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Démocratie : De quoi le Sénégal est-il l'exemple ?

POLITIQUE
Mardi 28 Mars 2023

Macky Sall se suffit de la concentration entre ses mains de tous les pouvoirs, en vertu du présidentialisme néocolonial en vigueur dans notre pays depuis le coup d’Etat de Senghor de décembre 1962.


Dans le communiqué du Conseil des ministres du 22 mars 2023, le Sénégal est vanté comme… « un exemple de démocratie » ! Pourtant à l’épreuve des faits, le régime néocolonial de prédation, d’autocratie et de servitude volontaire est en train déjà de franchir tous les Rubicon en matière de répression des opposants à son système, de violation des libertés démocratiques, de piétinement de la Constitution et des institutions dans notre pays. De quoi alors le Sénégal est-il l’exemple ? Récidive aggravée le 16 mars dernier contre Ousmane Sonko et son convoi sur le chemin du tribunal, lui-même et son avocat Me Ciré Clédor Ly gazés et aspergés d’un produit à la nocivité et aux conséquences à ce jour non encore totalement élucidées, amenant le leader de Pastef à ne même pas écarter l’hypothèse d’une tentative d’élimination physique dirigée contre sa personne ainsi qu’un groupe de députés Yewwi à porter plainte pour « tentative d’empoisonnement d’assassinat ». Seuls des thuriféraires aux ordres et de mauvaise foi, peuvent pousser l’indécence et le cynisme jusqu’à parler de « cinéma » ou de « malades imaginaires » à propos des malaises et problèmes de santé vécus en direct par, entre autres, Ousmane Sonko, Me Ciré Clédor Ly, le député Guy Marius Sagna. Marque éloquente de haine viscérale de classe, mépris criminel de la dignité de l’être humain !

De quoi le Sénégal est-il l’exemple pour que les tenants du pouvoir se mettent à crier au secours de leur ‘’démocratie’’, de leur ‘’république’’ et de leur ‘’Etat de droit’’ ? Leurs alliés de l’ex- gauche, feignant d’oublier que partout dans le monde, les progressistes et révolutionnaires authentiques sont, en toutes circonstances, les militants les plus conséquents, les plus résolus et les plus engagés contre les violations des droits fondamentaux ou libertés démocratiques conquises de haute lutte. Est significative à cet égard la courageuse prise de position publique sur l’escalade répressive en cours au Sénégal, assumée par plus d’une centaine d’intellectuels d’Afrique et du monde, à travers une Tribune intitulée REVENIR A LA RAISON, publiée le 21 mars dernier. Nos ex-gauches quant à eux choisissent de se taire sur ces ignominies, se contentant de lorgner vers les sinécures ou autres privilèges lâchés à leur intention par le régime de domination, d’oppression et d’exploitation, tout juste bons qu’ils sont désormais à servir devant l’Eternel comme insulteurs attitrés d’Ousmane Sonko !

De quelle démocratie le Sénégal est-il l’exemple ? Qui a eu à tirer sur des députés revêtus de leur écharpe aux couleurs de la Nation et à blesser sérieusement d’authentiques représentants du peuple et de l’institution parlementaire tels que Guy Marius Sagna et la dame Rama Anta Bodian ? Qui n’a pas hésité à chahuter la Constitution en tirant sur des militant-e-s de l’opposition manifestant pacifiquement leurs désaccords par rapport à la gouvernance calamiteuse en cours dans notre pays, ce en conformité avec le préambule de la loi fondamentale de notre pays qui « reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique » ? Mais aussi en tirant sur des journalistes, gazés, blessés et empêchés d’exercer les obligations liées à leur profession ? Il s’y ajoute qu’en vertu de l’Article 8 de la Constitution, « la République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales », dont entre autres, les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, d’association, de réunion, de déplacement, de manifestation, etc. Dans les faits, la violation des droits et libertés des citoyens et de leurs organisations est en train de devenir la norme au Sénégal, pas seulement à l’encontre des partis politiques, mais aussi des acteurs de la presse, des artistes, des leaders d’opinion et des animateurs des mouvements sociaux : menaces de mort publiques répétées sans aucune poursuite, arrestations, brimades, humiliations, agressions et kidnappings à donner le vertige, et la spirale des violences d’Etat continue d’être déroulée ! Ne chercherait-on pas même quelque part à dissoudre le parti Pastef, comme le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome en avait brandi la menace, à travers un communiqué diffusé tard dans la nuit du 2 janvier 2021 à l’occasion déjà du lancement du 1er nemmeeku tour de Sonko ?

