Par Mounirou SY
Pourtant, ce projet participe au processus de rationalisation des partis politiques voulu par le souverain sénégalais le 20 mars 2016. Pour et par cela, il faut éviter de rendre politicien, un sujet hautement politique et constitutionnel à défaut de donner raison à Vincent ROCA disant : «En dehors du français, il y a une seule langue nationale que la constitution tolère : la langue de bois ». Le citoyen sénégalais ne saurait la tolérer cette fois-ci. Il veut des coups de projecteurs pour mieux choisir son élu, son représentant, son présenté. C’est son droit de choisir parmi ceux qu’il a filtrés de « entrepreneuriat politique » parce que plus sérieux, plus crédibles et plus représentatifs sur le plan national. Le Président de la République est la clé de voûte de nos institutions, cela exige un maximum de lucidité et de rigueur dans l’éclairage de l’opinion publique même si avec CONDORCET, on advient que « plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre …même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave».
S’il va jusqu’à son terme, il sera soumis à l’examen des élus de la Nation sénégalaise pour insérer ce mécanisme dans le système électoral. Pour valider la pertinence de ce texte, il faut au préalable appréhender son prétexte et surtout analyser son contexte. D’abord et avant tout, il nous faut tomber d’accord sur l’objet de la réflexion. De quoi s’agit- il ? D’un parrainage dit-on. Or, en matière électorale, il s’agit d’une présentation des candidats à l’élection présidentielle couramment appelée «parrainage» ou «signature». Dès lors, un candidat à cette élection ne peut concourir au scrutin que si un nombre suffisant d’élus l’ont ainsi présenté. A cet effet, ce qu’il faut retenir ab initio, c’est qu’il s’agit d’une PRESENTATION, voire d’une proposition d’un candidat par un nombre d’élus ou de citoyens à être candidat à une compétition électorale.
Ce mécanisme, dans l’histoire constitutionnelle et électorale du Sénégal, n’est pas nouveau. Très tôt, il a été pratiqué pour postuler à la candidature de la fonction suprême de Président de la République. Dès 1963, pour être candidat à la présidentielle, il fallait être soutenu par un parti politique ou par dix (10) députés. Ensuite, le nombre de députés requis est passé de dix (10) à cinq (05).
Actuellement, avec le multipartisme exacerbé, tout parti politique ou coalition de partis peut déposer sa candidature sur la simple production d’un récépissé assorti d’autres formalités. Par ailleurs, le dispositif de parrainage est toujours de mise dans le droit positif sénégalais puisque les candidatures indépendantes sont assujetties à l’obligation de plusieurs signatures de citoyens électeurs pour la validité, entre autres pièces requises, de leur participation à l’élection présidentielle.
Donc, le droit électoral sénégalais a combiné, dans sa trajectoire historique et contemporaine, aussi bien le parrainage représentatif (hier) et le parrainage citoyen (toujours) pour l’élection
présidentielle. Mais une rupture épistémologique est intervenue le 20 mars 2016.
Le Peuple Sénégalais souverain a validé par référendum la nécessité de rationaliser les partis politiques dont l’existence est trop facilement établie par la loi sur les associations au point que leur nombre croît de manière tellement vertigineuse qu’il faut urgemment un coup de massue pour l’estomper. Les législatives de 2017 ont été la preuve tangible de cette urgence consacrée par la floraison non pas seulement de partis politiques (plus de 260 pour un électorat de 6. 500. 000 environs) mais aussi de coalitions de partis (47) au point de décrédibiliser le scrutin et d’installer la risée dans le landerneau politique.
Tirant les leçons du passé et surtout s’inspirant de celle de Napoléon III selon laquelle, «une constitution doit être faite uniquement pour la nation à laquelle on veut l’adapter», le Gouvernement du Sénégal a initié, un dispositif très salutaire et non discriminatoire, pertinent et non dé-consolidant, structurel et non conjoncturel. Loin d’être un recul démocratique, il est un outil de rationalisation et d’équilibre de la vie politique sénégalaise et répond au souhait du Professeur RIALS déjà exposé auparavant.
Ce type de parrainage dit citoyen rétablit au contraire une égalité entre potentiels candidats, entre partis politiques et candidats indépendants et instaure une forte dose de légitimité dans
la phase post-électorale – c’est très important de le signaler – en faveur des protagonistes.
