Par Mamadou Oumar Ndiaye
Il ne faut malheureusement pas compter sur l’Assemblée nationale — notamment la majorité mécanique de Bennoo Bokk Yaakar — pour désamorcer la bombe. Car il s’agit bien de bombe, hélas ! En décidant tout seul comme un grand d’instaurer le système du parrainage des candidatures à la prochaine élection présidentielle, le président de la République a pris le risque de mettre le feu aux poudres. On voit mal, en effet, l’opposition accepter cette réforme qui revient à disqualifier des candidats autres que celui du pouvoir sous des motifs vraiment spécieux.
Certes, en apparence, le prétexte avancé pour introduire cette modification constitutionnelle procèderait de bons sentiments. Comment ne pas applaudir en effet à la décision de réduire le nombre des candidats « fantaisistes » si coûteux au contribuable en termes d’impression de matériels électoraux, de couverture télévisuelle, de mobilisation de forces de sécurité etc. ? Ce alors que bien souvent lesdits candidats peinent à atteindre 1 % des suffrages exprimés. Vu de ce point de vue, le pouvoir aurait effectivement raison de mettre fin à cette inflation en ne retenant finalement que les candidatures « sérieuses » c’est-à-dire celles qui auront été capables de franchir l’obstacle de la collecte de 65.000 signatures environ dans sept régions du pays.
Seulement voilà, le diable se trouve dans l’arbitre chargé d’apprécier la validité des signatures soumises à son appréciation ! Or, cet arbitre, le Conseil constitutionnel en l’occurrence, tout le monde sait que c’est l’institution judiciaire la plus soumise au président de la République en place ! Une institution qui ne lui refuse absolument rien et par laquelle il passe pour donner un semblant de légalité à ses décisions les plus discutables. Ainsi c’est elle qui, sur la base d’un raisonnement pseudo-juridique et tiré par les cheveux, a agréé le reniement, catastrophique sur le plan moral, du président de la République consistant à faire finalement un mandat de sept ans là où il avait proclamé à la face du monde entier qu’une fois élu, promis-juré-que-j’aille- en-enfer-si-je-mens, de réduire son premier mandat à cinq ans.
La brave institution avait déclaré gaillardement que constitutionnellement le président ne pouvait pas diminuer la durée son mandat ! Constitutionnellement, sans doute, mais moralement ?
C’est encore le même cénacle de « sages » qui, à la veille des dernières élections législatives, avait volé au secours du président de la République en disposant que les électeurs inscrits sur les listes pouvaient voter avec des récépissés et sur présentation de leurs anciennes cartes d’identité ! Auparavant, il y a sept ans, le même Conseil constitutionnel, mais sous une autre composition, avait non seulement décrété que l’ancien président de la République Abdoulaye Wade pouvait briguer un troisième mandat mais encore avait poussé l’obligeance — ou l’obséquiosité c’est selon — jusqu’à annuler les candidatures de Youssou Ndour et de Kéba Kende !
Ce, pour de nébuleuses histoires de signatures !
Chat échaudé craignant l’eau froide et étant donné qu’il est interdit de parler de corde dans la maison d’un pendu, bien évidemment l’op- position a raison de refuser de tomber dans ce piège à… Cons (eil Constitutionnel) dans lequel on veut l’entraîner. Il suffirait que le président Macky Sall, pour des raisons bidon, actionne ledit Conseil et lui demande d’invalider telle candidature gênante pour qu’il dégote — avec l’aide des services du ministère de l’intérieur — des signatures prétendument non conformes ou de mauvais numéros d’identification (ou présentés comme tels) pour que le tour soit joué. Ce sans pratiquement aucune possibilité de recours.
Le pouvoir pourrait aussi pousser ses militants à l’intérieur du pays à offrir généreusement leurs parrainages à des candidats de l’opposition avant de les pousser, ces apéristes, à se rétracter ou à prétendre que leurs signatures ont été imitées, extorquées ou que, tout simplement, ils retirent leur soutien ! Le Conseil constitutionnel sauterait dessus pour disqualifier les candidats en question. Pour dire que la partialité de l’arbitre est tellement évidente que l’opposition ne peut guère se permettre d’accepter l’instauration des parrainages.
Le Pr Ismaïla Madior Fall a tenté de convaincre hier à l’assemblée nationale — où il prêchait des convaincus vu que l’opposition avait boycotté ! — en disant que dans pratiquement tous les pays démocratiques, France en tête, le système des parrainages existe. Sauf que dans tous ces pays, l’arbitre est vraiment neutre, ce qui n’est pas le cas de notre Conseil constitutionnel !
