Spinoza, L’Ethique
Le samedi 25 novembre 2017 sera, à jamais, marqué d’une pierre noire dans les annales de l’histoire de notre République. La majorité parlementaire, sous les oripeaux de la justice, a foulé aux pieds le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs et consacré la vassalisation de l’Assemblée nationale. Aux ordres de l’exécutif et tels des pantins qui s’agitent et gesticulent sous les manettes du président de la République, les députés de Benno Bokk Yaakaar ont trahi le peuple souverain en mettant leur mandat au service d’un homme.
En votant la levée de l’immunité parlementaire de l’honorable député maire de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, ils ont trahi les Sénégalais qu’ils avaient le devoir de représenter avec honneur et dignité. En usant de discours non pas pour convaincre le peuple mais pour se convaincre de l’ignominie de leur acte, ils se sont livrés à une véritable mascarade. Quelle honte ! L’équation, à leur niveau, était seulement de se donner l’illusion d’avoir raison, afin de l’emporter même contre les spécialistes et techniciens du droit quand ils s’adresseront au peuple.
Seulement voilà, ce vote, sous la présidence du septuagénaire Moustapha Niasse, est rédhibitoire. Il se heurtera éternellement aux vérités de l’article 61 de la Constitution et de l’article 52 de la loi organique portant règlement intérieur de l'assemblée nationale. La justice est un principe moral qui exige le respect du droit et de la loi. La justice est une qualité morale qui invite à respecter les droits d'autrui. La justice ne saurait être assujettie aux ambitions politiques d’un homme qui développe, de façon chronique, les symptômes d’une phobie quasi-hystérique d’un adversaire politique. La loi doit certes s’exercer avec rigueur, mais en toute impartialité.
Dans son Ethique Baruch Spinoza souligne que «la Justice est une disposition constante de l'âme à attribuer à chacun ce qui d'après le droit civil lui revient; l'Injustice par contre consiste, sous une apparence de droit, à enlever à quelqu'un ce qui lui appartient suivant l'interprétation véritable des lois.»
En levant l’immunité parlementaire du député-maire de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, sans l’avoir préalablement fait auditionner par la Commission ad-hoc, sans l’avoir convoqué à la séance plénière pour lui permettre d’assurer sa défense devant ses collègues, l’Assemblée nationale renonce honteusement à son devoir de justice et choisit l’usage de la force. Signe de la tyrannie. Au nom d’un intérêt individuel ; les députés de la majorité ont fait honte à la République. En réalité, le déni du droit par la majorité au profit du prince est la formule de la tyrannie.
Régime violent par nature, où tous se plient à l’arbitraire d’une puissance qui ne se soucie ni de la légalité ni de la légitimité, mais en prend le masque. En trichant pour mettre hors de course un adversaire politique, le tyran se trahit lui-même. C’est connu de tous, il n’y a pire lâcheté que de se mettre, à force de forfaitures et à force de se réfugier derrière la force du pouvoir, à l'abri de la peur que les autres vous inspirent.
A la face du monde il vient de montrer qu’il est un monstre mais fort heureusement un monstre aux pieds d’argile. Car la force n’a pas besoin du droit pour s’imposer, si elle est véritablement force. Le droit du plus fort (le régime) est en réalité un droit du plus faible (assemblée). Le plus fort du moment veut être le plus fort toujours, mais craint de ne l’être pas. Le monstre est retour et veut s’asseoir sur les valeurs de la République et sur les droits et libertés des citoyens. Et pour parler comme le sage malinké, quelle «déhontée façon de s’asseoir».
Elhadji Ndiaye