«La critique peut être désagréable mais elle est nécessaire. C’est comme la douleur dans le corps humain, elle indique ou cela fait mal.»
Winston CHURCHILL
A la suite de ma contribution parue dans le Walf quotidien du Mardi 19, juin courant, le sieur Oumar SECK, ci-devant attaché de direction à l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité, a cru devoir prendre sa plume pour apporter la réplique. Je comprends parfaitement qu’il le fasse en sa qualité d’ami et de très proche collaborateur et non moins séide du directeur général. Et c’est tout à fait normal, acceptable et concevable dans le cadre d’un débat public qui porte sur la sécurité et particulièrement sur la finalité d’une structure qui a été mise en place pour améliorer l’offre de service sécuritaire.
Et, en ma qualité d’intellectuel, comme il n’a de cesse de me rappeler, je suis très poreux aux débats contradictoires. Ne dit-on pas que de la contradiction jaillit la lumière qui éclaire les mystères et oriente les esprits ? Seulement aux vraies questions qui ont été posées, il a été servi de fausses réponses à caractère crypto-personnel avec l’intention manifeste d’entamer ma crédibilité et mon honorabilité.
L’agence d’assistance à la sécurité de proximité est une structure d’utilité publique qui fonctionne avec les deniers du trésor public, c’est-à-dire avec l’argent des contribuables qui ont droit de regard sur ce qui s’y passe et en avoir une appréciation. Monsieur l’attaché de direction, contrairement à vos allégations je n’ai procédé à aucun déballage ; je n’ai fait qu’évoquer, je dis évoquer des faits irréfutables qui ont constitué autant de facteurs dirimants à l’origine de certains dysfonctionnements et que j’ai en toute responsabilité cru devoir porter à la connaissance de l’opinion, des citoyens dont c’est la chose. Je reviendrai plus loin pour vous prouver que je me suis refusé à un sordide déballage pour nuire intentionnellement à l’agence dont j’ai grandement participé à la création. Et ça, personne ne peut, ne saura ni ne pourra le nier. Les documents officiels sont disponibles au ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique. Sur un autre plan, il suffit de lire tous mes écrits sur l’agence pour se rendre compte que j’ai de tout temps soutenu que c’est une bonne idée, une bonne initiative qui malheureusement a pris une autre orientation que celle prévue avec des allures d’un détournement d’objectifs.
Monsieur l’attaché de direction, je ne suis point revanchard encore moins cynique au point de souhaiter la disparition de l’agence qui emploie des milliers de jeunes sénégalais dont les six ans de pécules cumulés représentent moins que le salaire mensuel d’un directeur général d’une agence de niveau 1. Vous cherchez délibérément à me mettre en mal avec les assistants de proximité en m’attribuant des appréciations que je n’ai jamais formulées à leur endroit. En vous démentant de la manière la plus vigoureuse, je n’ai jamais dit que les agents de sécurité de proximité sont payés à ne rien faire. Par contre, je dis et le répète ils sont payés à faire des taches auxquelles ils ne sont pas destinés et à accomplir des missions qui ne sont pas les leurs parce que non prévues par le statut qui les régit. Il y a là une grande nuance qui se trouve dans la finalité fonctionnelle. Tout comme je n’ai jamais dit qu’ils sont tous des illettrés. J’ai affirmé, et je persiste et signe, qu’il y a une forte proportion d’illettrés qui ne savent ni lire ni écrire à l’image de cette fameuse dame qui a été utilisée pour espionner le personnel ; et vous savez pertinemment de qui je parle. Comment puis-je traiter d’illettrés des titulaires de bacs, de licences et de maitrises ? Avez-vous déjà oublié les nombreuses sessions de renforcements de capacité que j’ai organisées à leur intention ?
