Aujourd’hui au banc des accusés dans ce qu’il convenu de considérer comme une pagaille dans la justice sénégalaise, il faut souligner que, dans cette affaire de l’application du règlement n°5 de l’Uemoa, les juges font les frais des Opj.
Aujourd’hui au banc des accusés dans ce qu’il convenu de considérer comme une pagaille dans la justice sénégalaise, il faut souligner que, dans cette affaire de l’application du règlement n°5 de l’Uemoa, les juges font les frais des officiers de police judiciaire (commissaires de police, gendarmes et procureurs). Maitre Assane Dioma Ndiaye et un commissaire passent au crible, pour ‘’EnQuête’’, cette disposition polémique.
Avec le règlement n°5 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), la justice semble comme dans une sorte de capharnaüm où chaque juge y va de sa propre lecture. Mais ce semblant de pagaille, amplifiée dernièrement avec les affaires Khalifa Ababacar Sall et Thione Ballago Seck, est aussi vieux que l’adoption de la disposition susmentionnée. Joint par téléphone, Maitre Assane Dioma Ndiaye revient sur les péripéties de son adoption à maintenant.
Il explique : ‘’Normalement, le règlement est d’application immédiate, dès son entrée en vigueur. Mais la position du Sénégal a été, au début, d’attendre de l’intérioriser dans son ordre juridique interne pour le rendre effectif. Si bien que les officiers de police judiciaire (Opj), au départ, étaient réticents. Comme l’a rappelé le bâtonnier, c’est donc une faute politique’’. Selon le droit-de-l’hommiste, les choses ont commencé à changer, quand les enquêteurs se sont rendu compte que certains juges ne badinaient plus avec la mesure communautaire.
S’ensuivit un séminaire à l’issue duquel le ministère de la Justice avait pris une circulaire pour demander aux Opj de se conformer à cette législation. Depuis lors, souligne l’avocat, beaucoup d’enquêteurs se sont remis à niveau. ‘’Il faut avouer que maintenant, dans l’ensemble, le règlement n°5 est respecté. Il est devenu rare qu’il y ait des Opj qui ne s’en acquittent pas. Car ils savent que la nullité encourue est d’ordre public.
En conséquence, ils veillent au moins à faire figurer la mention sur le Pv’’. L’objectif visé avec cette règle, rappelle-t-il, est que ‘’la personne qui a été avisée de son droit à l’assistance peut garder le silence, tant que son avocat n’est pas là. Il y aurait ainsi moins de risques de torture, d’extorsion d’aveux…’’
Les limites d’une disposition salvatrice
Toutefois, quelle que salutaire qu’elle soit, la disposition communautaire comporte beaucoup d’insuffisances par rapport à son applicabilité. ‘’Elle n’a de sens que dans les circonstances où le justiciable peut jouir de cette présence d’un conseil. Mais dans les contrées où il n’y a pas d’avocat, dans les situations où la personne n’a pas les moyens de se payer un avocat, on retourne à la situation ante.
Le règlement va être appliqué, mais à qui ?’’, se demande Assane Dioma, avant d’enchainer : ‘’La plupart des Sénégalais risquent d’en être exclus, parce qu’il y a, d’une part, une concentration d’avocats dans les grandes villes. Aussi, d’autre part, il faut avoir les moyens d’en commettre. Pour que ça soit vraiment efficace, il faut une politique d’aide légale beaucoup plus accrue, car il ne sert à rien de faire une loi qui ne profitera qu’à un groupe de privilégiés’’.
En conséquence, le président de la Ligue sénégalaise des droits humains estime qu’il faut démocratiser le barreau ; que les avocats aillent dans les régions et que l’Etat accompagne cette installation avec des mesures d’incitation en direction des jeunes. Il faut également que l’ordre puisse augmenter le nombre de recrues’’. Ce commissaire de police, lui, n’y va pas par quatre chemins. A l’en croire, c’est simplement un manque de compétence et de sérieux chez certains officiers de police judiciaire. Le règlement, dit-il, est clair. ‘’Pourquoi certains rechigneraient-ils à l’appliquer ? Avez-vous entendu des récriminations en ce qui concerne le temps de la garde à vue… ?
