Symbole vivant du système qu’Ousmane Sonko s’est toujours juré de combattre, Habib Sy a réussi, par la ruse et par l’initiative
politique, à convaincre les chantres de l’antisystème. Il lui reste maintenant à convaincre les électeurs de Pastef pour espérer
une participation honorable à la prochaine présidentielle.
Pendant que certains candidats faisaient le tour du Sénégal à la quête d’hypothétiques parrains, alors que certains ont dépensé des millions de francs CFA pour être recalés, dès le premier tour des parrainages, lui (Habib Sy) a fait peu d'efforts pour valider son parrainage. Aujourd’hui, le voilà bien placé parmi les potentiels candidats à l’élection présidentielle de février 2024.
Un véritable coup de maître pour cet ancien compagnon de Maître Abdoulaye Wade, celui-là même qui était surnommé “ndiombor” (lièvre en wolof) pour son talent, en tant que fin manoeuvrier politique. Aussi a-t-il réussi une partie indispensable, il lui reste maintenant la plus difficile, c’est-à-dire convaincre ses alliés d’en faire le véritable candidat de substitution, au cas où Sonko ne serait pas éligible. Cette fois, Habib Sy a bien réussi son coup. Tel le renard, il a rusé, il a flatté sa cible, et aujourd’hui, il trinque, alors même que son principal bienfaiteur, l’ex-Pastef, est loin de sortir de l’ornière avec ses deux candidats officiels pris dans le piège du parrainage.
Pourquoi donc Pastef, malgré les nombreuses appréhensions sur le parrainage citoyen, a préféré donner son reliquat de députés à Habib Sy plutôt qu’à son véritable Plan B, Bassirou Diomaye Faye ? Pourquoi Habib Sy et non le Parti de l’unité et du rassemblement qui en avait déjà 11 et qui n’avait besoin que de deux autres députés ? Pourquoi Habib Sy et non Déthié Fall ou Boubacar Camara ?
Pour beaucoup, Habib a tout simplement mieux manoeuvré que tous les autres. Dans sa grande offensive pour obtenir le parrainage du reste des députés de Pastef, l’ancien directeur de cabinet d’Abdoulaye Wade n’a pas lésiné sur les initiatives. Alors qu’il avait déclaré sa candidature, il avait surpris tout le monde en annonçant à grand renfort médiatique qu’il parraine le plan B désigné par Sonko. Un acte qui en avait touché plus d’un dans la galaxie des patriotes, suscité les moqueries de plusieurs observateurs. Mais Habib savait bien là où il allait. Il ne s’est pas limité à parrainer Diomaye, il a aussi mis sur la table un argument que ni Diomaye ni aucun autre candidat à la candidature ne pouvait mettre sur la table. Il s’agit de son âge qui ne lui permettrait pas, à moins que la Constitution ne change, de briguer un nouveau mandat en 2029. Scénario idéal pour la survie politique d’Ousmane Sonko.
Sa candidature une moindre menace pour la survie politique de Sonko Cet atout, l’ancien maire de Linguère a su l’exploiter à merveille pour convaincre les plus sceptiques. En effet, en sus d’avoir pris fait et cause pour Sonko dans son duel à mort avec Khalifa Ababacar Sall au sein de Yewwi Askan Wi, il s’est engagé à faire un seul mandat de transition, au cas où il serait élu par les Sénégalais, pour remettre le pays sur les rails, aime-t-il à préciser. Certains se rappelleront sans doute que Macky Sall avait promis de réduire son mandat en 2012 et que de telles promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Quant à l’obstacle lié à l’âge-plafond (75 ans), rien ne l’empêche, si jamais il en a les moyens juridiques (une majorité confortable), d’enclencher une révision de la Constitution pour revenir à la situation ante, d’avant limitation. Mais Ousmane Sonko et ses amis sont loin d’être naïfs, ils savent bien tout cela. Ce qui n’a pas empêché l’opposant radical de “voter” Habib. C’est que le disciple de Wade pourrait être un moindre mal par rapport à ses concurrents. Des différents profils issus de Yewwi Askan Wi et même de Pastef, il est celui dont l’élection pourrait n’avoir aucun impact sur la trajectoire politique du chantre de l’antisystème. Si par extraordinaire il passe, il aura besoin de Sonko. S’il échoue, le leader du Pastef va continuer d’occuper la tête de l’opposition radicale.
