Le 80e prix Albert-Londres a été remis, lundi 22 octobre, à Istanbul à Elise Vincent du journal Le Monde, pour une série de reportages sur le jihadisme et la radicalisation en France.
Le plus prestigieux prix de journalisme francophone a également consacré Marjolaine Grappe, Christophe Barreyre et Mathieu Cellard dans la catégorie Audiovisuel, pour leur film Les hommes du dictateur, sur le financement du régime de Corée du Nord, diffusé sur Arte.
Le 2e prix du Livre a été remporté par Jean-Baptiste Malet pour L'empire de l'or rouge(Fayard), une exceptionnelle enquête qui, en décortiquant l'économie du concentré de tomates, démonte et expose les rouages de la mondialisation.
Solidarité avec les journalistes turcs
Ce 80e prix Albert-Londres a été décerné exceptionnellement à Istanbul. Cela, dit l’association, « pour marquer sa profonde solidarité avec les journalistes turcs». Une délégation d'une trentaine de journalistes français devait d'ailleurs rencontrer des journalistes, écrivains, dessinateurs et réalisateurs turcs à cette occasion.
« Ils veulent envoyer un message fort en direction de cette société civile qui s’était révoltée, la révolte spontanée et populaire de Gezi [parc dans Istanbul] en 2013, estime ainsi Erol Ozkoray, ancien journaliste, politologue et intellectuel d'opposition. C’est pour donner une sorte d’assurance dans leur lutte contre cet Etat qui devient ou est devenu carrément, après le soi-disant coup d’Etat de 2016, une sorte de totalitarisme théocratique. »
« Le prix Albert-Londres s’est déjà plusieurs fois déplacé dans différents pays, et notamment en 2011 en Tunisie au moment des printemps arabes, au moment où fleurissaient la liberté, davantage de liberté d’expression, rappelle Annick Cojean, présidente du jury. C’est exactement l’inverse qui se passe en Turquie actuellement. »
La tentative de putsch de 2016 a été suivie en Turquie par l'arrestation et la condamnation de nombreux journalistes et la fermeture de médias. La Turquie occupe ainsi la 157ème place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. En outre, le photographe français Mathias Depardon et l'étudiant en journalisme de l'Institut des hautes études des communications sociales (Ihecs), Loup Bureau, avaient été arrêtés en Turquie l'an dernier, avant d'être libérés.
« Beaucoup de mes confrères n’ont tout simplement pas trouvé d’endroit où ils peuvent s’exprimer. C’est pourquoi soit ils n’ont pas de travail, soit ils exercent dans des conditions très difficiles, ajoute Can Dündar, l’ancien rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet et qui vit en exil depuis 2016 à Berlin. Aujourd’hui, et j’y participe, émerge une nouvelle tendance : pour mettre la pression sur le gouvernement, il y a des médias créés par des exilés. »
Créé en 1933 en hommage au journaliste français (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté 3 000 euros pour chacun des lauréats, qui doivent être âgés de moins de 41 ans.
RFI