Il s’y ajoute que tout le monde voit venir le pouvoir en ce sens que sa manœuvre est tellement grossière, tellement cousue de fil blanc qu’il n’est guère besoin d’être grand clerc pour la deviner. Pour cause, le calcul qu’il fait pour la prochaine présidentielle est l’exact opposé de celui qu’il avait fait pour les législatives. a l’époque, le système prévalant étant le scrutin majoritaire, il avait tout intérêt à multiplier les candidatures de diversion pour qu’elles mordent au maximum sur l’électorat de l’opposition. Il avait donc multiplié les candidatures fantaisistes pour gêner aux entournures l’opposition et gagner. Résultat, 47 listes, une pagaille !
Pour la présidentielle, en revanche, il faut tout faire pour que pas une voix ne manque au candidat Macky Sall le 24 février prochain. Par conséquent, le mot d’ordre consiste à éviter les déperditions de voix ou la multiplicité des candidatures dont la somme des suffrages pourrait dépasser la barre fatidique des 50 % plus une voix, ce qui serait synonyme de renvoi du candidat de l’émergence à un second tour mortel. Par conséquent, moins il y aura de candidats en face de lui, mieux cela vaudra ! L’arme de l’augmentation du montant de la caution ne pouvant pas être dissuasive, celle du parrainage a donc été retenue et devrait faire la preuve de son efficacité avec l’obligeance et la bienveillance du Conseil constitutionnel.
Comme s’ils s’étaient passés le mot — sans doute s’agit-il d’un élément de langage qui leur a été fourni —, responsables et militants de la majorité présidentielle répètent comme une antienne qu’ « on ne peut plus voler des élections au Sénégal » citant la présence de représentants de tous les candidats mais aussi de multiples observateurs dans les bureaux de vote ainsi que la proclamation des résultats par les médias pour appuyer leurs dires. Raisonnement imparable sauf que les élections se gagnent en amont au Sénégal.
En disqualifiant notamment, sans avoir l’air d’y toucher et avec la bénédiction du Conseil constitutionnel, les candidats susceptibles d’empêcher une victoire du président Macky Sall. L’ennui c’est que — et c’est là où réside notre grande inquiétude — si les manoeuvres de ce dernier ont pu passer lors du référendum et à l’occasion de la présidentielle, il n’est pas sûr que l’opposition et, plus généralement, l’opinion accepte des coups tordus ou des fraudes à l’occasion de cette « mère des batailles » que risque d’être la présidentielle de février 2019 !
Il ne faut malheureusement pas compter sur l’Assemblée nationale — notamment la majorité mécanique de Bennoo Bokk Yaakar — pour désamorcer la bombe. Car il s’agit bien de bombe, hélas ! En décidant tout seul comme un grand d’instaurer le système du parrainage des candidatures à la prochaine élection présidentielle, le président de la République a pris le risque de mettre le feu aux poudres. On voit mal, en effet, l’opposition accepter cette réforme qui revient à disqualifier des candidats autres que celui du pouvoir sous des motifs vraiment spécieux.
Certes, en apparence, le prétexte avancé pour introduire cette modification constitutionnelle procèderait de bons sentiments. Comment ne pas applaudir en effet à la décision de réduire le nombre des candidats « fantaisistes » si coûteux au contribuable en termes d’impression de matériels électoraux, de couverture télévisuelle, de mobilisation de forces de sécurité etc. ? Ce alors que bien souvent lesdits candidats peinent à atteindre 1 % des suffrages exprimés. Vu de ce point de vue, le pouvoir aurait effectivement raison de mettre fin à cette inflation en ne retenant finalement que les candidatures « sérieuses » c’est-à-dire celles qui auront été capables de franchir l’obstacle de la collecte de 65.000 signatures environ dans sept régions du pays.
Seulement voilà, le diable se trouve dans l’arbitre chargé d’apprécier la validité des signatures soumises à son appréciation ! Or, cet arbitre, le Conseil constitutionnel en l’occurrence, tout le monde sait que c’est l’institution judiciaire la plus soumise au président de la République en place ! Une institution qui ne lui refuse absolument rien et par laquelle il passe pour donner un semblant de légalité à ses décisions les plus discutables. Ainsi c’est elle qui, sur la base d’un raisonnement pseudo-juridique et tiré par les cheveux, a agréé le reniement, catastrophique sur le plan moral, du président de la République consistant à faire finalement un mandat de sept ans là où il avait proclamé à la face du monde entier qu’une fois élu, promis-juré-que-j’aille- en-enfer-si-je-mens, de réduire son premier mandat à cinq ans.
La brave institution avait déclaré gaillardement que constitutionnellement le président ne pouvait pas diminuer la durée son mandat ! Constitutionnellement, sans doute, mais moralement ?