En revanche, si c’est Diomaye qui passe. Soit il réussit un bon mandat ? il va en demander un autre en 2029. Soit il échoue et il emporte dans sa chute son mentor et tout le discours antisystème. Le choix s’avère ainsi cornélien. Pour le moment, la seule certitude est que Sonko a choisi de donner son reliquat de députés à Habib et non aux autres. Ce qui ne signifie nullement, comme certains l’ont prétendu, que l’ancien ministre de Wade est le plan B de l’ex-Pastef.
D’ailleurs, on voit mal le maire de Ziguinchor assumer un tel choix. En effet, Habib est un pur produit du système que Sonko s’est toujours juré de combattre, un combat qui lui vaut énormément de soutiens dans les milieux de la gauche radicale et chez une bonne partie de la jeunesse. Tout rapprochement avec les symboles de ce système pourrait donc lui coûter très cher.
Diomaye et Cheikh Tidiane Dièye ? le syndrome de la dispersion de l’électorat En lieu et place d’un Habib, ils sont nombreux les observateurs à parier sur Dr Cheikh Tidiane Dièye (qui a aussi la chance de militer à Ziguinchor et d’être très proche de Sonko), à défaut de la qualification de Bassirou Diomaye Faye.
Si jamais les deux candidats passent comme cela semble se dessiner, cela pourrait être un grand obstacle pour les rêves de l’organisation d’accéder au deuxième tour, avec les risques de dispersion de l’électorat. Pour le moment, le Ziguinchorois Dièye a une bonne longueur d’avance sur son principal concurrent, à savoir le fils de Ndiaganiao, Bassirou Diomaye Faye, qui devra se battre pour passer l’étape du parrainage. Réputé parti très organisé, sérieux et méthodique, Pastef a surpris son monde en loupant le parrainage du second de Sonko avec plus de 12 000 parrains non reconnus. Pour les partisans de l’ex-Pastef, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures. Le coupable, c’est le Conseil constitutionnel qui aurait altéré son dossier, modifié les données de certains de ses électeurs.
“Sincèrement, on fait au Conseil un mauvais procès ; les gens n’ont même pas ce temps d’entrer dans des fichiers pour colporter des choses”, rétorque ce proche de la Commission chargée de la vérification. Notre interlocuteur d’ajouter : “Je pense que la question que doivent se poser les Sénégalais, c’est pourquoi le Conseil ne l’a pas tout bonnement écarté de la course, comme cela a été fait pour certains candidats, si tant est qu’il a les moyens et la volonté de falsifier des dossiers ? Pourquoi le faire à moitié ? Je leur aurais suggéré de s’appliquer un peu plus pour valider leurs parrainages.”
Quelle leçon peut-on tirer de la prouesse d’Habib Sy qui a réussi à convaincre l’antisystème de parrainer sa candidature ? A mon avis, Habib Sy qui obtient le parrainage des élus de l’ex-pastef n'est pas une prouesse. Au contraire, c'est à s'interroger si ça ne fait pas partie d'une stratégie d'enfumage, pour occulter le véritable candidat effectivement choisi. Car, en réalité, Habib Sy n'a rien d'un “patriote” au sens de l'ex-pastef. Il est sans charisme, sans hauts faits, impopulaire à souhait… C'est en plus un pur produit du système que l'ex-parti, en bon Don Quichotte, a prétendu vouloir combattre.
Parrainer quelqu’un reste quand même un acte politique assez symbolique, beaucoup aspiraient à ce reliquat des députés de Pastef. Pourquoi Habib et non les autres ? Pourquoi pas Déthié Fall ou Boubacar Camara, par exemple ? Depuis un bon moment, on peut s'interroger sur les choix stratégiques de l'ex-pastef.
D'un ex-mouvement tribun, farouchement anti-système, nous sommes passés à un mouvement sans démocratie interne (pas de Congrès et de renouvellement des instances), sans idéologie claire et principal recycleur des produits du système. Ça fait effectivement désordre et vous avez raison de demander pourquoi Habib Sy et non les autres qui, idéologiquement, peuvent paraître plus proches.
Finalement, quelle posture de Pastef pour la prochaine présidentielle ? Je soupçonne surtout que le Pastef ait été un mouvement avec en son sein, plusieurs courants divergents, avec pour seul dénominateur commun : la figure de Sonko. Ce qui explique le choix suicidaire : Sonko ou rien !
En outre, si l'ex- pastef était si majoritaire, qu'est-ce qui explique que Bassirou Diomaye soit recalé au parrainage citoyen? En réalité, le système tant combattu par Ousmane, l'oblige aujourd'hui à la négociation, pour sauver Sonko. Car si toutes les condamnations sont confirmées, Ousmane Sonko peut oublier la politique et sa liberté par la même occasion. Dès lors, la seule option qui lui resterait (même si un des alliés serait élu), c'est la négociation et des compromis. Donc, faire système.
