Il faut bien comprendre que les nombreux dysfonctionnements constatés dans la préparation et le déroulement des élections législatives du 30 Juillet 2017, loin de constituer des couacs de la part d’un Ministre de l’Intérieur novice, faisaient partie d’un plan minutieusement ourdi pour remporter une élection que la Coalition au pouvoir ne pouvait se permettre de perdre, au vu de la proximité des élections présidentielles de février 2019.
Rappelez-vous élections présidentielles du 25 février 2007 ! Le directoire de campagne du parti démocratique sénégalais présidé alors par un certain Macky Sall annonçait, tard dans la soirée, alors que les opérations de vote se poursuivaient encore à Fatick et à Touba, la victoire au premier tour de Me Abdoulaye Wade avec un taux flatteur de 55% sur la base de 60% de bulletins dépouillés.
Par la suite, les avocats du Parti socialiste et ceux de la Ligue Démocratique avaient déposé des recours, contestant le résultat et pointant le doigt sur de nombreuses irrégularités (utilisation d'une encre délébile, facile à effacer, manque d’équité dans les inscriptions et les distributions de cartes, impossibilité pour de nombreux sénégalais de voter dans des conditions normales).
(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Ce bref rappel était nécessaire pour montrer que nous avons affaire à des récidivistes, qui entretemps, sont passés experts dans la science de la fraude électorale, souvent impunie sous nos cieux, bien que plus pernicieuse que les fuites aux examens scolaires, par exemple.
Lors de ces élections du 30 juillet dernier, plusieurs anomalies ont été constatées qui nous font dire que les conditions de base pour la tenue d’un scrutin régulier, n’étaient pas réunies.
Seuls trois quarts des inscrits ont pu disposer de leurs cartes. En effet, pour 6.219.447 inscrits, seules 5.379.330 cartes d’identité biométriques, qui font office de cartes d’électeurs, ont été produites. Et parmi ces dernières, pas plus de 70% avaient été distribuées (selon le Ministère de l’Intérieur).
Il y a de nombreux exemples attestant de la distribution sélective des cartes biométriques aux militants de la Coalition au pouvoir (cartes stockées dans des chambres de militants de la Coalition au pouvoir, incidents de Paris, Mermoz…). Cette discrimination peut également être déduite du faible taux de distribution à Dakar (51%), réputée être un bastion de l’Opposition, contrastant avec des taux très élevés à Fatick et Matam (pure coïncidence me direz-vous !)
Les organes de régulation n’ont pas joué leur rôle
La CENA a fait preuve d’une léthargie notoire, jamais constatée auparavant et a même cautionné le passage en force de l’Exécutif lors de la modification de l’article 78 du code électoral en l’absence d’un large consensus, encore moins d’une quelconque unanimité.
La CNRA, malgré ses louables efforts, se trouve limitée par la contrainte de la double casquette du Chef de la Coalition Benno Bokk Yakaar, qui se trouve en même temps être Chef de l’Etat, et qui dans la période a privilégié les activités à haut impact électoraliste (pose de première pierre, inaugurations…).
(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Le Conseil Constitutionnel a été, comme par le passé, instrumentalisé par l’Exécutif, qui l’aurait forcé à violer la loi, en se substituant au législateur et en donnant son aval à une fausse solution à l’inextricable imbroglio des cartes biométriques. En effet, la stratégie de se servir du récépissé de dépôt accompagné de diverses autres pièces comme substitut à la carte biométrique n’a pu se réaliser pleinement que là où certaines autorités administratives ont pensé devoir donner un coup de pouce à la Coalition au pouvoir.
Sur le terrain, chacun avait sa compréhension des nouvelles directives du Ministère de l’Intérieur avalisées par le Conseil constitutionnel.
Certains électeurs munis de leurs récépissés et de leur ancienne carte d’identité ou d’électeur ont été expulsés de certains centres de vote. Ailleurs, les sous-préfets ont fabriqué des documents d’immatriculation à tour de bras pour leurs amis politiciens de la Coalition au pouvoir, ce qu’ils ont ensuite refusé aux partis de l'Opposition. Pour le sénégalais lambda, il était tout simplement impossible de faire des va-et-vient interminables pour accomplir un devoir civique –si noble fût-il !
Il y aurait également eu une pléthore d’ordres de mission dans le département de Dakar, avec au final, plus de votants que d’inscrits.
Dans certaines parties du département de Mbour encore traumatisé par les évènements de Demba Diop, mais que le président du HCCT ne pouvait vraisemblablement pas se payer le luxe de perdre, le vote n’a pu démarrer que dans l’après-midi.
Le sommet du sabotage a été atteint à Touba, où des électeurs excédés d’attendre le matériel électoral ou dont les noms ne figuraient pas sur les listes ont saccagé certains bureaux de vote. Des centaines de bureaux de vote n’ont pas fonctionné et le scrutin s’y est poursuivi jusqu’au-delà de minuit.
Conscients de la gravité de la situation, le président de la CENA, du régulateur qu’il était censé être va se transformer en prédicateur pour la cause de la paix civile, oubliant que dans le monde politique, un processus électoral irréprochable est le meilleur moyen d’obtenir la paix des âmes et des cœurs.
(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Une nouvelle fois, des milliards ont été gaspillés pour des joutes électorales destinées à désigner les membres de l’élite qui, pour les cinq années à venir, vont fouler aux pieds les droits des travailleurs au Parlement (d’après Marx dans son ouvrage sur la Commune de Paris, la Guerre civile en France)
Les recours attendus de certains partis victimes des entourloupes d’experts de la fraude électorale auront peu de chance d’être satisfaits par la Justice. Par ailleurs, rien n’indique actuellement qu’un vaste mouvement populaire pour l’annulation de ce pseudo-scrutin puisse voir le jour. Tout cela découle du fait que pour beaucoup de nos hommes politiques et/ou politiciens, l’activité politique se résume au processus électoral lui-même, qu’on ne prend même pas la peine de lier à l’environnement institutionnel global.
Peu de place est également faite aux contenus programmatiques ! Combien parmi nos hommes politiques font de l’indépendance nationale, de la souveraineté économique, des questions de la Santé et de l’École, des questions centrales dans le cadre de leur argumentaire politique ?
Comment ne pas évoquer le fait que ce sont les nouveaux électeurs (primo-inscrits), donc surtout les jeunes, laissés pour compte par les politiques d’Education et d’Emploi du pouvoir, qui ont été écartés des élections ?
Enfin, la campagne électorale inaugurée par l’emprisonnement de la tête de liste de Manko Taxawu Senegaal, a été marquée de bout en bout par la violence depuis les clashes entre listes concurrentes, jusqu’à la répression tous azimuts de marches et manifestations de l’Opposition entrant dans le cadre normal de la compétition électorale.
Il est évident que la Coalition Benno Bokk Yakaar a encore une fois usé des moyens que lui confère le pouvoir (moyens matériels et financiers, police d’État, voire Justice…), pour mettre toutes les chances de son côté, avec en prime, l’apparition d’un nouveau phénomène, celui des "candidats transhumants". Il ne reste plus qu’à espérer que la Coalition Benno Bokk Yakaar, en obtenant un score national de moins de 50%, amorce lentement mais sûrement la descente aux Enfers et qu’il sera impossible au Président de l’APR d’obtenir en 2019, ce second mandat si convoité !
Nioxor Tine via DakarMatin