Quand Mamadou Badio Camara a été nommé premier président de la Cour suprême lors du Conseil supérieur de la magistrature du vendredi 27 mars 2015 et Cheikh Tidiane Coulibaly procureur général, beaucoup de Sénégalais n’avaient pas approuvé cette décision de ladite instance qui a comme président, le chef de l’Etat Macky Sall, et pour vice-président son Garde des sceaux. La nomination qui avait le plus fait grincer des dents était surtout celle Cheikh Tidiane Coulibaly (CTC) que d’aucuns présentaient comme une volonté d’éloigner ce haut magistrat de certains dossiers judiciaires à connotation politique dans le traitement desquels il faisait preuve d’une impartialité et d’une indépendance exemplaires. Parmi ceux qui avaient élevé la voix à l’époque, les avocats de Karim Wade alors jugé pour enrichissement illicite. Dans ce dossier sensible sur lequel l’Etat avait une certaine emprise, pour ne pas dire une emprise certaine, CTC, qui présidait la Chambre pénale de la Cour suprême, avait admis avec ses pairs la recevabilité du recours des avocats de Karim Wade relative à l’anti-constitutionnalité de la Crei et à son incompétence à juger le ministre Karim Wade, lequel bénéficie d’un privilège de juridiction.
L’alors procureur général près la Cour suprême, Mamadou Badio Camara, avait introduit une requête en rabat d’arrêt demandant à ladite juridiction d’annuler l’arrêt n° 23 du 06 février 2014 de la Chambre criminelle, pour «erreur de procédure». Pour les conseils de Wade fils, CTC, en tant que président de la Chambre pénale à la Cour suprême, devait statuer avec ses collègues, sur cette affaire jusqu’à la fin. Le fils de l’ancien président, deux jours auparavant, venait d’être condamné par la Crei et ses avocats avaient fait connaître leur intention de se pourvoir en cassation. Cela avait conduit me Seydou Diagne à louer les qualités et l’intrépidité de CTC en ces termes : « On découvre que l’un des magistrats les plus intègres, les plus indépendants, est appelé à d’autres fonctions. Il a montré son intégrité à travers un des arrêts rendus le 6 février — certes en collégialité avec d’autres dignes et hauts magistrats — où il était dit qu’on ne peut pas empêcher à Karim Wade de faire des recours contre la Crei. C’est un arrêt qui a été la marque d’une grande indépendance d’esprit de la justice sénégalaise. »
Une nomination qui fait l’unanimité et suscite tant d’espoirs
Ecce homo, pour dire voilà l’homme intègre qui a été promu président de la Cour suprême ce 19 mai 2020 en remplacement de Mamadou Badio Camara admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite. Mais qui est Cheikh Tidiane Coulibaly, ce magistrat discret dont la nomination à la tête de la haute juridiction fait l’unanimité et suscite tant d’espoirs ? Issu d’une famille soufie très religieuse, CTC est né à Sokone en 1954. La volonté de son père était de lui donner le nom de son frère cadet El Hadj Ibrahima Coulibaly mais Dieu en décida autrement puisque, à quelque 24 heures de son baptême, Seydina Ahmet Tidiane Chérif, descendant du prophète Mohamed (paix et salut sur lui) apparut à ce père en songe pour lui ordonner de baptiser son fils au nom du fondateur de la tariqa Tidianyya.
Et c’est ainsi que le nom du saint Cheikh Ahmed Tidiane Chérif fut donné au nouveau président de la Cour suprême. Brillant élève, il est admis, après l’obtention du brevet en 3e, à l’école normale régionale qui formait les instituteurs. Mais CTC, qui veut alléger le poids des charges à ses parents, décide de continuer ses études. Une fois en terminale, il est terrassé par une maladie qui l’éloigne des classes pendant toute l’année mais, persévérant, se présente lors de l’examen du bac en fin d’année et décroche le parchemin qui lui ouvre les portes de l’université. Son parcours sans faute en sciences juridiques lui permet de réussir haut la main le concours d’entrée à l’école nationale d’administration et de de magistrature (Enam). A sa sortie en 1981, il commence sa carrière à Thiès où il a été vice-président au Tribunal régional.
Après y avoir servi pendant quatre ans, il est affecté au Tribunal régional hors Classe de Dakar où il exerce comme juge, président de chambre pendant une dizaine d’années avant de servir au ministère de la Justice comme directeur adjoint à la direction des Affaires civiles et du sceau. Lors de la mise sur pied du gouvernement de majorité présidentielle élargie en avril 1991 du premier ministre Habib Thiam qui promeut l’entrisme du leader du Pds Abdoulaye Wade, CTC est appelé par ce dernier pour travailler à ses côtés en tant que directeur de cabinet. Il faut dire que ce choix est loin d’être fortuit. En effet, Wade demande aux magistrats tels qu’Ousmane Ngoundiam, Mame Madior Boye et autres de lui désigner un magistrat regroupant ces qualités : intégrité, compétence et jeunesse.
