«La loi est la loi. Et nul n’est au-dessus des lois. Pas même le Président» Barack OBAMA
Par une lettre estampillée «confidentielle» en date du 24 juillet 2017, le Président a saisi le Conseil Constitutionnel, pour permettre aux citoyens sénégalais ne pouvant disposer de leurs cartes nationales d’identité biométriques de voter avec la carte nationale d’identité numérisée, la carte d’électeur, le passeport, le permis de conduire ou un document d’immatriculation pour les primo-inscrits. La saisine des 7 «Sages» le 24 juillet 2017 et l’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel en date du 26 juillet 2017 ont fait l’objet d’une large diffusion au niveau des médias pour qu’on s’y attarde.
En revanche, l’intégralité de la question posée au Conseil Constitutionnel n’apparaît ni dans le document de saisine transmis aux médias, ni dans l’Avis/décision publié par les organes de presse. Et pour cause : le contenu de la question transmise au Conseil Constitutionnel constitue une violation extrêmement grave et délibérée de l’article 3 de la Charte suprême. En Droit, Il s’agit d’une forfaiture unique dans l’histoire politique du Sénégal, qui frappe d’illégalité manifeste le scrutin du 30 juillet 2017, et rend illégitime le résultat qui en est issu.
La question posée au Conseil Constitutionnel est libellée comme suit «Devant la lenteur observée dans le retrait des cartes d’électeur et le risque que des milliers de sénégalais voire un peu plus d’un million de sénégalais, soient privés d’un droit de vote, est-ce qu’il est possible d’envisager, sans modifier la loi, sans la réécrire, sans l’abroger, que les Sénégalais, qui se sont inscrits sur les listes électorales et qui n’ont pas pu récupérer leur carte d’électeur pour diverses raisons, puissent exceptionnellement, prendre part à ces élections ?».
La formulation est d’une telle gravité que le seul terme adéquat pour qualifier un tel acte est l’audace. Le Président a formulé une requête précise, inédite, et totalement illégale auprès du Conseil Constitutionnel : celle d’obtenir la possibilité de violer littéralement la loi électorale en vigueur. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il a été demandé que la loi électorale soit maintenue stricto sensu ; telle quelle ; sans aucun ajout ; ni aucune modification ; et que simultanément, le Conseil Constitutionnel fasse totalement fi de son «existence» pour permettre aux sénégalais non titulaires de la carte d’électeur CEDEAO, de voter avec d’autres pièces non autorisées par ladite loi. Du jamais vu dans les annales du Droit.
L’acte du Président est d’autant plus grave qu’il viole expressément les dispositions contenues dans l’article 3, alinéa 4 de la Constitution qui dispose que «Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi». Or, les articles L53 et L78 du Code électoral prescrivent «que seule la carte d'identité biométrique CEDEAO tient lieu de carte d’électeur». Comment peut-on une seule seconde autoriser le vote avec d’autres documents administratifs sans modifier la loi qui l’exclut formellement ?
Ce qui est grave, c’est que le Président ne se contente plus de violer la Constitution. L’élément nouveau, c’est qu’il sollicite désormais l’aval du Conseil Constitutionnel pour violer la Loi. L’injonction faite aux membres du Conseil Constitutionnel est sans équivoque «la loi électorale ne doit pas être modifiée, ni réécrite, ni abrogée». Il en ressort donc que le scrutin du 30 juillet 2017 s’est déroulé sans fondement juridique (Néant). La loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 qui définit les attributions du Conseil Constitutionnel ne permet aux Sages ni proposer une loi, ni de voter la loi, encore moins de se substituer au législateur. Par conséquent, l’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel en date du 26 juillet 2017 ne saurait faire office de loi, et n’a aucune valeur juridique (ni à la date du 30 juillet 2017, ni à cet instant précis «17 août 2017»).
L’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel doit obligatoirement être validé par une loi, pour son application et son incorporation dans notre ordonnancement juridique.