C’est l’occasion d’écarter les participations fantaisistes et ubuesques qualifiées en France de «charlots exotiques» et au Sénégal de «partis télécentres». Comme l’avait signalé en France M. Patrick GROSIEUX lorsqu’il devait s’y appliquer pour la première fois que ce dispositif est une innovation de la Cinquième République. Le constituant n’avait en aucune façon entendu faire de cet «acte de présentation» un acte de soutien politique, tout au plus avait-il eu l’ambition d’instituer un mécanisme juridique de filtrage des candidatures performant afin de soustraire cette première étape au régime des partis abhorré».
L’adjectif «performant» ici utilisé est le déterminant de ce projet de réforme. Pouvoir comme opposition ont décrié le système actuel avec ses effets pervers lors des législatives. Ce parrainage va au-delà de 2019, dépasse le régime du Président Macky Sall et fait du citoyen l’acteur principal du jeu politique et non plus le parti politique. Pris au mot, cette réforme vise une double légitimité : d’une part en amont, le candidat à la présidentielle sera présenté par le citoyen ; et d’une part en aval, le candidat élu sera choisi par le citoyen aussi. Qui plus est, le ratio proposé suit la même logique avec 1% des citoyens régulièrement inscrits soit 65 000 en fonction de 2000 sur 7 régions.
Franchement, un parti politique ou un candidat indépendant, incapable d’avoir l’onction de 65000 personnes dans un Etat qui compte plus de 14 millions d’habitants et 6. 500. 000 électeurs, ne mérite pas le moindre plébiscite. Toutefois, le saut peut paraître brutal parce que passant de 10000 signatures requises aux candidats indépendants à 65000 pour tous. Proposer 0,50% ou 0,25% de l’électorat peut être pertinent et opérant, mais le taux importe moins que le dispositif lui-même. Il est on ne peut plus salutaire et si la pilule a du mal à passer chez certains, c’est parce que leur représentativité nationale n’est que théorique.
Contrairement à certaines idées véhiculées mais totalement fallacieuses, ce dispositif ne remet nullement pas en cause le mode de scrutin prévu à l’article 103 alinéa 7 et par conséquent, ne viole pas du tout la constitution.
Ici, la phase est préélectorale. Il se déroule bien avant le scrutin qui, lui, reste inchangé et est rendu intangible par le référendum passé. Quel est le sens du mot «Scrutin» ? Étymologiquement, il vient du latin scrutinium qui signifie action de fouiller. En droit, le scrutin est la manière de réaliser un vote à l’aide de boules, de bulletins ou de formulaires placés dans une urne ou dans une boîte virtuelle [vote électronique]. On distingue généralement le scrutin uninominal (un seul nom) du scrutin plurinominal (une liste de noms), ainsi que le scrutin majoritaire du scrutin proportionnel.
Donc, le mode de scrutin que le Constituant a verrouillé s’apprécie au niveau de sa nature à savoir le suffrage universel direct et de sa forme à savoir majoritaire ou proportionnel, uninominal ou plurinominal.
En l’espèce, le projet de parrainage ne remet aucunement en cause l’élection du Président de la République au scrutin majoritaire uninominal à un tour par le suffrage universel direct, donc le mode d’élection intangible depuis 2016 le restera en 2019. La confusion entre mode d’élection et mode de scrutin pour établir la violation de la constitution ne pourrait prospérer. Le mode d’élection que rend intangible l’alinéa 7 de l’article 103 porte sur le suffrage universel direct, l’élection à deux tours et le scrutin majoritaire uninominal. Outre mesure, le Sénégal ne pourrait jamais passer à l’ère du numérique pour permettre aux électeurs qui le désirent un jour de voter à travers internet sous prétexte que le mode d’élection ne l’aurait pas prévu. La clause d’éternité qu’est le mode de scrutin reste inchangée même si la notion n’a jamais été validée par le Doyen Vedel qui considérait qu’en droit, le Peuple souverain peut tout changer.
Plus topique, il faut éclairer deux zones d’ombre que certains acteurs proclament. D’abord, le dispositif est maladroitement et faussement comparé au quart bloquant du 21 juin 2011, qui aussi interviendrait pendant le scrutin et produirait son effet nocif juste après. Ensuite, le fait d’imposer dans ce projet la production de la carte d’électeur à tout candidat relève aussi de l’évidence telle une lapalissade. Comment peut-on être élu si on ne peut pas voter soi-même ?