Monsieur l’attaché de direction, vous vous êtes évertué à me mettre en mal avec mes anciens collègues en affirmant que j’aurais déclaré que l’agence de sécurité manque de, ressources humaines de qualité. Est-ce vraiment ce que je pense de ce directeur dont j’apprécie la valeur et la compétence, et avec qui j’avais des échanges de qualité et de haut niveau ? Vous avez fait état de mon mea culpa devant le directeur général et en présence des cadres de l’agence. Vous avez parfaitement raison sauf que vous n’avez pas tout dit. Pour vous rafraichir la mémoire j’ai été convoqué pour me voir reprocher d’avoir dénoncé le fonctionnement de l’agence et le management du directeur général avec des documents à l’appui. A l’interpellation du dg j’ai répondu comme suit : je reconnais être l’auteur des propos contenus dans les documents dénonçant le fonctionnement de l’agence ainsi que votre management et j’en assume l’entière et totale responsabilité ; et puisque vous estimez avoir été offensé par ces griefs permettez-moi de vous présenter toutes mes excuses ; et je réaffirme que j’assume toute ma responsabilité.
Monsieur l’attaché de direction, telles sont la vérité et la réalité des faits. Au cours de cette réunion ou vous avez été un des rares à prendre la parole, vous avez le plus véhément, le plus virulent et le plus violent à mon endroit demandant même au Dg de me traduire en justice. J’attends toujours… Ce jour j’ai été très surpris que vous m’accusiez d’avoir été très sévère à l’endroit du Président Abdou DIOUF dans une lettre ouverte dont il était destinataire. C’est plus tard que j’ai compris l’objet de cette digression.
Monsieur l’attaché de direction, vous vous targuez d’être des pénalistes, certes pas de la dimension ni de la compétence de ces brillants professeurs d’université reconnus par leurs pairs à l’image du Professeur Ndiack FALL, dussé-je heurter sa modestie, vous devez donc pouvoir qualifier le fait pour une personne de détenir des documents dont elle n’est pas destinataire par suite d’un vol, d’une subtilisation ou d’une soustraction frauduleuse.
Monsieur l’attaché de direction, de manière docte vous me reprochez d’avoir manqué de rigueur intellectuelle dans l’affaire du jeune asp accusé d’avoir violenté une handicapée. Peut-être seriez-vous le seul ou les seuls à n’avoir pas vu l’asp s’acharner sur la victime. Conseillé par votre ami avocat vous me renvoyez à l’article 315 du code pénal. Je vous mets au fait que je me suis volontairement et consciemment écarté du cadre restreint, restrictif et d’interprétation stricte du droit pénal pour investir le champ plus large, plus vaste et plus universel des droits humains. Et dans cette optique, ce qui a pu se passer avant l’intervention ne peut en aucun cas justifier le comportement de l’agent. Je n’exclue pas qu’il puisse exciper de l’excuse de provocation dont le juge peut tenir compte ; toujours est-il que «Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»
Monsieur l’attaché de direction, mes contributions ne sont point destinées à tromper des simples d’esprit. Je ne fais pas de l’esprit mais il est bon que vous sachiez faire le départ entre un esprit simple et un simple d’esprit. Toujours est-il que mes écrits s’adressent à un très large spectre de lecteurs dont des universitaires, des cadres supérieurs, des officiers supérieurs, des Sénégalais d’ici et de la diaspora au fait des enjeux de l’heure, peut-être même plus que je ne le suis. Comment osez-vous insulter l’intelligence de tout ce beau monde en affirmant je cherche à les manipuler. Vous faites preuve d’une irrévérence notoire en considérant les lecteurs comme des idiots et des cancres à la limite des cintrés qui se laisseraient naïvement embobeliner par le discours spécieux d’un usurpateur, d’un faux expert, d’un ignare que vous souhaiteriez que je fusse. C’est grotesque ; seulement quand on est à court d’arguments on verse dans le ridicule.
Monsieur le l’attaché de direction, poursuivant votre logique aux fins de délégitimer ma parole et de me trouver des contempteurs impavides, vous avez cherché à me mettre en mal avec les membres de ma corporation. Sachez que l’appartenance corporatiste ne me soustraira jamais de l’obligation de dire la vérité. Je le dis et répète jusqu’au moment où j’écris ces lignes, il y a de la condescendance de la part de certains policiers et gendarmes à l’égard des assistants de sécurité. Combien de fois le Colonel Balla BEYE et moi-même sommes–nous intervenus pour rappeler à l’ordre certains de nos frères d’armes. Et, pour l’avoir dit, vous avez eu la prétention de me renvoyer aux règles de loyauté, de courtoisie et de devoir de réserve. Pour moi, la loyauté se manifeste à l’endroit d’une institution et non à des pratiques négatives. Il faut vous mettre aux exigences de l’heure et comprendre que le monde est en friture permanente ; votre conception de la pratique sécuritaire est ringarde. Aujourd’hui la délibération démocratique ainsi que l’évolution des consciences citoyennes ont fait déplacer les lignes pour permettre la démocratisation de la réflexion et la libération de la parole. Sans prétention aucune j’affirme être un des rares cadres supérieurs à prendre la défense des forces de police et gendarmerie chaque fois qu’elles font l’objet d’attaques ou de dénigrements. Les archives sont là à suffisance pour le prouver.