Mor AMAR
Enquête
politique, à convaincre les chantres de l’antisystème. Il lui reste maintenant à convaincre les électeurs de Pastef pour espérer
une participation honorable à la prochaine présidentielle.
Pendant que certains candidats faisaient le tour du Sénégal à la quête d’hypothétiques parrains, alors que certains ont dépensé des millions de francs CFA pour être recalés, dès le premier tour des parrainages, lui (Habib Sy) a fait peu d'efforts pour valider son parrainage. Aujourd’hui, le voilà bien placé parmi les potentiels candidats à l’élection présidentielle de février 2024.
Un véritable coup de maître pour cet ancien compagnon de Maître Abdoulaye Wade, celui-là même qui était surnommé “ndiombor” (lièvre en wolof) pour son talent, en tant que fin manoeuvrier politique. Aussi a-t-il réussi une partie indispensable, il lui reste maintenant la plus difficile, c’est-à-dire convaincre ses alliés d’en faire le véritable candidat de substitution, au cas où Sonko ne serait pas éligible. Cette fois, Habib Sy a bien réussi son coup. Tel le renard, il a rusé, il a flatté sa cible, et aujourd’hui, il trinque, alors même que son principal bienfaiteur, l’ex-Pastef, est loin de sortir de l’ornière avec ses deux candidats officiels pris dans le piège du parrainage.
Pourquoi donc Pastef, malgré les nombreuses appréhensions sur le parrainage citoyen, a préféré donner son reliquat de députés à Habib Sy plutôt qu’à son véritable Plan B, Bassirou Diomaye Faye ? Pourquoi Habib Sy et non le Parti de l’unité et du rassemblement qui en avait déjà 11 et qui n’avait besoin que de deux autres députés ? Pourquoi Habib Sy et non Déthié Fall ou Boubacar Camara ?
Pour beaucoup, Habib a tout simplement mieux manoeuvré que tous les autres. Dans sa grande offensive pour obtenir le parrainage du reste des députés de Pastef, l’ancien directeur de cabinet d’Abdoulaye Wade n’a pas lésiné sur les initiatives. Alors qu’il avait déclaré sa candidature, il avait surpris tout le monde en annonçant à grand renfort médiatique qu’il parraine le plan B désigné par Sonko. Un acte qui en avait touché plus d’un dans la galaxie des patriotes, suscité les moqueries de plusieurs observateurs. Mais Habib savait bien là où il allait. Il ne s’est pas limité à parrainer Diomaye, il a aussi mis sur la table un argument que ni Diomaye ni aucun autre candidat à la candidature ne pouvait mettre sur la table. Il s’agit de son âge qui ne lui permettrait pas, à moins que la Constitution ne change, de briguer un nouveau mandat en 2029. Scénario idéal pour la survie politique d’Ousmane Sonko.
Sa candidature une moindre menace pour la survie politique de Sonko Cet atout, l’ancien maire de Linguère a su l’exploiter à merveille pour convaincre les plus sceptiques. En effet, en sus d’avoir pris fait et cause pour Sonko dans son duel à mort avec Khalifa Ababacar Sall au sein de Yewwi Askan Wi, il s’est engagé à faire un seul mandat de transition, au cas où il serait élu par les Sénégalais, pour remettre le pays sur les rails, aime-t-il à préciser. Certains se rappelleront sans doute que Macky Sall avait promis de réduire son mandat en 2012 et que de telles promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Quant à l’obstacle lié à l’âge-plafond (75 ans), rien ne l’empêche, si jamais il en a les moyens juridiques (une majorité confortable), d’enclencher une révision de la Constitution pour revenir à la situation ante, d’avant limitation. Mais Ousmane Sonko et ses amis sont loin d’être naïfs, ils savent bien tout cela. Ce qui n’a pas empêché l’opposant radical de “voter” Habib. C’est que le disciple de Wade pourrait être un moindre mal par rapport à ses concurrents. Des différents profils issus de Yewwi Askan Wi et même de Pastef, il est celui dont l’élection pourrait n’avoir aucun impact sur la trajectoire politique du chantre de l’antisystème. Si par extraordinaire il passe, il aura besoin de Sonko. S’il échoue, le leader du Pastef va continuer d’occuper la tête de l’opposition radicale.
En revanche, si c’est Diomaye qui passe. Soit il réussit un bon mandat ? il va en demander un autre en 2029. Soit il échoue et il emporte dans sa chute son mentor et tout le discours antisystème. Le choix s’avère ainsi cornélien. Pour le moment, la seule certitude est que Sonko a choisi de donner son reliquat de députés à Habib et non aux autres. Ce qui ne signifie nullement, comme certains l’ont prétendu, que l’ancien ministre de Wade est le plan B de l’ex-Pastef.
