Le Premier ministre a rencontré, hier au Petit palais, les organisations de la Société civile dans le cadre des séances d’explications du gouvernement dans l’affaire du rapport de la Cour des comptes. «Le rapport de la Cour des comptes sur la base d’une analyse détaillée a mis en relief beaucoup de points positifs, comme il a relevé des dysfonctionnements et insuffisances dans des cas bien précis en pointant notamment le non-respect de certaines règles afférentes aux procédures de la dépense publique», souligne Amadou Ba.
Aujourd’hui, il s’agit de voir comment faire respecter les recommandations de la Cour, qui a demandé l’ouverture d’une information judiciaire concernant les auteurs d’éventuelles fautes de gestion. «Sur les 1000 milliards F Cfa du fonds, les manquements relatés par la Cour et pour lesquels une suite judiciaire est recommandée portent sur 6, 6milliards F Cfa, soit environ 0,7% du montant total décaissé. Ce montant, apparemment modeste en valeur relative, est extrêmement important puisqu’il s’agit de la gestion de ressources publiques et de surcroît en temps de crise sanitaire», explique Amadou Ba. C’est le même discours qu’avait servi le ministre des Finances et du budget. A ses yeux, cela ne veut pas dire que ces montants sont insignifiants. Il juge ces agissements immoraux s’ils se confirment. «De telles pratiques, si elles sont avérées, heurtent l’éthique et n’honorent pas notre Administration», précise Amadou Ba.
Au-delà de ces questions, le Premier ministre est revenu sur le reste des recommandations du rapport de la Cour des comptes sur la gestion controversée des fonds décaissés dans la lutte contre le Covid-19. «Les analyses de la Cour des comptes sont assorties de 85 recommandations d’ordres stratégique et opérationnel. 18 recommandations visent l’amélioration du dispositif de pilotage et de contrôle. Elles vont toutes dans le sens de mieux encadrer certains régimes dérogatoires en matière de marché public, de mettre en place, dans le cadre de la gestion des crises, des cadres d’orientation, de suivi et de contrôle plus opérationnels», note-t-il. Analysant le rapport, le chef du gouvernement ajoute : «55 sur l’ensemble des recommandations visent à l’amélioration du cadre de mobilisation des ressources, ainsi que les modalités d’exécution des dépenses. Ces recommandations portent sur le respect des engagements dans le cadre des conventions de financement sur les ressources extérieures, mais également sur les besoins d’amélioration du système de la Commande publique en matière de preuve et de maniement d’argent.» Il enchaîne : «Pour les plus importants, on peut relever la justification des pièces de dépenses liées aux caisses d’avance dans les délais prescrits par la réglementation, la nécessité de faire jouer la concurrence dans les procédures de marché afin de réduire notamment les risques de surfacturation, l’exigence d’enregistrement de contrat des marchés avant leur exécution, la proscription de maniement de ressources publiques par des personnes non habilitées.»
«Attachement à la transparence dans la gestion des deniers publics»
Pour Amadou Ba, la Société civile doit lui faire part de ses «contributions à promouvoir et ou à consolider en vue de l’amélioration du système de gouvernance de l’Administration sénégalaise pour que les écarts constatés ne puissent jamais être commis à l’avenir». Dans son discours, Amadou Ba a invité à la tenue d’un débat «dans le respect de l’esprit de l’audit, de la rigueur dans l’appréciation objective, des constats, ainsi que de sa finalité comme l’a souhaité le président de la République en autorisant la mission d’audit et la publication du rapport». «Cette approche du chef de l’Etat dénote de son attachement à la transparence dans la gestion des deniers publics», rappelle Amadou Ba.
Jeudi dernier, le Premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, a saisi la Chancellerie afin d’enclencher des poursuites contre toutes les personnes épinglées dans le rapport pour des faits constitutifs de crimes ou délits. Les 9 ministères mis en cause sont ceux de la Santé et de l’action sociale, de la Microfinance et de l’économie solidaire, du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale, du Commerce et des petites et moyennes entreprises, de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants, de la Culture et de la communication, ainsi que du Développement industriel et des petites et moyennes industries. Pour la plupart de ces départements ministériels, ce sont les Dage qui sont mis en cause pour des montants divers.
D’autres recommandations à caractère non pénal, qui portent sur des fautes de gestion, vont aboutir à envoyer leurs auteurs devant la Chambre de discipline financière de la Cour des comptes. Une pratique courante dans l’Administration, et qui concerne des centaines de fonctionnaires chaque année.
Le chef de l’Etat a d’ailleurs rappelé, en réunion du Conseil des ministres à Tambacounda et dans son discours du Nouvel An, ses instructions, pour que les ministres mettent rapidement en œuvre toutes les recommandations de la Cour des comptes, telles que formulées dans ledit rapport, et veiller à ce que tous les mis en cause s’expliquent devant les juridictions compétentes.
Dans ces 85 recommandations, il y a celles qui préconisent la poursuite en justice d’auteurs présumés de faits assimilables à des détournements de deniers publics ou des surfacturations. Depuis la publication du rapport, le gouvernement a enclenché «l’opération déminage» en multipliant les initiatives. Avant la rencontre du Pm avec la Société civile, il y a eu le point de presse des ministres du Commerce et des Finances, qui avaient même soutenu que les montants estimés comme devant faire l’objet de poursuites judiciaires, concernaient exactement 6 milliards 686 millions 784 mille 410 francs Cfa, «soit 0,7% du montant total du Pres décaissé».
Quotidien