Et à l’unanimité, le choix tombe sur CTC. L’enfant de Sokone reste au cabinet du ministre d’Etat Abdoulaye Wade jusqu’au mois de mai 1992 avant d’être nommé à la Cour d’Appel de Dakar pour y occuper le poste de président de la chambre d’Accusation en mars 1993. Il assume ensuite les charges de président de chambre à la Cour d’Appel où il reste jusqu’à la nomination de Mame Madior Boye au poste de premier ministre en 2001. Cette dernière, qui a toujours eu confiance en lui, le prend pour diriger son cabinet. Mais il faut préciser que si CTC a été présent dans le milieu politique en assurant les directions des cabinets des premiers ministres Abdoulaye Wade et Mame Madior Boye, cette proximité n’a fait de lui ni un homme politique, ni un homme politisé. en 2004, le magistrat CTC est nommé à la Cour suprême reconstituée en 2008 pour y diriger successivement la Chambre sociale et la Chambre pénale. Il y gravit les échelons à la Cour jusqu’à être promu en 2015 procureur général. Et le 19 mai 2020, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature, le président de la République Macky Sall choisit l’homonyme du saint fondateur de la Tidjaniyya et descendant du sceau prophète (PSL) pour présider la plus haute juridiction de notre pays. Juste au moment où CTC venait de boucler 40 années de carrière dont 16 à la Cour suprême.
CTC : un magistrat impartial, intègre et diplomate
Aujourd’hui si sa nomination est saluée par tout le monde, c’est parce que Cheikh Tidiane Coulibaly est connu pour être un magistrat impartial, intègre et diplomate. Rigoureux et méthodique, CTC est aussi doté d’un bon esprit de collégialité. Son long parcours immaculé dans la magistrature plaide en sa faveur. Les Sénégalais espèrent qu’avec lui, la justice de notre pays, malmenée par les manipulations itératives de l’exécutif, retrouvera sa grandeur et sa splendeur. les procès de Karim Wade et de Khalifa Sall où le judiciaire et le législatif se sont littéralement et honteusement soumis aux desiderata des autorités politiques ont été des séquences noires dans la marche de notre prestigieuse justice pourtant marquée par de grands noms tels que Isaac Forster, Amadou Louis Guèye, Alain et Marie-José Crespin, Kéba Mbaye, Ousmane Ngoundiam, Ibrahima Boye, Amadou So, Assane Bassirou Diouf, Mame Madior Boye entre autres. Le parcours et la renommée du magistrat CTC lui permettent valablement d’inscrire son nom au panthéon de ces grandes figures qui ont imprimé indélébilement leur marque sur l’histoire judiciaire du Sénégal.
L’équilibre entre les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) est gage du bon fonctionnement de la démocratie. Le 11 janvier 2018, lors de la rentrée solennelle des Cours et tribunaux, le Procureur général près la Cour suprême Coulibaly a plaidé pour des rapports de franche collaboration entre ces trois pouvoirs. Pour lui, il n’est pas recommandé aux magistrats de chercher à conquérir et revendiquer leur indépendance jusqu’à remettre en cause le pouvoir politique. De la même façon, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly a indiqué que le législatif et l’exécutif ne doivent pas non plus chercher à exercer sur le judiciaire un contrôle inapproprié. Certes, il ne lui reste que deux ans pour engager les grands chantiers tels que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature dans sa composition et son fonctionnement, la réforme du statut du parquet, la transparence dans les décisions rendues... mais l’essentiel, dans ces problématiques, c’est de poser les premiers jalons même s’il faut consacrer plusieurs années pour matérialiser les réformes.
Last but not least, on retrouve chez le nouveau président de la Cour suprême les qualités de son homonyme Cheikh Ahmad At Tidjani Chérif. Le saint homme se taisait beaucoup et ne parlait que pour dire de l’utile et de l’important. En sus, il ne reculait jamais dans ses engagements et ne tergiversait pas. C’est pourquoi, il obtenait avec foi et assurance tout ce qu’il recherchait. Qui ne peut pas en dire autant de CTC ? On ne lui connait que trois fréquentations. Le lieu du travail, la maison et la mosquée. Son éducation et son appartenance à une famille religieuses sont passées par là. En tout cas, le Témoin souhaite à cet homme pétri d’humanité et d’humanisme de redorer le blason de notre justice ternie ces dernières années par des pratiques et des comportements honnis et bannis par Thémis.
