Mamadou Lamine Cissé : un Général omniprésent et discret

TRIBUNE LIBRE
Dimanche 21 Avril 2019

Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J'espère vivre assez pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. Nelson Mandela 
  
Situation sociopolitique du Sénégal 
Le Sénégal traversait une impasse, car étant habitué à l’aide publique au développement de la France pour boucler les fins d’années difficiles. Édouard Balladur, qui était nouvellement nommé Premier ministre, refuse d’octroyer l’aide au Sénégal et fait chanter le président Diouf. Nous ne vous aiderons que si vous acceptez de discuter avec le FMI et la Banque mondiale dira-t-il. Ces derniers voulaient dévaluer notre monnaie, mais le président Diouf était contre cette dévaluation. Il a plutôt préféré mettre en place un plan d’urgence, le fameux plan Sakho-Loum, car étant ceux qui avaient confectionné ce plan. Il s’agissait de ne pas payer un certain nombre de fonctionnaires, d’arrêter les exonérations fiscales et douanières et d’arrêt de la subvention sur certaines denrées. Le salaire présidentiel fut réduit de 50 %, celui des ministres de presque 25 %. L’Etat doit économiser pour assainir ses finances dans le but d’éviter une éventuelle dévaluation. Tout le monde en a souffert au Sénégal, du président au paysan, c’est ça le patriotisme. Malheureusement, il y a toujours des citoyens qui veulent saboter, c’est ainsi que des syndicats décident de lancer une grève très populaire en septembre 1993. C’est de là qu’est né le fameux « Touche pas à mon salaire ». Le plan Sakho-Loum n’a pas pu être supporté par certains Sénégalais et la dévaluation fut inéluctable. Les prix flambèrent et les Sénégalais endurèrent plus, l’inflation atteint presque 35 %, la situation est grave. L’opposition est unie et cela n’est pas une bonne chose pour le président Diouf dont le score diminue d’élection en élection. Le Sénégal était divisé, le PS était divisé, le président Diouf a intégré l’opposition dans le gouvernement pour éviter toute tension sociale vu que le président Wade pouvait créer une tension quand il le voulait. Il fallait rassurer l’opposition et la population sénégalaise. C’est ainsi que le Général Cissé est nommé pour apaiser la situation. 
  
Général Cissé : l’homme de la situation 
Nommé ministre de l’Intérieur à la grande surprise de tout le monde, le Général Cissé était connu pour ne pas être proche du PS et surtout d’être apolitique. La nouvelle est bien accueillie par tout le monde. Entre le Général Cissé et Louis Pereira de Carvalho, Directeur de l’ONEL, tout devrait bien se passer. Tantôt applaudit par l’opposition, ils sont revenus à la charge t’accuser de fabriquer des cartes en Israël pour faire gagner le président Diouf durant les élections de 2000. Tu as respecté le code du soldat et tu as essayé de rassurer, ils ne t’ont pas cru. Tu as endossé l’entière responsabilité pour que personne du camp présidentiel ne soit reproché de quoi que ce soit. Et Dieu sait que tu as fait ça pour que les cartes ne soient pas falsifiables. Les résultats tombent, le second tour est inévitable et le Sénégal va vivre une alternance politique pour la première fois de son histoire. Peu avant minuit le soir du 19 mars 2000, vous appelez le président Diouf pour lui dire que la situation est difficile pour lui et pour le Parti socialiste, car ils avaient perdu les élections. Vous avez appelé le président Diouf cinq fois dans cette journée pour lui faire comprendre qu’il fallait qu’il accepte et surtout qu’il le fasse publiquement. Les membres du PS ne voulaient pas que le président reconnaisse sa défaite et certains ont même annoncé la victoire du président Diouf. Vous avez été accusé de vouloir faire gagner au président Diouf par l’opposition et vous voilà en train de le convaincre d’accepter sa défaite. Quel grand homme ! Vous allez confier au président Diouf ces mots de sagesse « Si vous félicitez votre adversaire comme vous l'avez promis à votre directoire de campagne, vous serez le vainqueur moral de cette élection. » Le président Diouf suivra votre conseil et acceptera sa défaite et il l’a fait publiquement.  
Pendant que vous étiez en République Centrafricaine pour maintenir la paix, le secrétaire général des Nations Unies savait qu’il pouvait compter sur vous, grand homme, pour sauver les élections au Tchad. Vous avez répondu présent Général. Et aux Philippines pendant que vous étiez Lieutenant-colonel ? N’aviez-vous pas refusé de signer un cessez-le-feu dont vous n’aviez pas pris place et vous aviez insisté pour participer à une discussion avec les deux camps avant de signer l’accord. Quel homme juste ! 
  
Espérons un jour que le Sénégal soit dirigé par des hommes décomplexés qui rendront hommage à des grands hommes comme vous. Joseph Ki-Zerbo disait en 1968 qu’il est temps pour « l’africanisation des programmes d’histoire ». Nous apprenons toujours les héros des ex-métropoles. N’est-il pas temps qu’on apprenne Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, Seydina Limamoulaye, Ibrahima Niasse, Hyacinthe Thiandoum, Theodore Adrien Sarr ? N’est-il pas temps qu’on apprenne Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Awa Thiongane ? Et vous nos vaillants diambars qui avaient toujours maintenu la paix et la stabilité au Sénégal ?  
  
Reposez en paix Général Mamadou Lamine Cissé ! 
  
Mohamed Dia