses est en train d’être instrumentalisé. Alors qu’il y a d’autres priorités qu’une loi criminalisant l’homosexualité », affirme un député de la majorité présidentielle.
« L’opposition veut se servir de cela pour rallier à sa cause des marabouts, des imams dans un seul intérêt électoraliste, en prêchant le faux et le mensonge », renchérit Me Djibril War, député de l’APR, le parti présidentiel. « C’est très facile d’y voir un dessein électoraliste alors qu’on pose un débat de fond sur notre société. Cela n’a aucun sens. La loi vient juste d’être déposée. Et elle ne sera examinée que bien après les élections. Où est le gain politique en terme électoral ? », répond Cheikh Bamba Dieye. « Valeurs de culture et de civilisation » En Afrique, les relations entre personnes de même sexe sont interdites dans plus de la moitié des pays africains. En février, le président Macky Sall, interrogé sur la question, avait estimé que « les normes, qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation », ne favorisaient pas une dépénalisation de l’homosexualité. Tout en précisant que « ceux qui ont l’orientation sexuelle de leur choix ne [faisaient] pas l’objet d’exclusion ».
Toutefois, dans la foulée des manifestations de mai dernier, plusieurs cas d’agression avaient été signalés par des membres de la communauté LGBTQ+. Et début juin, quatre vidéos avaient émergé sur les réseaux sociaux, montrant de supposés homosexuels être pris à partie en raison de leur orientation sexuelle.
Selon l’émission Les Observateurs de la chaine française France 24, les hommes agressés dans les différentes vidéos avaient ensuite été arrêtés et détenus par la police. Le 21 décembre, Aïssata Tall Sall, la ministre des Affaires étrangères, a réitéré devant les députés de l’Assemblée nationale, l’opposition du Sénégal à reconnaître l’homosexualité. « Le Sénégal n’acceptera jamais l’homosexualité. Personne ne pourra nous l’imposer ».
La proposition de loi doit faire l’objet d’un examen par le bureau de l’Assemblée nationale. Elle sera ensuite communiquée au président de la République pour avis. Elle pourra alors être débattue en plénière et soumise au vote si elle est jugée recevable. Mais le Parlement étant dominé à une majorité écrasante par la coalition au pouvoir, il y a de fortes chances que le projet n’aboutisse pas.
« Un groupe parlementaire n’a aucune compétence pour rejeter, de surcroît avec un simple communiqué de presse politique, une proposition de loi, a pour sa part mis en garde l’ONG islamique Jamra, le 25 décembre. C’est la séance plénière, qui est publique, que les électeurs attendent avec impatience ».
Jeune afrique