“Je devrais m’adresser à une personnalité de la majorité pour conduire le gouvernement. (...) Personne ne désignera le Premier ministre à ma place, croyez-moi “. Ces propos ont été tenus par François Mitterrand sur les antennes de TF1, le 2 mars 1986. La France venait de connaître sa première cohabitation sous la 5ème République. Ce scénario devient de plus en plus probable au Sénégal. Il a même été évoqué par le président de la République, Macky Sall à Paris.
Le Chef de l’Etat qui craint visiblement d’être confronté à une dyarchie à la tête de l’Etat devant déboucher sur l’inversion des pouvoirs au sommet de l’exécutif, a attiré l’attention des Sénégalais sur les conséquences d’un tel scénario.
«Il y a des gens qui vont essayer toute sorte d’alliance pour nous imposer la cohabitation. Mais, les Sénégalais ne vont pas accepter ça. Surtout dans un contexte de crise mondiale».
Ces propos sont du président de la République, Macky Sall lors de son dernier passage mouvementé à Paris. Le Chef de l’Etat a bien raison d’évoquer un tel scénario qui pourrait se produire pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal. C’est une réelle probabilité qui, si elle se réalise, pourrait déboucher sur une crise inédite.
Dyarchie à la tête de l’Etat
«Le pouvoir ne se partage pas», disait un homme d’Etat français. C’est pourquoi, le président de la République accepte difficilement une quelconque dyarchie au sommet de l’Etat. Au Sénégal, nous l’avons douloureusement expérimenté. La première dyarchie à la tête de l’Etat avait débouché sur la plus grande crise politique et institutionnelle du pays. C’était entre Léopold Sédar Senghor, alors président de la République et Mamadou Dia, président du Conseil. On connaît la suite. Le régime parlementaire a été enterré et depuis, le Sénégal vit avec un hyper-présidentialisme. Les autres situations qui ressemblent à une dualité à la tête de l’Etat, ont été sciemment créées par les présidents de la République. D’abord, c’est Abdou Diouf avec son tout puissant ministre d’Etat chargé des affaires et services présidentiels, Ousmane Tanor Dieng.
Puis, il y a eu Abdoulaye Wade et ses fameux numéros 2. Seulement, le Pape du Sopi n’aimait pas ceux qui lorgnaient son moelleux fauteuil. Idrissa Seck et Macky Sall en savent quelque chose. Quant au Président Sall, il refuse de structurer son parti. Au sein de l’Alliance pour la République (APR), on parle de structuration horizontale. Une belle trouvaille du chef, même si, comme le disait Paul Valéry «deux choses ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre».
Makcy Sall en refusant la structuration de son parti, opte alors pour le désordre. L’APR ressemble à une armée mexicaine. Si sous Diouf, il n’y a jamais eu de blocage des institutions, sous Wade, on avait frôlé certains incidents. Même si, très vite, le dépositaire de la légitimité a sifflé la fin de la récréation. Mais en cas de cohabitation, le président de la République n’aura pas une telle facilité de se débarrasser de son Premier ministre qu’il n’aura d’ailleurs pas choisi, mais qui s’impose à lui grâce à la volonté populaire.
Absence de textes réglementaires
Contrairement en France où le Premier ministre est un Chef du gouvernement, son homologue sénégalais n’est autre que le Premier des ministres. Mieux en France qui est une référence du Sénégal en tout, l’article 20 de la Constitution du 4 octobre 1958 encore en vigueur, règle le problème en cas de cohabitation. Cette disposition composée de trois alinéas stipule : «Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50».
Quant à l’article 5 relatif aux prérogatives du président de la République, il dit que ce dernier «veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités». Dans la 5ème République, la France a vécu trois cohabitations. La première de 1986-1988 entre Mitterrand-Chirac. Elle avait été qualifiée de «combative». De 1993-1995, Mitterrand encore président, Balladur Premier ministre : on a parlé de «cohabitation de velours». Enfin de 1997-2002, entre Chirac et Jospin, c’est la «cohabitation au long cours».
Mais quelle que soit son appellation, la cohabitation devrait en principe entraîner l’effacement temporaire de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre. Or, contrairement en France, au Sénégal c’est le Président de la République qui détermine la politique de la nation. Le Premier ministre ne fait que l’exécuter. Imaginez alors les conséquences en cas de cohabitation. Raymond Barre, ancien Premier ministre sous Valéry Giscard d’Estaing avait estimé que la «cohabitation est un vrai danger pour les institutions de la Vème République. Dès lors, le Président n’a qu’une seule possibilité: se démettre».