Monsieur l’attaché de direction, je ne suis pas un bonimenteur encore moins un mystificateur qui ne peut se prévaloir que de diplômes et de titres. Comme je n’ai eu de cesse de le seriner devant le dg et son secrétaire général, et ne vous en déplaise, je suis un commissaire de police valable, capable et compétent qui a fait ses preuves avec des états de service élogieux aux niveaux national et international. Le meilleur jugement est celui des pairs. J’ai grandement contribué à la création de la police municipale (première expérience de police de proximité) ; au corps des volontaires de la ville de Dakar et à l’agence d’assistance à la sécurité de proximité en tant que membre du groupe restreint de quatre personnes (2 administrateurs civils et 2 commissaires de police). Et pour préparer le séminaire de TERROU-BI et finaliser les textes sur l’Agence nous avions bénéficié d’un séjour complet de 48 heures à l’hôtel « Le VIRAGE » avec une prise en charge totale par le Ministère de l’Intérieur. C’est nous qui avions établi les termes de référence du consultant en l’occurrence l’actuel Dg de l’Agence. J’ai également eu le privilège de faire partie des quatre personnes désignées pour présenter une communication. J’ai participé à toutes ces expériences tant au niveau de la conception qu’au niveau pratique en exerçant des fonctions de commandement. Monsieur l’attaché de direction, je suis un homme de terrain et un véritable professionnel, c’est-à-dire un praticien capable simultanément d'agir et de cogiter sur sa praxis. C’est que l’on appelle la pratique distancée.
Monsieur l’attaché de direction, si j’avais voulu faire dans le déballage j’aurais pu divulguer des choses sur :
- L’arrêt imprévu des travaux de recrutement motivé par une convocation d’urgence à Dakar du Dg. J’ai été mis dans la confidence et je ne saurais en dire plus.
- Les raisons pour lesquelles les dossiers ont été retirés à la DAF.
- La liste des protégés.
- Les escapades extraconjugales lors d’activités officielles
- Les libéralités discrètement remises par certaines «personnes reconnaissantes»
- La réunion tripartite entre le Président, le Ministre et le DG.
- Les bizarreries de la Commission de réception.
Comme vous le voyez la liste n’est pas exhaustive et je n’ai fait qu’évoquer, je dis bien évoquer. Mon objectif n’est pas de nuire à l’institution mais plutôt de susciter le débat sur la nouvelle orientation que pourrait prendre l’Agence pour participer efficacement, en appui aux forces de sécurité régaliennes, à une meilleure prise en compte des besoins sécuritaires des populations.
Monsieur l’attaché de direction, sans vouloir polémiquer pour vous reprendre, permettez-moi de vous faire observer que vous avez involontairement ou à dessein tronqué la vérité. Concernant le déploiement, je n’ai jamais eu en charge cette opération qui, dans toutes les structures bien organisées relève des ressources humaines. Pour vous rafraichir la mémoire, le déploiement a été initialement confié à la DAF qui avait entamé un excellent travail en commençant par la région de Fatick (archive numérique disponible). C’est après que pour des raisons que je me garde de dire ; le dossier a été retiré pour être confié à un cadre de l’Agence chargé seul de déployer plus de neuf mille agents. Ce n’est que plus tard que diverses formules ont été mises en œuvre.