Seule l’assemblée nationale détenant le pouvoir de légiférer est habilitée à voter une telle loi. Ce qui n’a pas été fait à ce jour. Tout le processus allant de la saisine du Conseil Constitutionnel à l’Avis/Décision des 7 «Sages» est entaché d’illégalité.
Les articles L53 et L78 du Code électoral qui prescrivent «que seule la carte d'identité biométrique CEDEAO tient lieu de carte d’électeur» ont été violés délibérément par l’Exécutif et par le Conseil constitutionnel qui savaient parfaitement, que compte tenu de la saisine tardive des 7 «Sages» le 24 juillet 2017, l’Assemblée nationale ne serait pas en mesure de légiférer avant le scrutin du 30 juillet 2017.
Au Brésil, une telle violation de la Constitution entrainerait ipso facto une procédure de destitution à l’égard du Président, une révocation des juges constitutionnels et des poursuites judiciaires à leur encontre. Aux Etats-Unis, la procédure de destitution ou «impeachment» prévue par l’article II de la Constitution américaine qui dispose que «le Président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs» serait immédiatement enclenchée. En France, une saisine du Conseil Constitutionnel pour un tel motif est tout simplement impensable.
Dans cette affaire, les 7 «Sages» ont fait preuve d’une incroyable légèreté et failli à leur mission consistant à ne se soumettre qu’à l’autorité de la Loi dans l’exercice de leurs fonctions, et à ne recevoir aucune injonction d’où qu’elle vienne. Cette situation pose le problème de l’indépendance du juge constitutionnel sénégalais à l’égard du pouvoir exécutif, et plus globalement le rôle des Conseils constitutionnels en Afrique, qui, presque partout, se sont mués en de simples «Instances de validation» pour les pouvoirs en place.
La notion de Juge-Tailleur attribuée à certains Constitutionnalistes africains conforte l’idée selon laquelle il est possible de faire dire tout et son contraire au «Droit» en Afrique. Face à une telle violation de la Constitution par les «Sages», une réflexion doit être menée par les professionnels du Droit visant, soit à ne plus accorder au Conseil Constitutionnel une place prééminente dans notre architecture juridique, soit à encadrer les pouvoirs exorbitants de cet organe qui agit souvent hors du champ du Droit.
Les pouvoirs octroyés au Conseil constitutionnel doivent désormais être accompagnés d’un «régime de responsabilité». Dans les pays démocratiques où la séparation des pouvoirs est effective, la volonté du peuple respectée, et les droits des citoyens consacrés, il est convenu et accepté que «Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours, et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles».
Comme le relevait l’éminent professeur de Droit, Jacques Mariel NZOUANKEU dans un excellent article publié au journal «Le Soleil» le 10 août 2017, il y a lieu de faire une distinction nette entre l’Avis/Décision (qui ne lie pas l’auteur de la demande) et la Décision-Jugement (exécutoire). Alors que l’article 92 al. 4 de la Constitution dispose que «Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours» ne s’applique qu’aux décisions-jugements ; le pouvoir, par une extraordinaire entreprise de confusion dont seul il a le secret, a décidé, en toute illégalité de l’étendre aux Avis/Décisions.
Dans la pratique, les 7 «Sages» ont démontré qu’ils ne méritaient pas de disposer des pouvoirs consacrés par les textes ; pouvoirs qui les conduisent souvent à pactiser avec les régimes en place, et à valider des scrutins qui ne respectent pas les critères de régularité et de transparence requis (scrutin du 30 juillet 2017). Une réforme de la Constitution, visant à accorder aux 7 «Sages» des pouvoirs, assortis de sanctions pénales en cas de manquements graves (fin du mandat et poursuites judiciaires) serait de nature à éviter certaines dérives. Encadrer les pouvoirs des «Sages», c’est éviter demain des troubles post électoraux, source d’instabilité pour le Sénégal.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr
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Par une lettre estampillée «confidentielle» en date du 24 juillet 2017, le Président a saisi le Conseil Constitutionnel, pour permettre aux citoyens sénégalais ne pouvant disposer de leurs cartes nationales d’identité biométriques de voter avec la carte nationale d’identité numérisée, la carte d’électeur, le passeport, le permis de conduire ou un document d’immatriculation pour les primo-inscrits. La saisine des 7 «Sages» le 24 juillet 2017 et l’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel en date du 26 juillet 2017 ont fait l’objet d’une large diffusion au niveau des médias pour qu’on s’y attarde.