Mais François Mitterrand ne l’entendait ainsi. Lors d’une conférence de presse, tenue 21 novembre 1985, le premier Président socialiste de la 5ème République avait déclaré ceci : “Le Président de la République est élu par le peuple pour une durée donnée, en la circonstance, c’est sept ans, et pendant ces sept ans il doit faire son devoir”. Conscient de la dangerosité d’un tel scénario, Macky Sall perd son sommeil et s’active pour barrer la route à son opposition. Mais, ce ne sera pas facile. Mais avant, il faut qu’il résolve les problèmes dans son camp.
Le casse-tête des têtes de listes
La première équation à laquelle le Président Macky Sall sera confrontée, c’est la confection de la liste en perspective des élections législatives du 30 juillet prochain. Et pour cause, l’APR qui n’était qu’un «mouvement» en 2012, n’a absolument rien à voir avec ce parti présidentiel dont les membres n’arrêtent plus d’afficher leurs ambitions.
Une boulimie qui risque de porter un énorme préjudice au Chef de l’Etat. Et ce n’est pas une mise en place du très contesté et contestable Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) dont le seul but est de «caser» une clientèle politique qui arrêtera l’hémorragie. De Saint-Louis à Ziguinchor, de Dakar à Matam, la 13ème Législature ne cesse déguiser les appétits. Pis, la loi sur la parité n’est pas non plus pour arranger les choses. La gestion des alliés En plus de la boulimie dont ses membres font montre, Macky Sall doit aussi gérer les désidérata de ses alliés qui n’entendent pas céder de la place aux Apéristes.Il sera difficile de faire accepter au Parti Socialiste, une formation en lambeau, d’avoir moins de députés (une vingtaine).
Que dire l’Alliance pour les forces du Progrès (AFP) de Moustapha Niasse dont certains cadres ont déjà fini «d’imposer» leur leader pour conduire la liste de la coalition Benno Bokk Yakaar. La LD et le PIT voudront aussi occuper une place de choix sur la proportionnelle (liste nationale). C’est à se demander si Macky Sall n’aura pas à gagner en réduisant son mandat de sept à cinq ans. Ce qui lui aurait permis non seulement de rentrer dans l’histoire, mais aussi d’organiser la présidentielle avant les Législatives qui constituent le 3ème tour de la première élection.
Sud Quotidien
Le Chef de l’Etat qui craint visiblement d’être confronté à une dyarchie à la tête de l’Etat devant déboucher sur l’inversion des pouvoirs au sommet de l’exécutif, a attiré l’attention des Sénégalais sur les conséquences d’un tel scénario.
«Il y a des gens qui vont essayer toute sorte d’alliance pour nous imposer la cohabitation. Mais, les Sénégalais ne vont pas accepter ça. Surtout dans un contexte de crise mondiale».
Ces propos sont du président de la République, Macky Sall lors de son dernier passage mouvementé à Paris. Le Chef de l’Etat a bien raison d’évoquer un tel scénario qui pourrait se produire pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal. C’est une réelle probabilité qui, si elle se réalise, pourrait déboucher sur une crise inédite.
Dyarchie à la tête de l’Etat
«Le pouvoir ne se partage pas», disait un homme d’Etat français. C’est pourquoi, le président de la République accepte difficilement une quelconque dyarchie au sommet de l’Etat. Au Sénégal, nous l’avons douloureusement expérimenté. La première dyarchie à la tête de l’Etat avait débouché sur la plus grande crise politique et institutionnelle du pays. C’était entre Léopold Sédar Senghor, alors président de la République et Mamadou Dia, président du Conseil. On connaît la suite. Le régime parlementaire a été enterré et depuis, le Sénégal vit avec un hyper-présidentialisme. Les autres situations qui ressemblent à une dualité à la tête de l’Etat, ont été sciemment créées par les présidents de la République. D’abord, c’est Abdou Diouf avec son tout puissant ministre d’Etat chargé des affaires et services présidentiels, Ousmane Tanor Dieng.
Puis, il y a eu Abdoulaye Wade et ses fameux numéros 2. Seulement, le Pape du Sopi n’aimait pas ceux qui lorgnaient son moelleux fauteuil. Idrissa Seck et Macky Sall en savent quelque chose. Quant au Président Sall, il refuse de structurer son parti. Au sein de l’Alliance pour la République (APR), on parle de structuration horizontale. Une belle trouvaille du chef, même si, comme le disait Paul Valéry «deux choses ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre».
