Le Président trahira forcément ! Il trahira son camp et ses partisans qui comptent sur lui pour qu’il se sacrifie sur l'autel de leurs intérêts et de privilèges dont ils se gavent depuis plus d'une décennie. Sinon, il trahira ses principes religieux, moraux, républicains supposés, qui lui avaient donné l'assurance sincère de ne jamais être pris au piège des flagorneries partisanes au point de se dédire sur la question des mandats.
Depuis quelques semaines, tous ses proches se sont donnés le mot pour appuyer leur communication sur les arguments allant dans le sens de le pousser vers l'abime de la trahison de son engagement pris urbi et orbi, de lui forcer la main, voire de lui tordre le bras ou même de le noyer dans l’eau boueuse du bannissement de la grande Histoire.
Ils s'en foutent de savoir s'il y aura la violence et la déstabilisation attachées aux choix de tenter le diable du troisième mandat partout en Afrique, si le Sénégal tombera dans l'ère des coups d'Etat ou de révoltes dans un contexte plus inflammable que jamais avec l'inflation, le chômage et le désespoir des jeunes, le grand banditisme armé, etc. Chacun veut aller encore plus loin que l'autre dans la pression pour la trahison alors que lui réserve encore sa réponse. Il n'y a pas de doute !
Toutes ces personnes sont saisies par le doute du lendemain de la perte du pouvoir, du manque par rapport à l'argent facile, aux voitures rutilantes, aux postes juteux et glorieux. Chacun veut être celui qui lui donne le courage de sa honte prochaine que l'histoire retiendra jusqu'à ses petits-enfants. Chacun veut l'aider à s'inscrire dans les livres d'histoire et dans les récits du futur comme celui qui se sera dédit, qui aura commis la plus grande trahison de son serment de l'histoire des Présidents Sénégalais.
S’il ne trahit pas ses faux partisans, il trahira les sénégalais en général à qui il a promis avec la solennité de la parole qui s'envole pour pénétrer partout, (voir les VAR) et l'écriture qui reste pour l'éternité, que lui, sera le Président qui en finira avec la question des mandats et qui le verrouillera de manière définitive quel que soit les circonstances. Il sera le Président qui après avoir créé et financé la Commission Nationale de Réforme des Institutions pour une réflexion approfondie et inclusive avec de larges catégories d’acteurs de la Nation pour qu’on en finisse avec ces problèmes de nombre de mandat, a trahi sa décision. Il trahira l’esprit et la lettre du référendum de 2016 sur la Constitution après avoir parcouru le pays en long et en large pour faire voter les sénégalais.
Il trahira la parole donnée avec force et engagement devant Dieu et devant les hommes. La parole donnée aux citoyens qui l'ont cru et soutenu, aux chefs religieux et coutumiers à qui il a fait croire à sa foi et à la sincérité de son engagement entier pour la préservation de l'héritage, à ses alliés qui ont partagé avec lui les combats épiques et mortels contre l'idée même du troisième mandat. Il trahira le leadership du Sénégal dans le concert des démocraties du continent, il trahira son leadership personnel comme Président exemplaire de l'Union Africaine sur les questions de démocratie, il trahira sa moralité républicaine, il salira son nom, ses valeurs de halpular qui ont fait la fierté et l’honneur de toute son ascendance, il rompra le serment des « gorr », ces hommes dignes qui sont capables de mourir pour leur parole.
Et quand le Président trahit, c’est le pays qui trahit son image, qui se trahit moralement, le pays tout entier qui trahit son histoire. Personne ne reconnaîtra plus une autorité, puisque l’autorité suprême a trahi. Personne ne pourra plus dire à ses enfants que la trahison est criminelle et qu’un croyant ne trahit pas. Il trahira Alboury Ndiaye, Lat Dior, Maba Diakhou, Bour Sine et tous les rois qui ont résisté à la colonisation, à ses violences extrêmes et multiformes et qui ont donné leurs vies pour que nous vivions dans un pays libre et pacifique, inspiré par l’éthique de refus. Il trahira Galandou Diouf, Blaise Diagne, Lamine Guèye, Senghor, Mamadou Dia et toute la génération qui a construit l’Etat du Sénégal. Il trahira Cheikh Oumar al Foutiyou, Cheikhoul Khadim, El Hadj Malick Sy, Seydina Limamou, Mame Abdallahi Niasse, et toutes les grandes figures religieuses du Sénégal ainsi que leurs descendances qui ont rendu aux sénégalais leur dignité et construit à travers des sacrifices incroyables une nation sénégalaise plurielle et unique. Il trahira ! Il trahira