En revanche, l’intégralité de la question posée au Conseil Constitutionnel n’apparaît ni dans le document de saisine transmis aux médias, ni dans l’Avis/décision publié par les organes de presse. Et pour cause : le contenu de la question transmise au Conseil Constitutionnel constitue une violation extrêmement grave et délibérée de l’article 3 de la Charte suprême. En Droit, Il s’agit d’une forfaiture unique dans l’histoire politique du Sénégal, qui frappe d’illégalité manifeste le scrutin du 30 juillet 2017, et rend illégitime le résultat qui en est issu.
La question posée au Conseil Constitutionnel est libellée comme suit «Devant la lenteur observée dans le retrait des cartes d’électeur et le risque que des milliers de sénégalais voire un peu plus d’un million de sénégalais, soient privés d’un droit de vote, est-ce qu’il est possible d’envisager, sans modifier la loi, sans la réécrire, sans l’abroger, que les Sénégalais, qui se sont inscrits sur les listes électorales et qui n’ont pas pu récupérer leur carte d’électeur pour diverses raisons, puissent exceptionnellement, prendre part à ces élections ?».
La formulation est d’une telle gravité que le seul terme adéquat pour qualifier un tel acte est l’audace. Le Président a formulé une requête précise, inédite, et totalement illégale auprès du Conseil Constitutionnel : celle d’obtenir la possibilité de violer littéralement la loi électorale en vigueur. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il a été demandé que la loi électorale soit maintenue stricto sensu ; telle quelle ; sans aucun ajout ; ni aucune modification ; et que simultanément, le Conseil Constitutionnel fasse totalement fi de son «existence» pour permettre aux sénégalais non titulaires de la carte d’électeur CEDEAO, de voter avec d’autres pièces non autorisées par ladite loi. Du jamais vu dans les annales du Droit.
L’acte du Président est d’autant plus grave qu’il viole expressément les dispositions contenues dans l’article 3, alinéa 4 de la Constitution qui dispose que «Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi». Or, les articles L53 et L78 du Code électoral prescrivent «que seule la carte d'identité biométrique CEDEAO tient lieu de carte d’électeur». Comment peut-on une seule seconde autoriser le vote avec d’autres documents administratifs sans modifier la loi qui l’exclut formellement ?
Ce qui est grave, c’est que le Président ne se contente plus de violer la Constitution. L’élément nouveau, c’est qu’il sollicite désormais l’aval du Conseil Constitutionnel pour violer la Loi. L’injonction faite aux membres du Conseil Constitutionnel est sans équivoque «la loi électorale ne doit pas être modifiée, ni réécrite, ni abrogée». Il en ressort donc que le scrutin du 30 juillet 2017 s’est déroulé sans fondement juridique (Néant). La loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 qui définit les attributions du Conseil Constitutionnel ne permet aux Sages ni proposer une loi, ni de voter la loi, encore moins de se substituer au législateur. Par conséquent, l’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel en date du 26 juillet 2017 ne saurait faire office de loi, et n’a aucune valeur juridique (ni à la date du 30 juillet 2017, ni à cet instant précis «17 août 2017»).
L’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel doit obligatoirement être validé par une loi, pour son application et son incorporation dans notre ordonnancement juridique.