Toutefois, aucun candidat potentiel ne doit être privé de sa carte d’électeur et de son droit de vote qui sont des libertés fondamentales largement consacrées et garanties par la Charte fondamentale.
Ce qu’il faut se garder de vue est que ce système reposant sur les électeurs s’applique déjà dans beaucoup de pays et leur démocratie est loin de vaciller. Certains citoyens européens, outre de pouvoir désigner le chef de l’Etat, peuvent présenter leurs candidats.
Ainsi, les prétendants à la présidence portugaise sont proposés par un minimum de 7.500 électeurs et un maximum de 15.000 sur une population (non électeurs) de 10 224 573 d’habitants en 2018. L’accès à la présidence polonaise nécessite de réunir au moins 100.000 citoyens jouissant du droit de vote à la Diète sur une population en 2018 de 38 639 871 d’habitants (donc le ratio sénégalais est largement correct appliqué à ce pays). Donc, les détracteurs du projet de parrainage citoyen avec comme fondement le taux élevé de 1% doivent revoir leur copie puisque toutes les démocraties qui l’appliquent ont un pourcentage qui avoisine celui proposé par l’Exécutif sénégalais au prorata du nombre d’électeurs même si le nombre peut être revu à la baisse.
Aux Etats-Unis d’Amérique, l’élection présidentielle américaine est marquée à outrance par ce système de parrainage ou plutôt de présentation. C’est un scrutin indirect permettant d’abord l’élection du collège électoral parmi des élus des Etats fédérés qui choisit, par une autre élection, le Président des États-Unis et le Vice-Président. Ce processus de filtrage exacerbé est régi par des règles inscrites dans la Constitution et politiquement ne constitue pas un frein à la marche démocratique. Outre le bipartisme entre démocrates et républicains, les candidatures indépendantes sont admises dans la course à la Maison blanche. Et pourtant, le mode de scrutin de la présidentielle américaine ne permet la présence que de deux candidats indépendants, ce qui serait qualifiée de recul démocratique ou d’antirépublicain au Sénégal.
De plus, les difficultés rencontrées par les candidats indépendants sont accrues par l’obligation de faire enregistrer leur candidature dans chacun des cinquante États, chaque État décidant des procédures électorales propres (le plus souvent, un nombre de signatures de parrainage). C’est pourquoi, la règle du «Winner-takes- all», adoptée par la majorité des États, qui attribue l’ensemble des grands électeurs d’un État au candidat qui obtient la majorité simple, empêche toute représentation de votes minoritaires.
Le projet de loi du Sénégal pose aussi un argument de taille et pas des moindres. Chaque postulant à la candidature ou son plénipotentiaire peut être présent au moment du décompte des signatures devant l’organe compétent et bénéficiera d’un droit recours en cas de contestation peut être devant une autorité autonome comme la CENA ou la juridiction suprême qu’est le Conseil constitutionnel.
En dépit de tout, le mot premier appartient au pouvoir exécutif sous la bannière du Chef de l’Etat qui détient la prérogative constitutionnelle de déposer un projet de loi. Le dernier mot revient au Parlement, dépositaire de la représentation nationale pour traduire ce vœu en réalité juridique s’appliquant erga omnes. Rappelons juste que ce projet de parrainage ne vise qu’à rationaliser la vie politique toute entière et surtout à responsabiliser davantage le peuple sénégalais en donnant plus de droit et de pouvoir au Citoyen-électeur pour une égalité parfaite entre candidats.
D’ailleurs, pour Ray BRADBURY, qu’on doit tous être pareils. Nous ne naissons pas libres et égaux comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit être l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content. Avec ce parrainage, surtout s’il est consensuel et doit normalement l’être, les citoyens seront tous contents avant, pendant et après le scrutin. Ils seront ainsi unis comme UN PEUPLE qui poursuit UN BUT avec l’élan d’UNE FOI.