De quelle démocratie donc le Sénégal est-il l’exemple ? Des centaines de responsables, militants et militantes de Pastef-Les Patriotes emprisonnés, des membres de la garde rapprochée d’Ousmane Sonko affreusement blessés, des militaires ‘’mystérieusement’’ disparus ou retrouvés morts sans explication ni suite, des journalistes arrêtés comme Pape Ndiaye de Wal Fadjri et avant lui Pape Alé Niang, des influenceurs tels que Nit Dof, Karim Gueye Xurum Xaq, Cheikh Oumar Diagne à plusieurs reprises embastillés ! D’honnêtes citoyens, de simples piétons en promenade, des élèves, des mineurs, même de vielles grand-mères, des handicapés physiques se déplaçant péniblement à l’aide de béquilles ou de fauteuils roulants, ont eu à subir les affres de la violence répressive ! Sans oublier les nervis qui se camouflent et agissent apparemment dans une impunité inacceptable. Quid de la tentative d’assassinat sur sa personne révélée dernièrement par le citoyen Dame Mbodj lui-même ? Et le cas du responsable national à la Communication de Pastef, le frère El Malick Ndiaye, astreint au port du bracelet électronique avant même d’avoir été jugé ? Et cette inquisition ou cet acharnement dirigés contre le responsable d’une clinique de la place et des membres du corps médical, quitte à organiser des fuites en violation du principe sacro-saint du secret médical ? Et encore tous ces jeunes à la fleur de l’âge que l’on continue de canarder en Casamance-, la ville de Bignona comptant à elle seule 5 morts entre mars 2021 et mars 2023, le dernier en date étant Mamadou Korka Ba, élève de 22 ans en classe de Terminale ?

L’inquiétude est bien grande par rapport aux graves menaces qui pèsent sur la paix civile et la stabilité nationale. Le président Macky Sall apparemment n'en a cure. Il se suffit de la concentration entre ses mains de tous les pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, en vertu du système de présidentialisme néocolonial en vigueur dans notre pays depuis le coup d’Etat de Senghor de décembre 1962, parachevé par l’adoption d’une nouvelle Constitution en mars 1963. Misant ainsi sur sa machine répressive, sa justice inféodée et son administration politisée à outrance au seul service de l’Etat-Parti APR/BBY, le président Sall choisit de faire fi des leçons de l’histoire des luttes des peuples partout dans le monde, laquelle enseigne pourtant que la seule constante, le seul souverain et la force motrice de l’histoire universelle, c’est bien le peuple, uni, déterminé et organisé. Macky Sall quant à lui, s’obstine à s’enfermer dans une logique d’escalade tous azimuts, advienne que pourra !  Et comme au Sénégal le ridicule ne tue point, des pontes du pouvoir ont décidé, clament-ils, de porter plainte contre Ousmane Sonko pour… menées d’assassinat, insurrection et terrorisme ! Sont-ils tous devenus à ce point fous et paranoïaques pour priver de tickets d’entrée au Stade notre jeunesse fan de foot, lors du récent match Sénégal – Mozambique, au motif, dit-on, d’empêcher une présence importante de militant-e-s patriotes susceptibles de conspuer le président Macky Sall ?! 

C’est ici le lieu d’exhorter l’ensemble des démocrates sincères, des patriotes authentiques du Sénégal et de l’Afrique à s’unir, plus fortement que jamais, afin d’en finir avec l’autocratie, la dictature, la terreur d’Etat et la régression tous azimuts. La mise en place, en cours, de la Plateforme de lutte des forces vives pour la défense et la consolidation des acquis démocratiques est à saluer et à encourager dans le respect mutuel entre ses différentes composantes. Il s’agit surtout de construire, au sommet comme à la base,  un cadre unitaire de large rassemblement et de mobilisation comme instrument approprié de lutte pour la prise en charge efficace des revendications  démocratiques, économiques et sociales communes aux partis,   mouvements citoyens, forces sociales et syndicales, organisations et associations démocratiques, personnalités patriotiques, pour le respect des libertés, un code électoral consensuel garantissant la régularité et la fiabilité du processus,  l’indépendance de la justice, l’instauration de l’équité, de la souveraineté, de la transparence et de la redevabilité dans la gestion des ressources nationales, ainsi que pour un secteur public  d’éducation et de santé de qualité, pour la sécurité,   l’emploi et le pouvoir d’achat,  le développement, l’unité et la paix véritable au Sénégal comme plus généralement en Afrique et dans le monde.

