Conseil constitutionnel : déni de compétence

GUEST EDITORIALISTE
Vendredi 11 Mai 2018

Le Conseil constitutionnel a rendu une décision portant sur le recours déposé par l’opposition sénégalaise. Elle se déclare incompétente en ces termes : ‘’Le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la conformité à la constitution de la loi portant révision de la Constitution et adoptée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2018, sous le numéro 14/2018.

Le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la conformité au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, de la résolution  portant vote sans débat de la loi constitutionnelle numéro 14/2018 et de l’adoption de l’amendement apporté’’.

Bien sûr, c’est encore le tollé dans les rangs de l’opposition qui met en doute l’indépendance de cette institution. Il en est ainsi de Malick Gackou du Grand Parti tandis que la juriste et leader de parti,Amsata Sow Sidibé, parle de ‘’déni de justice’’, laissant entendre par là que le CC était obligé de rendre une décision.

Bien sûr, d’autres juristes comme Mounirou Sy, constitutionnaliste, interrogé par Senego, soutient le Conseil constitutionnel parce qu’estime-t-il qu’elle ne peut pas statuer quand la ‘’loi est constitutionnelle’’ comme c’est le cas actuellement. A l’en croire, le CC ne peut statuer que sur les lois organiques et les lois ordinaires.

D’ailleurs, Me Madické Niang, avocat et député, avait anticipé ce débat en laissant entendre que le recours visait les dispositions législatives de la loi sur le parrainage.

C’est à croire que les juristes ne sont jamais d’accord sur rien. La conformité à la constitution du troisième mandat du Président Wade comme pratiquement tous les sujets de droit qui impliquent des conséquences juridiques importantes font l’objet de polémiques profondes entre eux.

Pourtant, comme le disait Jacques Roqueplan, ‘’la mauvaise foi est l’âme de la discussion’’.

La réalité est que souvent, chacun tire la couverture de son côté, selon que l’on est d’un camp ou d’un autre. C’est dire que les sciences juridiques et les procédures judiciaires sont souvent suffisamment claires pour être suivies sans trop de polémiques.

Ce qui ne veut nullement dire que le Conseil constitutionnel a tort en l’espèce. Nous éviterons d’entrer dans ce débat de spécialistes.

Ce que nous ne pouvons pas manquer de souligner cependant, c’est que la saisine du CC par l’opposition a été un acte hautement républicain pour une loi à polémique qui ne figurait nullement parmi les points du référendum de 2016. Et elle peut comprendre qu’elle ne peut pas toujours avoir gain de cause. Car, la compétence du CC est réglementée par des textes qui citent clairement le domaine de saisine.

Est-ce le cas cette fois-ci ? Nous n’en savons rien.

Ce qui nous intrigue cependant, c’est que la haute juridiction se déclare trop souvent incompétente. Et que s’il n’y a pas un déni de justice, il y a au moins un déni de compétence.

Le Conseil refuse trop souvent d’arbitrer le jeu politique au moment où il sait parfaitement que les acteurs comptent sur lui pour éclairer leur lanterne.

Le fait que ses membres soient passés de 5 à 7 ne semble pas avoir changé la donne. L’institution n’a pas encore prouvé son efficacité à toute épreuve.

C’est pourquoi, il serait peut-être utile de penser à la réformer en profondeur. Certains avancent déjà l’idée d’en faire une Cour constitutionnelle à compétence élargie. Il serait également important que les ‘’juges’’ ainsi nommés soient protégés par l’inamovibilité au point qu’ils ne soient pas ‘’sanctionnés’’ par leur travail.

Car, le Conseil constitutionnel a des missions trop importantes pour que l’Exécutif ne soit pas regardant sur sa composition.

Malheureusement, malgré la qualité intrinsèque de ses membres actuels, le Conseil est souvent perçu comme étant l’organe de validation de nombres de décisions du pouvoir politique surtout lorsque celles-ci sont sujettes à caution.

C’est ce qui fait que ses décisions sont souvent entourées d’une certaine suspicion surtout de la part des adversaires du régime en place.

Assane Samb