Mouhamadou Mounirou SY
Maître de Conférences en droit public/ Université de THIES
Conseiller de Monsieur le Premier Ministre du Sénégal
Président de l’Alliance pour une Dynamique Nouvelle (ADN)
Pourtant, ce projet participe au processus de rationalisation des partis politiques voulu par le souverain sénégalais le 20 mars 2016. Pour et par cela, il faut éviter de rendre politicien, un sujet hautement politique et constitutionnel à défaut de donner raison à Vincent ROCA disant : «En dehors du français, il y a une seule langue nationale que la constitution tolère : la langue de bois ». Le citoyen sénégalais ne saurait la tolérer cette fois-ci. Il veut des coups de projecteurs pour mieux choisir son élu, son représentant, son présenté. C’est son droit de choisir parmi ceux qu’il a filtrés de « entrepreneuriat politique » parce que plus sérieux, plus crédibles et plus représentatifs sur le plan national. Le Président de la République est la clé de voûte de nos institutions, cela exige un maximum de lucidité et de rigueur dans l’éclairage de l’opinion publique même si avec CONDORCET, on advient que « plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre …même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave».
S’il va jusqu’à son terme, il sera soumis à l’examen des élus de la Nation sénégalaise pour insérer ce mécanisme dans le système électoral. Pour valider la pertinence de ce texte, il faut au préalable appréhender son prétexte et surtout analyser son contexte. D’abord et avant tout, il nous faut tomber d’accord sur l’objet de la réflexion. De quoi s’agit- il ? D’un parrainage dit-on. Or, en matière électorale, il s’agit d’une présentation des candidats à l’élection présidentielle couramment appelée «parrainage» ou «signature». Dès lors, un candidat à cette élection ne peut concourir au scrutin que si un nombre suffisant d’élus l’ont ainsi présenté. A cet effet, ce qu’il faut retenir ab initio, c’est qu’il s’agit d’une PRESENTATION, voire d’une proposition d’un candidat par un nombre d’élus ou de citoyens à être candidat à une compétition électorale.
Ce mécanisme, dans l’histoire constitutionnelle et électorale du Sénégal, n’est pas nouveau. Très tôt, il a été pratiqué pour postuler à la candidature de la fonction suprême de Président de la République. Dès 1963, pour être candidat à la présidentielle, il fallait être soutenu par un parti politique ou par dix (10) députés. Ensuite, le nombre de députés requis est passé de dix (10) à cinq (05).
Actuellement, avec le multipartisme exacerbé, tout parti politique ou coalition de partis peut déposer sa candidature sur la simple production d’un récépissé assorti d’autres formalités. Par ailleurs, le dispositif de parrainage est toujours de mise dans le droit positif sénégalais puisque les candidatures indépendantes sont assujetties à l’obligation de plusieurs signatures de citoyens électeurs pour la validité, entre autres pièces requises, de leur participation à l’élection présidentielle.
Donc, le droit électoral sénégalais a combiné, dans sa trajectoire historique et contemporaine, aussi bien le parrainage représentatif (hier) et le parrainage citoyen (toujours) pour l’élection
présidentielle. Mais une rupture épistémologique est intervenue le 20 mars 2016.
Le Peuple Sénégalais souverain a validé par référendum la nécessité de rationaliser les partis politiques dont l’existence est trop facilement établie par la loi sur les associations au point que leur nombre croît de manière tellement vertigineuse qu’il faut urgemment un coup de massue pour l’estomper. Les législatives de 2017 ont été la preuve tangible de cette urgence consacrée par la floraison non pas seulement de partis politiques (plus de 260 pour un électorat de 6. 500. 000 environs) mais aussi de coalitions de partis (47) au point de décrédibiliser le scrutin et d’installer la risée dans le landerneau politique.
Tirant les leçons du passé et surtout s’inspirant de celle de Napoléon III selon laquelle, «une constitution doit être faite uniquement pour la nation à laquelle on veut l’adapter», le Gouvernement du Sénégal a initié, un dispositif très salutaire et non discriminatoire, pertinent et non dé-consolidant, structurel et non conjoncturel. Loin d’être un recul démocratique, il est un outil de rationalisation et d’équilibre de la vie politique sénégalaise et répond au souhait du Professeur RIALS déjà exposé auparavant.
Ce type de parrainage dit citoyen rétablit au contraire une égalité entre potentiels candidats, entre partis politiques et candidats indépendants et instaure une forte dose de légitimité dans
la phase post-électorale – c’est très important de le signaler – en faveur des protagonistes.
