Farba Senghor : "Je soutiens le projet de loi sur le parrainage"

TRIBUNE LIBRE
Mercredi 18 Avril 2018

Je voudrais donner aux sénégalais  mon avis sur le parrainage et proposer un système de sécurisation du processus de parrainage. 

A mon avis, le parrainage est une réponse aux préoccupations des Sénégalais, particulièrement des acteurs politiques de tout bord et des citoyens qui se sont plaints jusque-là de la pléthore de partis politiques et de listes de candidats aux dernières  élections législatives.          

Le recours au système de parrainage bien sécurisé  règle  le problème de  rationalisation des candidats et des dépenses engagées pour la tenue des élections. Il simplifie l'organisation et le déroulement du vote.            

Le système de parrainage citoyen sélectionne le nombre de candidats à une élection en se basant sur leur capacité à mobiliser des soutiens parmi les électeurs. Ainsi  pour qu'une candidature soit validée par le conseil constitutionnel, elle doit être approuvée préalablement  par des signataires dont le  nombre est fixé par le code électoral.                                      

En effet, le parrainage élimine d'une manière drastique, les candidatures fantaisistes, farfelues, cartes de visites et le monnayage des voix au second tour de l'élection présidentielle. En plus, il garantit l'organisation d'un vote normal avec la réduction des candidats et des listes en compétition.    

L'ÉGALITÉ DES CITOYENS DEVANT LA LOI. 

Le parrainage restaure  l'égalité des citoyens devant la loi car depuis l'adoption du code électoral de 92, les candidats issus de la société civile sont seuls soumis au parrainage. Ils doivent  prouver leur niveau de  représentativité au plan national afin d'avoir le droit de participer à une élection présidentielle ou législative.                                        
Ce qui n'a jamais été le cas pour les candidats portés par des partis politiques qui se présentent allègrement sans écueil quel que soit leur niveau de représentativité.                          

UN ATOUT POUR ASSAINIR LE  CHAMP POLITIQUE

Les  candidats les plus faibles seront obligés de se retirer de la course pour se ranger derrière les plus représentatifs;  c'est à dire ceux qui sont  capables de réunir le nombre de parrains requis. Il s'agit là d'une véritable présélection.                                    

Par la même occasion, le parrainage est susceptible de  resserrer les rangs au sein de l'opposition qui éprouve d'énormes difficultés à s'unir derrière un candidat avant le premier tour à cause  de la multitude de prétendants souvent très prétentieux. Ainsi, dans le camp du Front de l'opposition, tout le monde veut être candidat.                              

Il en est de même pour le  pouvoir qui devrait être à l'abri d'un effritement né de  certains alliés qui seraient tentés de faire valoir des prétentions sans commune mesure avec leur poids politique réel en procédant par des menaces de départ.                          

En tout état de cause, les candidats sérieux n'auront aucune peine à recueillir le nombre de parrains obligatoires.                            
En plus, la période de  parrainage pourrait leur offrir   un cadre de campagne de proximité pour mobiliser  leurs militants ou  sympathisants et pour  jauger leur degré  de représentativité. 
En effet, les citoyens et même les militants des partis politiques se plaignent de ne recevoir les partis et les candidats que pendant la période électorale. Apres une élection, ils n'ont droit  même pas au moindre remerciement. Avec le parrainage, la donne pourrait  ainsi changer les relations entre candidats et citoyens avec l'obligation de réunir des parrains dans plusieurs régions du pays.       

Les partis comme le Pds, le Rewmi,  le grand parti, l'Apr, le Ps, l'Afp, Aj ou Aj Pads, le Pit, la Ld, Fsdbj, n'auront aucun problème pour avoir  le nombre de signatures nécessaires.                              

LE DIALOGUE POLITIQUE EST NÉCESSAIRE                       

Le parrainage arrive à son heure, seulement, il faut rétablir le dialogue entre le pouvoir et l'opposition  pour définir par consensus ses contours afin de sécuriser l'opération.      

En fait, les candidats crédibles ne devraient pas s'opposer systématiquement à  l'adoption du parrainage si toutes les conditions sont réunies pour sécuriser le système.                                  

J'espère qu'il n'est peut-être pas trop tard pour le faire puisque le projet de loi en cours d'examen est sujet à des amendements avant son vote à l'assemblée nationale. Le consensus me paraît donc toujours possible.                              

FIXATION DU NOMBRE DE PARRAIN CYTOYEN 

Les différentes parties en face devraient discuter du nombre de parrains.              

En effet, le parrainage citoyen est en vigueur dans plusieurs pays du monde.                                      
Le nombre de parrains citoyens varie de 15.000 à 200.000 signataires. Au Sénégal, on pourrait le fixer par consensus à 30.000, 40.000, 50.000, 1%, 0,75 %, 0,5% des derniers votants ou du fichier électoral.                                    
Tout dépend de la volonté politique des uns et des autres.                                      

SÉCURISATION DU PARRAINAGE

Ensuite, les différentes parties  devraient s'accorder sur les modalités de recensement et de  contrôle des parrains pour la sécurisation du système.                        

Pour régler ces questions  précises, je voudrais  suggérer un système de sécurisation du processus de parrainage.                          

Le système de sécurisation du processus de  parrainage consiste à créer dans chaque département une commission départementale  de recensement des parrains présidée par un magistrat ou par  le président du tribunal départemental  et au niveau national, une commission nationale de recensement des parrains présidée par le président de la cour d'appel de Dakar. Les dites commissions devraient être  mises en place  dans les mêmes conditions , procédures, compositions  et fonctionnement que celles prévues par le code électoral pour le recensement du vote.                                      

Elles seraient  composées par des magistrats, les  représentants des candidats et de la CENA.                                  

Ainsi, les commissions départementales de recensement des parrains  procèdent au recensement des signataires dont les listes sont  déposées par les représentants des  candidats aux tribunaux départementaux qui arrêtent  la liste  des parrains par candidat et en déterminent le nombre.                    

Chaque candidat pourrait déposer une liste de parrains supplémentaires au tribunal départemental pour remplacer au besoin des doublons avec d'autres candidats et des rejets.                        

Ensuite, la commission nationale de recensement  des parrains auprès de la cour d'appel procède  pour chaque candidat au recensement global, aux confrontations des données, des signatures  et aux  rectifications.              
Par la suite, elle  proclame  les  listes des parrains pour chaque candidat et ouvre  la période de contestations et de recours.            

Puis, le président de la Cour d'appel remet un quitus à chaque candidat avant de transmettre les dits procès-verbaux qui en résultent au conseil constitutionnel qui, en dernier ressort, vide le contentieux et valide les candidatures  dans les conditions et  délais prévus par la loi.          

Le quitus certifie le dépôt du parrainage et accompagne le dossier du candidat.              

Entre-temps, les candidats  peuvent faire des recours auprès du conseil constitutionnel dès la proclamation de la liste des parrains par la Cour d'appel. 

 Farba Senghor