Péage, pillage et pièges

TRIBUNE LIBRE
Jeudi 10 Mai 2018

Le scandale du péage autoroutier est certainement l’illustration la plus caricaturale de la perversité des politiques économiques actuelles. La fausse indignation présidentielle, qui n’est que poudre aux yeux, ne peut camoufler la réalité d’un mécanisme de «àddu kalpe», une extorsion de l’argent des voyageurs par un coupeur d’autoroute adoubé par l’Etat et prohibant tout investissement significatif dans la sécurité des usagers. 

Mais ce péage, dont les tarifs sont certainement les plus chers au monde, n’est qu’un exemple des pièges qui organisent le pillage de nos ressources. Prenons quatre chiffres, les 59 milliards du Cicad, les 39 milliards de la réfection du Building, les 56 milliards de la cité ministérielle de Diamniadio et les 100 milliards du deuxième palais présidentiel. Comparons-les aux 30 milliards des bourses familiales pour comprendre, mieux qu’avec le péage, comment et pourquoi le confort et le prestige du gouvernement sont érigés en priorités supérieures à l’atténuation de la pauvreté et des inégalités sociales. 

Macky Sall n’est certes pas l’initiateur de cette inversion des priorités d’investissement mais il est en train d’en pousser la logique jusqu’à l’absurde. Il n’est que de rapprocher les 82 milliards qui empêchent la réfection de l’hôpital Le Dantec depuis plusieurs années avec les 1300 milliards du Ter, qui est faussement déclaré Dakar-Aibd alors qu’il s’arrête à Diamniadio et n’arrive pas à Ndiass. En comparaison, l’affaire du péage apparaît presque comme du menu fretin. 

Cette préférence pour des projets à l’utilité socio-économique douteuse et, au surplus, surdimensionnés et surfacturés prétend satisfaire un besoin de «modernisation». Mais elle apparaît plutôt comme un piège fatal pour nos économies et nos populations. Elle interdit l’essor du secteur privé national en réservant les marchés aux grandes entreprises étrangères détentrices des technologies «dernier cri». Elle alourdit l’endettement national, aggrave la dépendance et renvoie aux calendes grecques la prise en charge des grands défis nationaux que sont l’extrême pauvreté, le chômage massif, les déficiences de l’agriculture, de l’éducation , de la santé, etc. 

En somme, elle produit de la croissance appauvrissante. En installant partout des circuits de dérivation qui drainent le revenu, c’est-à-dire le travail national, directement dans les poches de quelques milliardaires occidentaux, elle fait de la promesse d’une «émergence nationale» un anesthésiant de peuples crédules. 

Nos économistes devraient nous aider à réévaluer certains slogans sonores mais creux, sinon mortifères, comme les «projets clés en main» ou de «dernière génération». Et remettre au goût du jour des concepts aujourd’hui négligés comme l’ingéniosité, l’efficience ou la dimension optimale. 
  
09/05/2018 
Mamadou Bamba Ndiaye 
Ancien député 
Secrétaire général du Mps/Selal