C’est l’occasion d’écarter les participations fantaisistes et ubuesques qualifiées en France de «charlots exotiques» et au Sénégal de «partis télécentres». Comme l’avait signalé en France M. Patrick GROSIEUX lorsqu’il devait s’y appliquer pour la première fois que ce dispositif est une innovation de la Cinquième République. Le constituant n’avait en aucune façon entendu faire de cet «acte de présentation» un acte de soutien politique, tout au plus avait-il eu l’ambition d’instituer un mécanisme juridique de filtrage des candidatures performant afin de soustraire cette première étape au régime des partis abhorré».
L’adjectif «performant» ici utilisé est le déterminant de ce projet de réforme. Pouvoir comme opposition ont décrié le système actuel avec ses effets pervers lors des législatives. Ce parrainage va au-delà de 2019, dépasse le régime du Président Macky Sall et fait du citoyen l’acteur principal du jeu politique et non plus le parti politique. Pris au mot, cette réforme vise une double légitimité : d’une part en amont, le candidat à la présidentielle sera présenté par le citoyen ; et d’une part en aval, le candidat élu sera choisi par le citoyen aussi. Qui plus est, le ratio proposé suit la même logique avec 1% des citoyens régulièrement inscrits soit 65 000 en fonction de 2000 sur 7 régions.
Franchement, un parti politique ou un candidat indépendant, incapable d’avoir l’onction de 65000 personnes dans un Etat qui compte plus de 14 millions d’habitants et 6. 500. 000 électeurs, ne mérite pas le moindre plébiscite. Toutefois, le saut peut paraître brutal parce que passant de 10000 signatures requises aux candidats indépendants à 65000 pour tous. Proposer 0,50% ou 0,25% de l’électorat peut être pertinent et opérant, mais le taux importe moins que le dispositif lui-même. Il est on ne peut plus salutaire et si la pilule a du mal à passer chez certains, c’est parce que leur représentativité nationale n’est que théorique.
Contrairement à certaines idées véhiculées mais totalement fallacieuses, ce dispositif ne remet nullement pas en cause le mode de scrutin prévu à l’article 103 alinéa 7 et par conséquent, ne viole pas du tout la constitution.
Ici, la phase est préélectorale. Il se déroule bien avant le scrutin qui, lui, reste inchangé et est rendu intangible par le référendum passé. Quel est le sens du mot «Scrutin» ? Étymologiquement, il vient du latin scrutinium qui signifie action de fouiller. En droit, le scrutin est la manière de réaliser un vote à l’aide de boules, de bulletins ou de formulaires placés dans une urne ou dans une boîte virtuelle [vote électronique]. On distingue généralement le scrutin uninominal (un seul nom) du scrutin plurinominal (une liste de noms), ainsi que le scrutin majoritaire du scrutin proportionnel.
Donc, le mode de scrutin que le Constituant a verrouillé s’apprécie au niveau de sa nature à savoir le suffrage universel direct et de sa forme à savoir majoritaire ou proportionnel, uninominal ou plurinominal.
En l’espèce, le projet de parrainage ne remet aucunement en cause l’élection du Président de la République au scrutin majoritaire uninominal à un tour par le suffrage universel direct, donc le mode d’élection intangible depuis 2016 le restera en 2019. La confusion entre mode d’élection et mode de scrutin pour établir la violation de la constitution ne pourrait prospérer. Le mode d’élection que rend intangible l’alinéa 7 de l’article 103 porte sur le suffrage universel direct, l’élection à deux tours et le scrutin majoritaire uninominal. Outre mesure, le Sénégal ne pourrait jamais passer à l’ère du numérique pour permettre aux électeurs qui le désirent un jour de voter à travers internet sous prétexte que le mode d’élection ne l’aurait pas prévu. La clause d’éternité qu’est le mode de scrutin reste inchangée même si la notion n’a jamais été validée par le Doyen Vedel qui considérait qu’en droit, le Peuple souverain peut tout changer.
Plus topique, il faut éclairer deux zones d’ombre que certains acteurs proclament. D’abord, le dispositif est maladroitement et faussement comparé au quart bloquant du 21 juin 2011, qui aussi interviendrait pendant le scrutin et produirait son effet nocif juste après. Ensuite, le fait d’imposer dans ce projet la production de la carte d’électeur à tout candidat relève aussi de l’évidence telle une lapalissade. Comment peut-on être élu si on ne peut pas voter soi-même ?
