Y a-t-il encore traque de biens mal acquis et lutte contre la corruption au Sénégal ? Deux «affaires» récentes permettent d’en douter. La première est celle du «adiya» de l’une des épouses du marabout Cheikh Béthio Thioune. Le «adiya» en question (offrande d’un disciple à son guide) consiste en la somme 270 millions de francs CFA en liquide que l’une des 7 épouses et non moins disciple du marabout aurait exhibé au cours d’une cérémonie publique.
Les nombreux spectateurs de la scène et les nombreux Sénégalais qui en ont vu la diffusion à travers les réseaux sociaux en ont évidemment été choqués. D’où vient tant d’argent liquide ? Ne serait-ce pas là, une opération de blanchissement ? Interpellée par des journalistes, la Présidente de l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac), Madame Seynabou Ndiaye Diakhaté, a indiqué dans un premier temps que sa structure pourrait s’autosaisir. Cependant près d’un mois après, aucune action ne semble avoir été engagée.
Il est vrai que des voix se sont fait entendre contre toute intervention de l’OFNAC. L’avocat Me Amadou Aly Kane a ainsi dénoncé l’intention de Madame Seynabou Ndiaye Diakhaté : «sur le plan juridique, l’Ofnac ne peut pas s’auto-saisir». Serigne Modou Bousso Dieng, Président de la Confédération internationale des familles religieuses quant à lui dénonce «une traque de religieux»… Aucun mot ni du président de la République, ni du Premier Ministre, ni du ministre de la Justice.
La deuxième affaire est relative au transfert de 12 milliards de FCFA par la société australienne Mineral Deposit Limited (MDL), attributaire d’un permis d’exploitation de minerais précieux (zircon, d’ilménite, rutile, leucoxène), au profit d’un homme d’affaire, M.Cheikh Amar, connu pour ses liens étroits avec les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall.
Selon le site Dakaractu qui révèle l’affaire le 11 Octobre 2017, M. Cheikh Amar aurait réçu virement de cette somme entre novembre 2007 et Février 2008. Or c’est le 2 novembre 2007 que la concession minière est définitivement accordée à MDL par la publication du décret du Ministre des Mines et de l’Industrie au Journal Officiel.
Aussi est-il logique de se demander, comme l’ont fait les journalistes de Dakar Actu et de l’Observateur notamment, si les virements de MDL à M. Cheikh Amar ne représentent pas des rétrocommissions. Pourtant le Parquet général près la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), interpellé semble-t-il par M.Cheikh Amar, l’informe que «les procédures en instance au niveau de la CREI sont en phase de clôture» et que celles-ci ne le «concernent ni directement ni indirectement».
Au vu du traitement (ou du défaut de traitement) des affaires relatées ici, on peut se demander si la lutte contre la corruption et contre l’enrichissement illicite ont encore cours au Sénégal.
C’est comme si l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac) et la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) sont désormais rangés au placard maintenant que les principaux challengers de M. Macky Sall pour les élections de 2019 sont écartés ou ont fait allégeance.