D’ailleurs, on voit mal le maire de Ziguinchor assumer un tel choix. En effet, Habib est un pur produit du système que Sonko s’est toujours juré de combattre, un combat qui lui vaut énormément de soutiens dans les milieux de la gauche radicale et chez une bonne partie de la jeunesse. Tout rapprochement avec les symboles de ce système pourrait donc lui coûter très cher.
Diomaye et Cheikh Tidiane Dièye ? le syndrome de la dispersion de l’électorat En lieu et place d’un Habib, ils sont nombreux les observateurs à parier sur Dr Cheikh Tidiane Dièye (qui a aussi la chance de militer à Ziguinchor et d’être très proche de Sonko), à défaut de la qualification de Bassirou Diomaye Faye.
Si jamais les deux candidats passent comme cela semble se dessiner, cela pourrait être un grand obstacle pour les rêves de l’organisation d’accéder au deuxième tour, avec les risques de dispersion de l’électorat. Pour le moment, le Ziguinchorois Dièye a une bonne longueur d’avance sur son principal concurrent, à savoir le fils de Ndiaganiao, Bassirou Diomaye Faye, qui devra se battre pour passer l’étape du parrainage. Réputé parti très organisé, sérieux et méthodique, Pastef a surpris son monde en loupant le parrainage du second de Sonko avec plus de 12 000 parrains non reconnus. Pour les partisans de l’ex-Pastef, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures. Le coupable, c’est le Conseil constitutionnel qui aurait altéré son dossier, modifié les données de certains de ses électeurs.
“Sincèrement, on fait au Conseil un mauvais procès ; les gens n’ont même pas ce temps d’entrer dans des fichiers pour colporter des choses”, rétorque ce proche de la Commission chargée de la vérification. Notre interlocuteur d’ajouter : “Je pense que la question que doivent se poser les Sénégalais, c’est pourquoi le Conseil ne l’a pas tout bonnement écarté de la course, comme cela a été fait pour certains candidats, si tant est qu’il a les moyens et la volonté de falsifier des dossiers ? Pourquoi le faire à moitié ? Je leur aurais suggéré de s’appliquer un peu plus pour valider leurs parrainages.”
Quelle leçon peut-on tirer de la prouesse d’Habib Sy qui a réussi à convaincre l’antisystème de parrainer sa candidature ? A mon avis, Habib Sy qui obtient le parrainage des élus de l’ex-pastef n'est pas une prouesse. Au contraire, c'est à s'interroger si ça ne fait pas partie d'une stratégie d'enfumage, pour occulter le véritable candidat effectivement choisi. Car, en réalité, Habib Sy n'a rien d'un “patriote” au sens de l'ex-pastef. Il est sans charisme, sans hauts faits, impopulaire à souhait… C'est en plus un pur produit du système que l'ex-parti, en bon Don Quichotte, a prétendu vouloir combattre.
Parrainer quelqu’un reste quand même un acte politique assez symbolique, beaucoup aspiraient à ce reliquat des députés de Pastef. Pourquoi Habib et non les autres ? Pourquoi pas Déthié Fall ou Boubacar Camara, par exemple ? Depuis un bon moment, on peut s'interroger sur les choix stratégiques de l'ex-pastef.
D'un ex-mouvement tribun, farouchement anti-système, nous sommes passés à un mouvement sans démocratie interne (pas de Congrès et de renouvellement des instances), sans idéologie claire et principal recycleur des produits du système. Ça fait effectivement désordre et vous avez raison de demander pourquoi Habib Sy et non les autres qui, idéologiquement, peuvent paraître plus proches.
Finalement, quelle posture de Pastef pour la prochaine présidentielle ? Je soupçonne surtout que le Pastef ait été un mouvement avec en son sein, plusieurs courants divergents, avec pour seul dénominateur commun : la figure de Sonko. Ce qui explique le choix suicidaire : Sonko ou rien !
En outre, si l'ex- pastef était si majoritaire, qu'est-ce qui explique que Bassirou Diomaye soit recalé au parrainage citoyen? En réalité, le système tant combattu par Ousmane, l'oblige aujourd'hui à la négociation, pour sauver Sonko. Car si toutes les condamnations sont confirmées, Ousmane Sonko peut oublier la politique et sa liberté par la même occasion. Dès lors, la seule option qui lui resterait (même si un des alliés serait élu), c'est la négociation et des compromis. Donc, faire système.
Mor AMAR
Enquête