Toutefois, aucun candidat potentiel ne doit être privé de sa carte d’électeur et de son droit de vote qui sont des libertés fondamentales largement consacrées et garanties par la Charte fondamentale.
Ce qu’il faut se garder de vue est que ce système reposant sur les électeurs s’applique déjà dans beaucoup de pays et leur démocratie est loin de vaciller. Certains citoyens européens, outre de pouvoir désigner le chef de l’Etat, peuvent présenter leurs candidats.
Ainsi, les prétendants à la présidence portugaise sont proposés par un minimum de 7.500 électeurs et un maximum de 15.000 sur une population (non électeurs) de 10 224 573 d’habitants en 2018. L’accès à la présidence polonaise nécessite de réunir au moins 100.000 citoyens jouissant du droit de vote à la Diète sur une population en 2018 de 38 639 871 d’habitants (donc le ratio sénégalais est largement correct appliqué à ce pays). Donc, les détracteurs du projet de parrainage citoyen avec comme fondement le taux élevé de 1% doivent revoir leur copie puisque toutes les démocraties qui l’appliquent ont un pourcentage qui avoisine celui proposé par l’Exécutif sénégalais au prorata du nombre d’électeurs même si le nombre peut être revu à la baisse.
Aux Etats-Unis d’Amérique, l’élection présidentielle américaine est marquée à outrance par ce système de parrainage ou plutôt de présentation. C’est un scrutin indirect permettant d’abord l’élection du collège électoral parmi des élus des Etats fédérés qui choisit, par une autre élection, le Président des États-Unis et le Vice-Président. Ce processus de filtrage exacerbé est régi par des règles inscrites dans la Constitution et politiquement ne constitue pas un frein à la marche démocratique. Outre le bipartisme entre démocrates et républicains, les candidatures indépendantes sont admises dans la course à la Maison blanche. Et pourtant, le mode de scrutin de la présidentielle américaine ne permet la présence que de deux candidats indépendants, ce qui serait qualifiée de recul démocratique ou d’antirépublicain au Sénégal.
De plus, les difficultés rencontrées par les candidats indépendants sont accrues par l’obligation de faire enregistrer leur candidature dans chacun des cinquante États, chaque État décidant des procédures électorales propres (le plus souvent, un nombre de signatures de parrainage). C’est pourquoi, la règle du «Winner-takes- all», adoptée par la majorité des États, qui attribue l’ensemble des grands électeurs d’un État au candidat qui obtient la majorité simple, empêche toute représentation de votes minoritaires.
Le projet de loi du Sénégal pose aussi un argument de taille et pas des moindres. Chaque postulant à la candidature ou son plénipotentiaire peut être présent au moment du décompte des signatures devant l’organe compétent et bénéficiera d’un droit recours en cas de contestation peut être devant une autorité autonome comme la CENA ou la juridiction suprême qu’est le Conseil constitutionnel.
En dépit de tout, le mot premier appartient au pouvoir exécutif sous la bannière du Chef de l’Etat qui détient la prérogative constitutionnelle de déposer un projet de loi. Le dernier mot revient au Parlement, dépositaire de la représentation nationale pour traduire ce vœu en réalité juridique s’appliquant erga omnes. Rappelons juste que ce projet de parrainage ne vise qu’à rationaliser la vie politique toute entière et surtout à responsabiliser davantage le peuple sénégalais en donnant plus de droit et de pouvoir au Citoyen-électeur pour une égalité parfaite entre candidats.
D’ailleurs, pour Ray BRADBURY, qu’on doit tous être pareils. Nous ne naissons pas libres et égaux comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit être l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content. Avec ce parrainage, surtout s’il est consensuel et doit normalement l’être, les citoyens seront tous contents avant, pendant et après le scrutin. Ils seront ainsi unis comme UN PEUPLE qui poursuit UN BUT avec l’élan d’UNE FOI.
Mouhamadou Mounirou SY
Maître de Conférences en droit public/ Université de THIES
Conseiller de Monsieur le Premier Ministre du Sénégal
Président de l’Alliance pour une Dynamique Nouvelle (ADN)