Pourtant, ce sont les mêmes textes qui régissent également ce règlement n°5 repris dans notre Code de procédure pénale’’. ‘’Cette disposition, renchérit-il, prévoit que, dès que vous arrêtez une personne, il faut lui signifier qu’il a le droit de se faire assister par son avocat, sinon tout ce qu’il dira sera retenu contre lui. C’est ce que vous voyez tout le temps dans les films. Il faut noter, à ce niveau, que ceci n’est qu’une reprise en droit communautaire et national de la règle Miranda, originaire des Etats-Unis. D’ailleurs, faut-il le préciser, de ce point de vue, les pays anglo-saxons sont généralement en avance sur nous francophones’’.
Manque de sérieux et de compétence ou question de réflexe
Le commissaire de constater pour le regretter que ‘’certains commissaires, gendarmes et procureurs ont toujours recours à l’ancienne méthode. Peut-être c’est une question de réflexe. Mais cela n’explique pas tout, car il y a eu suffisamment de temps de s’adapter. Il faut même signaler que ce n’est pas le fait de dire ou de ne pas dire au prévenu qu’il a ce droit qui est essentiel, mais au moins que cela puisse figurer dans le Pv. Car le Pv fait foi jusqu’à ce qu’il soit remis en cause par une procédure particulièrement difficile’’. Mais est-il concevable que certains, sur qui pèsent des infractions extrêmement graves, puissent être élargis de la sorte, simplement parce qu’une telle erreur a été commise ? L’officier affirme avec forces : ‘’Il faut juste savoir que la justice n’est pas la vérité.
On peut avoir raison et perdre un procès, tout comme on peut avoir tort et gagner un procès. La justice, ce n’est pas la vérité. C’est juste un ensemble de règles et de procédures qui, mis ensemble, permettent d’arriver à une décision. La police doit respecter la règle, un point c’est tout. Sinon, ces genres de risques sont toujours là. Il faut mettre la mention et lui demander de signer. S’il refuse de signer, là on s’en f...’’ Pour lui, peu importe que le délinquant se nomme Pape Alioune Fall, Thione Seck ou Jean-Pierre Bemba : ‘’Dura lex sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi.’’
Enquête
Aujourd’hui au banc des accusés dans ce qu’il convenu de considérer comme une pagaille dans la justice sénégalaise, il faut souligner que, dans cette affaire de l’application du règlement n°5 de l’Uemoa, les juges font les frais des officiers de police judiciaire (commissaires de police, gendarmes et procureurs). Maitre Assane Dioma Ndiaye et un commissaire passent au crible, pour ‘’EnQuête’’, cette disposition polémique.
Avec le règlement n°5 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), la justice semble comme dans une sorte de capharnaüm où chaque juge y va de sa propre lecture. Mais ce semblant de pagaille, amplifiée dernièrement avec les affaires Khalifa Ababacar Sall et Thione Ballago Seck, est aussi vieux que l’adoption de la disposition susmentionnée. Joint par téléphone, Maitre Assane Dioma Ndiaye revient sur les péripéties de son adoption à maintenant.
Il explique : ‘’Normalement, le règlement est d’application immédiate, dès son entrée en vigueur. Mais la position du Sénégal a été, au début, d’attendre de l’intérioriser dans son ordre juridique interne pour le rendre effectif. Si bien que les officiers de police judiciaire (Opj), au départ, étaient réticents. Comme l’a rappelé le bâtonnier, c’est donc une faute politique’’. Selon le droit-de-l’hommiste, les choses ont commencé à changer, quand les enquêteurs se sont rendu compte que certains juges ne badinaient plus avec la mesure communautaire.
S’ensuivit un séminaire à l’issue duquel le ministère de la Justice avait pris une circulaire pour demander aux Opj de se conformer à cette législation. Depuis lors, souligne l’avocat, beaucoup d’enquêteurs se sont remis à niveau. ‘’Il faut avouer que maintenant, dans l’ensemble, le règlement n°5 est respecté. Il est devenu rare qu’il y ait des Opj qui ne s’en acquittent pas. Car ils savent que la nullité encourue est d’ordre public.