C’est encore le même cénacle de « sages » qui, à la veille des dernières élections législatives, avait volé au secours du président de la République en disposant que les électeurs inscrits sur les listes pouvaient voter avec des récépissés et sur présentation de leurs anciennes cartes d’identité ! Auparavant, il y a sept ans, le même Conseil constitutionnel, mais sous une autre composition, avait non seulement décrété que l’ancien président de la République Abdoulaye Wade pouvait briguer un troisième mandat mais encore avait poussé l’obligeance — ou l’obséquiosité c’est selon — jusqu’à annuler les candidatures de Youssou Ndour et de Kéba Kende !
Ce, pour de nébuleuses histoires de signatures !
Chat échaudé craignant l’eau froide et étant donné qu’il est interdit de parler de corde dans la maison d’un pendu, bien évidemment l’op- position a raison de refuser de tomber dans ce piège à… Cons (eil Constitutionnel) dans lequel on veut l’entraîner. Il suffirait que le président Macky Sall, pour des raisons bidon, actionne ledit Conseil et lui demande d’invalider telle candidature gênante pour qu’il dégote — avec l’aide des services du ministère de l’intérieur — des signatures prétendument non conformes ou de mauvais numéros d’identification (ou présentés comme tels) pour que le tour soit joué. Ce sans pratiquement aucune possibilité de recours.
Le pouvoir pourrait aussi pousser ses militants à l’intérieur du pays à offrir généreusement leurs parrainages à des candidats de l’opposition avant de les pousser, ces apéristes, à se rétracter ou à prétendre que leurs signatures ont été imitées, extorquées ou que, tout simplement, ils retirent leur soutien ! Le Conseil constitutionnel sauterait dessus pour disqualifier les candidats en question. Pour dire que la partialité de l’arbitre est tellement évidente que l’opposition ne peut guère se permettre d’accepter l’instauration des parrainages.
Le Pr Ismaïla Madior Fall a tenté de convaincre hier à l’assemblée nationale — où il prêchait des convaincus vu que l’opposition avait boycotté ! — en disant que dans pratiquement tous les pays démocratiques, France en tête, le système des parrainages existe. Sauf que dans tous ces pays, l’arbitre est vraiment neutre, ce qui n’est pas le cas de notre Conseil constitutionnel !
Il s’y ajoute que tout le monde voit venir le pouvoir en ce sens que sa manœuvre est tellement grossière, tellement cousue de fil blanc qu’il n’est guère besoin d’être grand clerc pour la deviner. Pour cause, le calcul qu’il fait pour la prochaine présidentielle est l’exact opposé de celui qu’il avait fait pour les législatives. a l’époque, le système prévalant étant le scrutin majoritaire, il avait tout intérêt à multiplier les candidatures de diversion pour qu’elles mordent au maximum sur l’électorat de l’opposition. Il avait donc multiplié les candidatures fantaisistes pour gêner aux entournures l’opposition et gagner. Résultat, 47 listes, une pagaille !
Pour la présidentielle, en revanche, il faut tout faire pour que pas une voix ne manque au candidat Macky Sall le 24 février prochain. Par conséquent, le mot d’ordre consiste à éviter les déperditions de voix ou la multiplicité des candidatures dont la somme des suffrages pourrait dépasser la barre fatidique des 50 % plus une voix, ce qui serait synonyme de renvoi du candidat de l’émergence à un second tour mortel. Par conséquent, moins il y aura de candidats en face de lui, mieux cela vaudra ! L’arme de l’augmentation du montant de la caution ne pouvant pas être dissuasive, celle du parrainage a donc été retenue et devrait faire la preuve de son efficacité avec l’obligeance et la bienveillance du Conseil constitutionnel.
Comme s’ils s’étaient passés le mot — sans doute s’agit-il d’un élément de langage qui leur a été fourni —, responsables et militants de la majorité présidentielle répètent comme une antienne qu’ « on ne peut plus voler des élections au Sénégal » citant la présence de représentants de tous les candidats mais aussi de multiples observateurs dans les bureaux de vote ainsi que la proclamation des résultats par les médias pour appuyer leurs dires. Raisonnement imparable sauf que les élections se gagnent en amont au Sénégal.
En disqualifiant notamment, sans avoir l’air d’y toucher et avec la bénédiction du Conseil constitutionnel, les candidats susceptibles d’empêcher une victoire du président Macky Sall. L’ennui c’est que — et c’est là où réside notre grande inquiétude — si les manoeuvres de ce dernier ont pu passer lors du référendum et à l’occasion de la présidentielle, il n’est pas sûr que l’opposition et, plus généralement, l’opinion accepte des coups tordus ou des fraudes à l’occasion de cette « mère des batailles » que risque d’être la présidentielle de février 2019 !