Le Comité national pour le salut du peuple, mis en place par les militaires pour diriger le pays, "informe l'opinion publique nationale et internationale que l'ex-président Ibrahim Boubacar Keïta a été libéré et se trouve actuellement à sa résidence", a annoncé le CNSP sur Facebook.
La libération annoncée du chef d'État déchu s'apparente à une manifestation de bonne volonté à l'adresse des voisins ouest-africains, dont les dirigeants doivent se réunir en sommet, vendredi, pour décider, après de premières sanctions, d'augmenter ou non la pression sur la junte.
La réalité et les conditions de cette libération annoncée n'ont pu être confirmées d'autre source. Un membre de sa famille a toutefois indiqué sous couvert de l'anonymat qu'Ibrahim Boubacar Keïta était rentré dans la nuit dans sa résidence à Sebenikoro, quartier de la capitale Bamako.
Âgé de 75 ans, l'ancien chef de l'État avait été arrêté avec plusieurs autres responsables le 18 août lors du putsch mené par des officiers maliens, après des mois de tourmente politique.
Le président déchu, communément désigné des Maliens par ses initiales IBK, était devenu aux yeux de nombre d'entre eux le principal responsable de la grave crise sécuritaire, politique et économique dans laquelle s'enfonce leur pays depuis des années. Il avait annoncé le soir même sa démission sur la télévision nationale, disant de ne pas avoir d'autre choix pour éviter une effusion de sang.
La France, engagée militairement dans la région avec les plus de 5 000 hommes de sa force Barkhane, a appelé, jeudi, la junte à maintenir son engagement contre les djihadistes, "sauf à voir perdus tous les efforts réalisés depuis le sommet de Pau" en janvier, selon son chef d'état-major, le général François Lecointre.
Silence total
IBK avait d'abord été conduit au camp de Kati, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, où les nouveaux maîtres de Bamako ont établi leur quartier général. Il a ensuite été retenu en un lieu non divulgué officiellement. Sa voix n'a plus été entendue.
La junte avait indiqué à une mission de la Communauté des États ouest-africains (Cédéao) accepter de le libérer, comme le réclamait l'organisation, et même de le laisser quitter le pays si nécessaire pour des soins médicaux.
La mission de la Cédéao qui a pu voir le président renversé, samedi 22 août, a dit l'avoir trouvé en santé satisfaisante.
La Cédéao réétudie des sanctions
Le rétablissement dans ses fonctions de l'ex-chef d'État, jusqu'alors soutenu par la communauté internationale dans le combat contre le djihadisme et les multiples défis auxquels est confronté ce pays vaste et pauvre, comptait initialement au nombre des exigences de la Cédéao.
Mais les envoyés de l'organisation ouest-africaine et les militaires avaient rapporté qu'il leur avait dit avoir démissionné de son plein gré et ne plus vouloir exercer le pouvoir. La réalité de ce renoncement n'a pas été corroborée par l'intéressé ni ses proches.
Outre un rétablissement d'Ibrahim Boubacar Keïta qui ne paraît donc plus d'actualité, la Cédéao, basée à Abuja, la capitale nigériane, réclame un retour immédiat à l'ordre constitutionnel.
Après le coup d'État, elle a imposé la fermeture des frontières de ses États membres avec le Mali et décidé l'arrêt des flux financiers et commerciaux.
Les sanctions de la Cédéao, que les dirigeants de l'organisation doivent réexaminer vendredi 28 août, inquiètent la junte, tant le pays, en plus de la propagation djihadiste et des violences intercommunautaires, est en proie au marasme économique et social.
Les colonels ont promis de restituer le pouvoir aux civils dans un délai non précisé.
Période de transition de "12 mois au maximum"
La délégation les a prévenus que la Cédéao n'accepterait pas une transition militaire de deux ou trois ans, mais plutôt "de six à neuf mois, et au maximum de 12 mois", qui ne soit pas dirigée par un militaire en exercice, a indiqué mercredi 26 août au soir l'ex-président nigérian Goodluck Jonathan, à la tête de l'organisation.
IBK, élu en 2013 avec l'image d'un sauveur de la nation après les rébellions indépendantiste puis djihadiste dans le Nord, qui a déclenché une intervention militaire française. Il a été réélu en 2018. Depuis 2012, les violences se sont propagées au centre du territoire et aux pays voisins, et le Mali a continué à sombrer.
Avec AFP