En conséquence, ils veillent au moins à faire figurer la mention sur le Pv’’. L’objectif visé avec cette règle, rappelle-t-il, est que ‘’la personne qui a été avisée de son droit à l’assistance peut garder le silence, tant que son avocat n’est pas là. Il y aurait ainsi moins de risques de torture, d’extorsion d’aveux…’’
Les limites d’une disposition salvatrice
Toutefois, quelle que salutaire qu’elle soit, la disposition communautaire comporte beaucoup d’insuffisances par rapport à son applicabilité. ‘’Elle n’a de sens que dans les circonstances où le justiciable peut jouir de cette présence d’un conseil. Mais dans les contrées où il n’y a pas d’avocat, dans les situations où la personne n’a pas les moyens de se payer un avocat, on retourne à la situation ante.
Le règlement va être appliqué, mais à qui ?’’, se demande Assane Dioma, avant d’enchainer : ‘’La plupart des Sénégalais risquent d’en être exclus, parce qu’il y a, d’une part, une concentration d’avocats dans les grandes villes. Aussi, d’autre part, il faut avoir les moyens d’en commettre. Pour que ça soit vraiment efficace, il faut une politique d’aide légale beaucoup plus accrue, car il ne sert à rien de faire une loi qui ne profitera qu’à un groupe de privilégiés’’.
En conséquence, le président de la Ligue sénégalaise des droits humains estime qu’il faut démocratiser le barreau ; que les avocats aillent dans les régions et que l’Etat accompagne cette installation avec des mesures d’incitation en direction des jeunes. Il faut également que l’ordre puisse augmenter le nombre de recrues’’. Ce commissaire de police, lui, n’y va pas par quatre chemins. A l’en croire, c’est simplement un manque de compétence et de sérieux chez certains officiers de police judiciaire. Le règlement, dit-il, est clair. ‘’Pourquoi certains rechigneraient-ils à l’appliquer ? Avez-vous entendu des récriminations en ce qui concerne le temps de la garde à vue… ?
Pourtant, ce sont les mêmes textes qui régissent également ce règlement n°5 repris dans notre Code de procédure pénale’’. ‘’Cette disposition, renchérit-il, prévoit que, dès que vous arrêtez une personne, il faut lui signifier qu’il a le droit de se faire assister par son avocat, sinon tout ce qu’il dira sera retenu contre lui. C’est ce que vous voyez tout le temps dans les films. Il faut noter, à ce niveau, que ceci n’est qu’une reprise en droit communautaire et national de la règle Miranda, originaire des Etats-Unis. D’ailleurs, faut-il le préciser, de ce point de vue, les pays anglo-saxons sont généralement en avance sur nous francophones’’.
Manque de sérieux et de compétence ou question de réflexe
Le commissaire de constater pour le regretter que ‘’certains commissaires, gendarmes et procureurs ont toujours recours à l’ancienne méthode. Peut-être c’est une question de réflexe. Mais cela n’explique pas tout, car il y a eu suffisamment de temps de s’adapter. Il faut même signaler que ce n’est pas le fait de dire ou de ne pas dire au prévenu qu’il a ce droit qui est essentiel, mais au moins que cela puisse figurer dans le Pv. Car le Pv fait foi jusqu’à ce qu’il soit remis en cause par une procédure particulièrement difficile’’. Mais est-il concevable que certains, sur qui pèsent des infractions extrêmement graves, puissent être élargis de la sorte, simplement parce qu’une telle erreur a été commise ? L’officier affirme avec forces : ‘’Il faut juste savoir que la justice n’est pas la vérité.
On peut avoir raison et perdre un procès, tout comme on peut avoir tort et gagner un procès. La justice, ce n’est pas la vérité. C’est juste un ensemble de règles et de procédures qui, mis ensemble, permettent d’arriver à une décision. La police doit respecter la règle, un point c’est tout. Sinon, ces genres de risques sont toujours là. Il faut mettre la mention et lui demander de signer. S’il refuse de signer, là on s’en f...’’ Pour lui, peu importe que le délinquant se nomme Pape Alioune Fall, Thione Seck ou Jean-Pierre Bemba : ‘’Dura lex sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi.’’
Enquête