Après six ans d'une enquête hantée par les soupçons de complot, le procès de MichelPlatini et de l'ex-président de la Fifa Sepp Blatter s'est ouvert mercredi en Suisse, dans l'affaire de paiement suspect qui a brisé leur carrière en 2015.
En silence, le Français de 66 ans et le Suisse de 86 ans ont assisté à la bataille de procédure qui a lancé l'audience devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone (sud-est), pour "escroquerie", "gestion déloyale", "abus de confiance" et "faux dans les titres".
"Je suis très confiant", a seulement assuré à quelques journalistes Sepp Blatter, avant de s'engouffrer dans la juridiction tessinoise jusqu'au 22 juin, pour une décision attendue le 8 juillet.
Il n'a repris la parole qu'en fin d'audience pour signaler sa fatigue, alors que sa santé précaire, après une opération du coeur puis une longue hospitalisation début 2021, vaut au procès de se tenir uniquement en matinée.
Sans s'expliquer pour l'heure sur le fond du dossier, les accusés ont vu la défense de Platini tenter d'en élargir le cadre, pour y inclure une procédure distincte visant depuis 2020 l'actuel président de la Fifa Gianni Infantino.
Doit-on débattre uniquement de la facture de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) présentée par le Français en 2011 et validée par Blatter, comme le soutient le parquet ? Ou d'une conspiration visant à écarter le triple Ballon d'Or de la course à la présidence de la Fifa, qui lui semblait promise lorsque l'affaire a éclaté en 2015, en instrumentalisant la justice ?
"Théorie du complot"
"Il y a un lien direct" entre les soupçons d'escroquerie contre Platini, président de l'UEFA au moment des faits, et plusieurs rencontres secrètes entre Infantino et l'ancien chef du parquet suisse, a assuré Me Dominic Nellen, l'un de ses avocats.
Mais le procureur Thomas Hildbrand a balayé toute relation entre les deux dossiers, avant que l'avocate de la Fifa, Me Catherine Hohl-Chirazi, ne dénonce une "théorie du complot" avancée "encore et encore" pour escamoter le fond des accusations.
Et les trois magistrats ont suivi cette logique, refusant de joindre les affaires et recentrant les débats, qui reprendront jeudi matin, sur le paiement accordé à MichelPlatini avec l'aval de Sepp Blatter.
Le Français, qui devrait s'exprimer jeudi face au tribunal, "est positif et impatient" de voir s'ouvrir les auditions des témoins, a déclaré à la sortie de l'audience Me Nellen.
Défense et parquet s'accordent sur un point: Platini a bien conseillé Sepp Blatter entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de ce dernier à la tête de la Fifa, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d'une rémunération annuelle de 300.000 francs suisses, intégralement payée par la Fifa.
Mais en janvier 2011, "plus de huit ans après la fin de son activité de conseiller", l'ex-capitaine des Bleus "a fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses", acquittée par l'instance du football "avec le concours" de Sepp Blatter, relève le parquet.
Accord verbal ?
Pour l'accusation, il s'agit d'un paiement injustifié, obtenu en induisant "astucieusement en erreur" les contrôles internes de la Fifa par des affirmations mensongères des deux dirigeants, soit le critère clé de l'escroquerie.
Les deux hommes martèlent de leur côté qu'ils avaient dès l'origine décidé d'un salaire annuel d'un million de francs suisses, oralement et sans témoins, sans que les finances de la Fifa n'en permettent le versement immédiat à M. Platini.
Il leur faudra néanmoins expliquer la contradiction avec le contrat de 1999, le fait que cette dette n'ait jamais été provisionnée par la Fifa, et le contraste avec les pratiques habituelles de l'instance, qui n'a jamais rémunéré de salarié ou consultant "sans base écrite", assurait son ancienne DRH dans le volet disciplinaire de la procédure.
Partie civile, la Fifa entend se voir restituer le salaire et les charges sociales payés en 2011, "pour que l'argent détourné par les accusés à des fins personnelles soit restitué au seul et unique but auquel il était destiné: le football", indiquait avant l'audience Me Hohl-Chirazi, avocate de l'instance.
afp