Il est heureux d’ailleurs, dans cette optique, de noter la présence à Dakar de notre compatriote burkinabè Me Guy Hervé Kam, fondateur du Mouvement politique SENS (Servir Et Non se Servir), aux côtés d’autres confrères africains, venus renforcer fraternellement le pool d’avocats d’Ousmane Sonko. Exemple éloquent de construction, en actes et dans la lutte, du panafricanisme des peuples ! Tout aussi encourageant, le signal donné par les régimes en place au Mali et au Burkina Faso en vue d’une Fédération entre les deux Etats pour mieux contribuer, ce faisant, à faire avancer le projet de l’unité africaine si chère à nos devanciers.

De quelle démocratie le Sénégal est-il l’exemple ?  Troisième mandat, fléau funeste en Afrique, et qui fait perdre la raison à certains de nos illustres dirigeants !  Après le « verrouillage constitutionnel » acté par le referendum de mars 2016, et fièrement brandi urbi et orbi, par le président Sall et son tailleur constitutionnel ci-devant ministre de la Justice, voici venu le temps du « déverrouillage médiatique », décrété au détour d’une interview accordée au journal français L’Express : désormais, plus aucun obstacle juridique à la 3ème candidature pour un 3ème mandat du président Sall ! Ebahie, l’ancienne Première ministre Mimi Touré en tombe des nues et nous autres alors ?! Le referendum du 20 mars 2016 portant révision de la Constitution, c’était donc de la fraude par omission concernant le verrouillage de la limitation des mandats présidentiels (CF son adresse de Ramadan au président Macky Sall en date du 23 mars 2023) ! Révision exceptionnelle des listes électorales sur moins d’un mois en lieu et place d’une révision ordinaire sur six mois, telle que prévue en année non électorale, privant ainsi d’inscription et de droit de vote pratiquement plus de 1 200 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans ! En plus l’Etat-Parti APR-BBY se donne les moyens de choisir lui-même ses propres adversaires par des modifications sournoises du Code électoral (cas d’inéligibilité) ou par le biais d’un système opaque de parrainage, récusé par la CEDEAO elle-même dans le plus grand mépris des autorités sénégalaises ! De quoi donc le Sénégal est-il l’exemple ? N’est-il pas en train de se muer en modèle de dictature et de terreur d’Etat sur les traces des régimes autoritaires en place en Côte d’Ivoire, au Togo, au Tchad, au Gabon, au Cameroun et autres bastions de la FrançAfrique ?

Certes la paix et le dialogue sont souvent cités comme de précieuses vertus sénégalaises. Cependant, il convient de le souligner, le dialogue sincère et la paix véritable reposent fondamentalement sur la vérité des faits et la justice, ainsi que sur l’honnêteté consistant à ne jamais chercher à renvoyer dos à dos l’agresseur et sa victime. Après « le faux dialogue faussement national » de 2016 (selon l’expression d’alors de Yoonu Askan Wi), qui se souvient encore que le chef de l’Etat a décrété depuis 2018 « le 28 mai, Journée du dialogue national » ? Des Sénégalais-e-s patriotes, il en existe à foison dans tous les secteurs, attaché-e-s aux valeurs de justice, de paix et de construction nationale. Alors, sauf changement de paradigme ou respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution et de la parole donnée, misons plus que jamais sur la mobilisation, l’organisation, la résistance, l’action démocratique de masse, l’intelligence, la lucidité et la vigilance de tous les instants, en veillant à avoir à chaque fois le bon droit de notre côté dans la conduite des combats ! Face à l’oppression et à l’injustice, à la dictature et à la terreur d’Etat, encore une fois, seule la lutte paie, seule la lutte libère.

Madieye Mbofj est vice-président de Pastef-Les Patriotes, chargé de la vie politique nationale.


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