Karim Wade crucifie Badio Camara, le président de la Cour suprême

POLITIQUE
Mercredi 29 Aout 2018

Mes avocats m’ont informé que M. Badio CAMARA, Premier Président de la Cour suprême, nommé par Macky SALL, a fixé au 30 août prochain l’audience et la composition de la chambre administrative qui devra juger mon pourvoi en cassation contre l’ordonnance du 23 juillet 2018 de Mme Aïssatou Diallo BA, Présidente du Tribunal d’Instance Hors Classe de Dakar. Ce tribunal s’est déclaré incompétent pour examiner le rejet arbitraire, sans fondement juridique, de mon inscription sur les listes électorales par les services du ministre de l’Intérieur M. Aly Ngouille NDIAYE.

À la veille de cette audience, je tiens à bien faire comprendre que M. Badio CAMARA est au cœur du dispositif mis en place par Macky SALL pour instrumentaliser la justice contre ses opposants politiques. Il est l’un des principaux exécutants du complot politico-judiciaire dont je suis victime depuis 6 ans. En sa qualité de Premier Président de la Cour suprême, il porte une responsabilité personnelle, directe et écrasante dans les violations de mes droits fondamentaux, constatées par la Cour de Justice de la CEDEAO, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, ainsi que toutes les juridictions internationales qui se sont prononcées sur ma situation.

Installé par Macky SALL à la tête d’un petit clan de magistrats aux ordres qui ont transformé la justice en annexe du pouvoir exécutif, M. Badio CAMARA a été maintenu à son poste alors qu’il devait partir à la retraite le 9 avril 2017, dans le seul but d’aider Macky SALL à se débarrasser des candidats qui font obstacle à sa tentative d’être réélu à la tête du Sénégal.
Depuis 2012, d’abord comme Président de la chambre pénale de la Cour Suprême, puis comme Procureur général près de la Cour suprême, enfin comme Premier Président de la Cour suprême, M. Badio CAMARA a :

1. planifié et organisé le 23 mai 2014 le rabat scandaleux de l’arrêt historique de la chambre criminelle de la Cour suprême du 6 février 2014, qui consacrait mon droit d’introduire des recours ou de faire appel contre les décisions de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) ;

2. organisé le rejet systématique des douze recours que j’ai présentés devant la Cour suprême ;

3. organisé le 20 août 2015 le rejet de mon pourvoi en cassation contre l’arrêt du 23 mars 2015 de la CREI, sans avoir répondu aux arguments de mes avocats ;

4. refusé d’appliquer l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO du 22 février 2013, qui interdisait à la CREI de statuer sur ma situation, et qui constatait que l’interdiction de sortie du territoire décrétée par le Procureur spécial de la CREI était gravement illégale et que la présomption de mon innocence avait été bafouée ;

5. prolongé ma détention arbitraire en refusant d’appliquer l’avis du 20 avril 2015 du Groupe de Travail des Nations Unies qui a condamné le caractère arbitraire de ma détention et qui a déclaré injuste et inéquitable mon procès devant la CREI ;

6. violé les règles sur l’impartialité et la neutralité des magistrats pour avoir participé, en présence de juges de la CREI, à une réunion présidée par Macky SALL au cours de laquelle ma condamnation et la durée de mon emprisonnement ont été décidées ;

7. bloqué le jugement de nombre de mes recours contre les décisions de la CREI, dont certains sont toujours en attente devant la Cour Suprême depuis plus de 5 ans ;

8. fait siéger le juge Mamadou BAAL à la séance de la chambre criminelle qui a examiné mon recours contre l’arrêt de la CREI, alors que ce juge avait violé mes droits par des déclarations publiques lorsqu’il était directeur de cabinet du Ministre de la justice. Ce juge a aussi participé à la dissimulation du rapport de la Banque Mondiale et de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, qui n’a jamais été versé au dossier de l’instruction et dont l’existence et les conclusions qui m’innocentaient viennent d’être révélées par la presse ;

9. participé récemment à plusieurs réunions nocturnes au Palais de la République, tenues par Macky SALL en présence d’un membre du Conseil constitutionnel, du Ministre de la Justice et du Ministre de l’Intérieur pour mettre à exécution le rejet arbitraire de mon inscription sur les listes électorales, et aussi organisé le rejet des recours que je pourrai introduire dont celui sur lequel la Cour suprême statuera le 30 août ;

10. Mis sur une voie de garage tous les magistrats neutres, impartiaux et indépendants de la Cour suprême, notamment ceux qui avaient rendu des décisions qui m’étaient favorables à la chambre criminelle et à la chambre administrative.

Par ses manœuvres frauduleuses, indignes, M. Badio CAMARA m’a privé du bénéfice des traités internationaux de protection des droits de l’homme et des droits fondamentaux, pourtant garantis par la Constitution de notre pays.

Faut-il également rappeler que M. Badio CAMARA a piloté dans l’ombre pour le compte de son mentor Macky SALL tout le procès de la CREI ? Incontestablement, le Président de la Cour Suprême a fait la preuve qu’il n’est ni impartial, ni indépendant. Il n’est pas qualifié pour organiser le procès juste et équitable qui serait exigé dans tout État de droit.

Pour toutes ces raisons, je ne peux avoir confiance en M. Badio CAMARA, que le sens de l’honneur, de la dignité et de la loyauté s’imposant à un magistrat aurait dû pousser à se disqualifier lui-même, sans attendre que je le fasse à sa place.

La complicité de M. Badio CAMARA avec Macky SALL est manifeste, alors que la Cour suprême a simplement à statuer sur une question de compétence, qui devrait normalement entraîner le renvoi devant un autre président de tribunal d’instance du Sénégal.

Notre justice regorge de magistrats indépendants et honnêtes, professionnels et compétents, ayant la ferme volonté de rendre des décisions impartiales et justes, acceptées par tous et contribuant au respect de l’État de droit et de la démocratie.

Tous ces magistrats incorruptibles sont volontairement écartés par Macky SALL au profit d’autres manipulables. Le moment est venu pour ces magistrats soumis aux ordres de Macky SALL d’être remplacés pour que notre pays retrouve une justice digne de ce nom. Les organisations des droits de l’homme et les ONG de lutte contre la corruption doivent alerter l’opinion publique et demander une enquête internationale indépendante sur l’origine de la fortune démesurée de cette poignée de juges aux ordres qui est sans commune mesure avec celle de la majorité de leurs collègues magistrats.

Pour ma part, je n’accepte pas qu’un seul de mes droits soit violé et piétiné par Macky SALL et son clan de juges aux ordres. Je mènerai vigoureusement, inlassablement, un combat politique pour recouvrer tous mes droits de citoyen sénégalais, pour que la justice et l’État de droit redeviennent la fierté de tous les Sénégalais et qu’il soit mis fin au règne de l’injustice. Il n’y a rien à attendre de cette Cour Suprême actuelle présidée par M. Badio CAMARA qui est devenue une annexe du palais présidentiel, et qui, en aucune manière, ne décidera de mon sort.

Ne pouvant obtenir justice dans mon propre pays, je saisirai toutes les juridictions internationales pour faire respecter mes droits fondamentaux et pour que soient imposées à Macky SALL et à son clan mon inscription sur les listes électorales et mon éligibilité afin qu’ils soient balayés du pouvoir au soir du 24 février 2019.

Le 27 août 2018

Karim WADE