Seule l’assemblée nationale détenant le pouvoir de légiférer est habilitée à voter une telle loi. Ce qui n’a pas été fait à ce jour. Tout le processus allant de la saisine du Conseil Constitutionnel à l’Avis/Décision des 7 «Sages» est entaché d’illégalité.
Les articles L53 et L78 du Code électoral qui prescrivent «que seule la carte d'identité biométrique CEDEAO tient lieu de carte d’électeur» ont été violés délibérément par l’Exécutif et par le Conseil constitutionnel qui savaient parfaitement, que compte tenu de la saisine tardive des 7 «Sages» le 24 juillet 2017, l’Assemblée nationale ne serait pas en mesure de légiférer avant le scrutin du 30 juillet 2017.
Au Brésil, une telle violation de la Constitution entrainerait ipso facto une procédure de destitution à l’égard du Président, une révocation des juges constitutionnels et des poursuites judiciaires à leur encontre. Aux Etats-Unis, la procédure de destitution ou «impeachment» prévue par l’article II de la Constitution américaine qui dispose que «le Président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs» serait immédiatement enclenchée. En France, une saisine du Conseil Constitutionnel pour un tel motif est tout simplement impensable.
Dans cette affaire, les 7 «Sages» ont fait preuve d’une incroyable légèreté et failli à leur mission consistant à ne se soumettre qu’à l’autorité de la Loi dans l’exercice de leurs fonctions, et à ne recevoir aucune injonction d’où qu’elle vienne. Cette situation pose le problème de l’indépendance du juge constitutionnel sénégalais à l’égard du pouvoir exécutif, et plus globalement le rôle des Conseils constitutionnels en Afrique, qui, presque partout, se sont mués en de simples «Instances de validation» pour les pouvoirs en place.
La notion de Juge-Tailleur attribuée à certains Constitutionnalistes africains conforte l’idée selon laquelle il est possible de faire dire tout et son contraire au «Droit» en Afrique. Face à une telle violation de la Constitution par les «Sages», une réflexion doit être menée par les professionnels du Droit visant, soit à ne plus accorder au Conseil Constitutionnel une place prééminente dans notre architecture juridique, soit à encadrer les pouvoirs exorbitants de cet organe qui agit souvent hors du champ du Droit.
Les pouvoirs octroyés au Conseil constitutionnel doivent désormais être accompagnés d’un «régime de responsabilité». Dans les pays démocratiques où la séparation des pouvoirs est effective, la volonté du peuple respectée, et les droits des citoyens consacrés, il est convenu et accepté que «Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours, et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles».
Comme le relevait l’éminent professeur de Droit, Jacques Mariel NZOUANKEU dans un excellent article publié au journal «Le Soleil» le 10 août 2017, il y a lieu de faire une distinction nette entre l’Avis/Décision (qui ne lie pas l’auteur de la demande) et la Décision-Jugement (exécutoire). Alors que l’article 92 al. 4 de la Constitution dispose que «Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours» ne s’applique qu’aux décisions-jugements ; le pouvoir, par une extraordinaire entreprise de confusion dont seul il a le secret, a décidé, en toute illégalité de l’étendre aux Avis/Décisions.
Dans la pratique, les 7 «Sages» ont démontré qu’ils ne méritaient pas de disposer des pouvoirs consacrés par les textes ; pouvoirs qui les conduisent souvent à pactiser avec les régimes en place, et à valider des scrutins qui ne respectent pas les critères de régularité et de transparence requis (scrutin du 30 juillet 2017). Une réforme de la Constitution, visant à accorder aux 7 «Sages» des pouvoirs, assortis de sanctions pénales en cas de manquements graves (fin du mandat et poursuites judiciaires) serait de nature à éviter certaines dérives. Encadrer les pouvoirs des «Sages», c’est éviter demain des troubles post électoraux, source d’instabilité pour le Sénégal.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr
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