Contrevérités de la présidence

POLITIQUE
Lundi 8 Octobre 2018

Il peut se gargariser d’être le seul président en exercice à avoir mis les pieds à deux reprises à l'Ucad, mais prétendre y avoir réalisé plus que tous ses prédécesseurs, relève de la propagande 

Quand le directeur du COUD a indiqué, jeudi dernier, que la capacité d’accueil du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a été doublée grâce aux six pavillons que son patron venait d’inaugurer, j’ai pensé à une nouvelle «ânerie» pas digne d’intérêt. Mais quand le président affirme la même chose, imité en cela par son service de communication, ça devient plus qu’un maquillage, plus que du saupoudrage.  Un gros mensonge à déconstruire avant qu’il ne soit versé dans le bilan peu glorieux de Macky Sall.

(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Pourquoi le président Sall qui s’en va à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, pour inaugurer des pavillons, sent le besoin de faire mobiliser tout un escadron pour assurer sa sécurité ? S’il est porteur d’une aussi bonne nouvelle, pour les étudiants dont le logement constitue une préoccupation majeure, pourquoi mettre l’UCAD, où les cours n’ont pas repris, sous couvre-feu ? 

A ces questions certains répondront, sans doute, parce qu’il n’a pas oublié sa mouvementée visite du 31 juillet 2015. D’autres diront que Macky Sall a cherché, au-delà des étudiants, à intimider les opposants belliqueux et récalcitrants en cette période préélectorale. 

Le leader de l’Alliance pour la république (APR) n’a certes pas pu oublier les grosses pierres que ses gardes du corps ont prises, à sa place, lors de cette fameuse visite. Mais, l’autre réponse à ces questions est aussi à chercher dans son besoin périlleux de trouver des points à inscrire sur son bilan.

 Avant d’engager la campagne pour sa réélection, le vendeur d’illusion, dont la cote de popularité ne cesse de dégringoler, cherche à assaisonner le ragout qu’il concocte pour les Sénégalais. Seulement, à force d’ajouter du sel, son plat est devenu plus qu’indigeste.

«Le Président Macky_Sall a procédé, hier, à l’inauguration de six nouveaux pavillons à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. La capacité d’accueil de l’UCAD passe ainsi à 10.876 lits, soit le double de ce qui a été réalisé en 50 ans ». C’est le tweet qu’a balancé la présidence de la République, au lendemain de la visite de Macky Sall à l’UCAD. 

 Ainsi, comme le chef de l’Etat l’a, lui-même, annoncé, lors de la cérémonie d’inauguration desdits pavillons, le service de communication de la présidence affirme que l’actuel régime a doublé la capacité d’accueil du campus de l’UCAD. 

Macky Sall peut certes se gargariser d’être le seul président en exercice à avoir mis les pieds à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, à deux reprises. Mais, dire que ce qu’il y a réalisé, les autres président réunis ne l’ont pas fait, ce n’est pas qu’un mensonge c’est de la désinformation et de la propagande.

En effet, avant l’arrivée de Macky Sall, le campus social de l’UCAD, à distinguer de celui de l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar (ESP), comptait 17 pavillons (de A à Q). En plus de ceux de la cité Aline Sitoé Diatta (ex Claudel). Pour un total de 5123 lits pour être précis. En 2013,  c’est-à-dire sous Macky Sall, cinq pavillons ont été démolis au campus social de l’UCAD (H, I, F, G et N). 

(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); A la cité des étudiantes un pavillon (B2) et deux box (A et F) ont été rasés (selon nos informations, dès demain lundi 8 octobre, six autres box seront démolis). Avant 2015, année d’inauguration des premiers pavillons construits sous Macky Sall, le campus social de l’UCAD a été délesté de près de 3000 lits. Donc, avec 4000 de plus, comme c’est annoncé, Macky SALL n’a ajouté que 1000 lits. Et sur les 4000 dont il se gargarise, les 500 (deux pavillons) environ sont destinés à l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar (ESPqui est plus privée que publique.

 En outre, les pavillons que Macky Sall a inaugurés en 2015, quand il essuyait les pierres, les étudiants n’y logent que pour ne pas dormir à la belle étoile. De véritables «poukhouss», avec tout juste un peu plus de confort que les cellules des commissariats de police, que les pensionnaires de l’UCAD font tout pour éviter. Un très mauvais travail à l’image de ce que Macky Sall fait presque depuis qu’il est élu. Pour preuve, un pavillon construit à la cité Claudel, à la place des box A et F et livré en 2015 fait partie des bâtiments qui seront rasés ce lundi.

L’autre énigme qui montre que le pouvoir a raconté des bobards c’est comment avec six pavillons ils ont pu doubler la capacité d’accueil d’un campus qui en comptait plus de 25 (campus garçon et filles) ? D’autant qu’aucun des nouveaux ne dépasse en capacité d’accueil le Pavillon A qui compte 435 chambres. Ce que le régime n’a pas dit, c’est que les 4000 lits qui sont annoncés, ce sont les six pavillons qui ont été récemment inaugurés plus ceux réceptionnés en 2015. Et le tout remplace à peine ce qui a été détruit. De plus, que représente 4 000 lits de plus pour un effectif de l’UCAD de plus de 110 000 étudiants ?

Il est vrai qu’avec ce régime, on fait de la publicité autour des constructions et impose une omerta totale lorsqu’il s’agit de démolition. Pourtant, Macky Sall aurait pu ne pas se lancer dans la surenchère en affirmant avoir multiplié par deux la capacité d’accueil du campus de l’UCAD. 

(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Les pavillons qui ont été rasés constituaient un véritable danger et leur démolition n’a pas déplu à grand monde. Bien au contraire. Le courage qui l’a commandé à retourner à l’UCAD, le baromètre de la tension sociale, a réellement manqué à Macky Sall quand il s’est agi de tenir un discours de vérité aux étudiants.


PAR MAME BIRAME WATHIE