Makcy Sall en refusant la structuration de son parti, opte alors pour le désordre. L’APR ressemble à une armée mexicaine. Si sous Diouf, il n’y a jamais eu de blocage des institutions, sous Wade, on avait frôlé certains incidents. Même si, très vite, le dépositaire de la légitimité a sifflé la fin de la récréation. Mais en cas de cohabitation, le président de la République n’aura pas une telle facilité de se débarrasser de son Premier ministre qu’il n’aura d’ailleurs pas choisi, mais qui s’impose à lui grâce à la volonté populaire.
Absence de textes réglementaires
Contrairement en France où le Premier ministre est un Chef du gouvernement, son homologue sénégalais n’est autre que le Premier des ministres. Mieux en France qui est une référence du Sénégal en tout, l’article 20 de la Constitution du 4 octobre 1958 encore en vigueur, règle le problème en cas de cohabitation. Cette disposition composée de trois alinéas stipule : «Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50».
Quant à l’article 5 relatif aux prérogatives du président de la République, il dit que ce dernier «veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités». Dans la 5ème République, la France a vécu trois cohabitations. La première de 1986-1988 entre Mitterrand-Chirac. Elle avait été qualifiée de «combative». De 1993-1995, Mitterrand encore président, Balladur Premier ministre : on a parlé de «cohabitation de velours». Enfin de 1997-2002, entre Chirac et Jospin, c’est la «cohabitation au long cours».
Mais quelle que soit son appellation, la cohabitation devrait en principe entraîner l’effacement temporaire de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre. Or, contrairement en France, au Sénégal c’est le Président de la République qui détermine la politique de la nation. Le Premier ministre ne fait que l’exécuter. Imaginez alors les conséquences en cas de cohabitation. Raymond Barre, ancien Premier ministre sous Valéry Giscard d’Estaing avait estimé que la «cohabitation est un vrai danger pour les institutions de la Vème République. Dès lors, le Président n’a qu’une seule possibilité: se démettre».
Mais François Mitterrand ne l’entendait ainsi. Lors d’une conférence de presse, tenue 21 novembre 1985, le premier Président socialiste de la 5ème République avait déclaré ceci : “Le Président de la République est élu par le peuple pour une durée donnée, en la circonstance, c’est sept ans, et pendant ces sept ans il doit faire son devoir”. Conscient de la dangerosité d’un tel scénario, Macky Sall perd son sommeil et s’active pour barrer la route à son opposition. Mais, ce ne sera pas facile. Mais avant, il faut qu’il résolve les problèmes dans son camp.
Le casse-tête des têtes de listes
La première équation à laquelle le Président Macky Sall sera confrontée, c’est la confection de la liste en perspective des élections législatives du 30 juillet prochain. Et pour cause, l’APR qui n’était qu’un «mouvement» en 2012, n’a absolument rien à voir avec ce parti présidentiel dont les membres n’arrêtent plus d’afficher leurs ambitions.
Une boulimie qui risque de porter un énorme préjudice au Chef de l’Etat. Et ce n’est pas une mise en place du très contesté et contestable Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) dont le seul but est de «caser» une clientèle politique qui arrêtera l’hémorragie. De Saint-Louis à Ziguinchor, de Dakar à Matam, la 13ème Législature ne cesse déguiser les appétits. Pis, la loi sur la parité n’est pas non plus pour arranger les choses. La gestion des alliés En plus de la boulimie dont ses membres font montre, Macky Sall doit aussi gérer les désidérata de ses alliés qui n’entendent pas céder de la place aux Apéristes.Il sera difficile de faire accepter au Parti Socialiste, une formation en lambeau, d’avoir moins de députés (une vingtaine).
Que dire l’Alliance pour les forces du Progrès (AFP) de Moustapha Niasse dont certains cadres ont déjà fini «d’imposer» leur leader pour conduire la liste de la coalition Benno Bokk Yakaar. La LD et le PIT voudront aussi occuper une place de choix sur la proportionnelle (liste nationale). C’est à se demander si Macky Sall n’aura pas à gagner en réduisant son mandat de sept à cinq ans. Ce qui lui aurait permis non seulement de rentrer dans l’histoire, mais aussi d’organiser la présidentielle avant les Législatives qui constituent le 3ème tour de la première élection.
Sud Quotidien