Monsieur l’attaché de direction, concernant la direction des opérations, vous prenant personnellement à témoin, je m’étais toujours plaint de l’effectif insuffisant constitué uniquement des protégés des deux plus hautes autorités de l’Etat mais surtout de leur profil qui les rendait inopérants. Je ne m’attarderai pas sur les circonstances rocambolesques de leur recrutement. Vous avez présenté un bilan après cinq années d’exercices en faisant état de la satisfaction des populations. Permettez-moi d’en douter, à moins de disposer des résultats d’une enquête de satisfaction qui dissiperaient mes doutes. Quant aux services utilisateurs, l’Asp a effectivement régler leurs problèmes de personnels, mais dans quel sens ? Et c’est normal que les chefs religieux apprécient la couverture de leurs cérémonies. J’étais encore à l’agence quand le livre a été publié ; vous semblez l’oublier. Quand le nombre de pages est fixé à l’avance et détermine le contenu d’un livre on est obligé de faire du remplissage. Il y a mes propres écrits dans le livre. A tout prendre, quand bien même vous auriez fait un assez bon travail, n’est-ce pas légitime et normal de la part des citoyens d’exiger que vous fassiez plus et mieux ? Vous devez tirer des enseignements de vos moult erreurs. Ne dit-on que le progrès est un processus d’erreurs compensées ?
Monsieur l’attaché de direction, vous m’avez traité de «gauchiste radical» ; franchement, interpellant par la même occasion les Sénégalais, j’aimerais être édifié sur le rapport entre ce qualificatif d’ordre politique et la sécurité de proximité ? J’aurais pu vous traiter de réactionnaire fasciste, mais à quoi bon au moment où l’on parle de la mort des idéologies. Sachez que tout individu dès sa naissance, de par son statut d’être humain et de citoyen, est en immersion politique parce que tout simplement vivant dans la Cité dont le mode de gestion influe positivement ou négativement sur son existence. Certains assument, s’assument et réagissent, d’autres subissent et observent. Qui plus, vous ne semblez pas pouvoir faire la différence entre immersion politique comme vous l’entendez et engagement patriotique et citoyen. En réalité, vous avez jeté le masque en mettant à nu les véritables motivations politiques qui expliquent vos propos. Pour la gouverne des lecteurs, je me dois de les mettre au fait que vous êtes un inconditionnel du Président Macky Sall dont vous êtes le mentor. Selon vos dires, c’est vous qui l’aviez initié à la politique en l’introduisant auprès de certaines familles fatickoises. Qui plus est, le président de la République est votre condisciple à l’école primaire avec comme maitre feu Ndiaye «tergal», un excellent enseignant dont je m’incline sur la mémoire. J’ai compris que supportez difficilement mes critiques sur votre ami que je nomme «l’homme aux promesses mutilées et aux engagements évaporés». Je peux concevoir que vous le défendiez pour lui être redevable de votre embauche à l’agence ; mais reconnaissez-moi le droit d’exprimer mes opinions. Je vais m’inscrire volontairement dans une logique antinomique en vous reconnaissant le droit à l’amnésie tout en vous exigeant le devoir à la reconnaissance. Je comprends parfaitement la solidarité entre amis d’enfance de Fatick que vous êtes (Macky, le DG et VOUS) mais ne perdez pas de vue l’intérêt du pays.
Monsieur l’attaché de direction, vous avez terminé votre diatribe par des menaces à peine voilées ; Vous avez dit que d’autres vont me répondre (ce qui suppose une attaque concertée), et que vous détenez des documents soigneusement rangés. Je sais que vous avez une formation de bibliothécaire-archiviste. Alors, avec mon autorisation expresse je vous demande, je vous prie et vous conjure, de grâce publiez tout ce que savez sur moi, tout ce que vous pouvez et tout ce que vous soupçonnez. Je n’ai qu’une seule exigence, publiez TOUT. Quant à moi, je ne suis ni bibliothécaire ni archiviste mais comme principe de travail et rigueur déontologique on nous a appris à ne rien affirmer gratuitement. J’ai passé toute ma vie professionnelle à faire des investigations, à chercher, rechercher, collecter et réunir des éléments probants de toute nature (écrits, sonores, illustrés, filmés etc…) et ce, non seulement pour confondre les hors-la-loi mais aussi pour parer à toute éventualité.
Monsieur l’attaché de direction, vous m’avez donné rendez-vous en me disant «A bientôt», je vous réponds à très bientôt Inch Allah !
Boubacar SADIO
Commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite,
Ancien directeur général adjoint de la Police Nationale,
Ancien directeur des opérations de l’ASP.