Serigne Saliou Guèye
L’alors procureur général près la Cour suprême, Mamadou Badio Camara, avait introduit une requête en rabat d’arrêt demandant à ladite juridiction d’annuler l’arrêt n° 23 du 06 février 2014 de la Chambre criminelle, pour «erreur de procédure». Pour les conseils de Wade fils, CTC, en tant que président de la Chambre pénale à la Cour suprême, devait statuer avec ses collègues, sur cette affaire jusqu’à la fin. Le fils de l’ancien président, deux jours auparavant, venait d’être condamné par la Crei et ses avocats avaient fait connaître leur intention de se pourvoir en cassation. Cela avait conduit me Seydou Diagne à louer les qualités et l’intrépidité de CTC en ces termes : « On découvre que l’un des magistrats les plus intègres, les plus indépendants, est appelé à d’autres fonctions. Il a montré son intégrité à travers un des arrêts rendus le 6 février — certes en collégialité avec d’autres dignes et hauts magistrats — où il était dit qu’on ne peut pas empêcher à Karim Wade de faire des recours contre la Crei. C’est un arrêt qui a été la marque d’une grande indépendance d’esprit de la justice sénégalaise. »
Une nomination qui fait l’unanimité et suscite tant d’espoirs
Ecce homo, pour dire voilà l’homme intègre qui a été promu président de la Cour suprême ce 19 mai 2020 en remplacement de Mamadou Badio Camara admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite. Mais qui est Cheikh Tidiane Coulibaly, ce magistrat discret dont la nomination à la tête de la haute juridiction fait l’unanimité et suscite tant d’espoirs ? Issu d’une famille soufie très religieuse, CTC est né à Sokone en 1954. La volonté de son père était de lui donner le nom de son frère cadet El Hadj Ibrahima Coulibaly mais Dieu en décida autrement puisque, à quelque 24 heures de son baptême, Seydina Ahmet Tidiane Chérif, descendant du prophète Mohamed (paix et salut sur lui) apparut à ce père en songe pour lui ordonner de baptiser son fils au nom du fondateur de la tariqa Tidianyya.
Et c’est ainsi que le nom du saint Cheikh Ahmed Tidiane Chérif fut donné au nouveau président de la Cour suprême. Brillant élève, il est admis, après l’obtention du brevet en 3e, à l’école normale régionale qui formait les instituteurs. Mais CTC, qui veut alléger le poids des charges à ses parents, décide de continuer ses études. Une fois en terminale, il est terrassé par une maladie qui l’éloigne des classes pendant toute l’année mais, persévérant, se présente lors de l’examen du bac en fin d’année et décroche le parchemin qui lui ouvre les portes de l’université. Son parcours sans faute en sciences juridiques lui permet de réussir haut la main le concours d’entrée à l’école nationale d’administration et de de magistrature (Enam). A sa sortie en 1981, il commence sa carrière à Thiès où il a été vice-président au Tribunal régional.
Après y avoir servi pendant quatre ans, il est affecté au Tribunal régional hors Classe de Dakar où il exerce comme juge, président de chambre pendant une dizaine d’années avant de servir au ministère de la Justice comme directeur adjoint à la direction des Affaires civiles et du sceau. Lors de la mise sur pied du gouvernement de majorité présidentielle élargie en avril 1991 du premier ministre Habib Thiam qui promeut l’entrisme du leader du Pds Abdoulaye Wade, CTC est appelé par ce dernier pour travailler à ses côtés en tant que directeur de cabinet. Il faut dire que ce choix est loin d’être fortuit. En effet, Wade demande aux magistrats tels qu’Ousmane Ngoundiam, Mame Madior Boye et autres de lui désigner un magistrat regroupant ces qualités : intégrité, compétence et jeunesse.
Et à l’unanimité, le choix tombe sur CTC. L’enfant de Sokone reste au cabinet du ministre d’Etat Abdoulaye Wade jusqu’au mois de mai 1992 avant d’être nommé à la Cour d’Appel de Dakar pour y occuper le poste de président de la chambre d’Accusation en mars 1993. Il assume ensuite les charges de président de chambre à la Cour d’Appel où il reste jusqu’à la nomination de Mame Madior Boye au poste de premier ministre en 2001. Cette dernière, qui a toujours eu confiance en lui, le prend pour diriger son cabinet. Mais il faut préciser que si CTC a été présent dans le milieu politique en assurant les directions des cabinets des premiers ministres Abdoulaye Wade et Mame Madior Boye, cette proximité n’a fait de lui ni un homme politique, ni un homme politisé. en 2004, le magistrat CTC est nommé à la Cour suprême reconstituée en 2008 pour y diriger successivement la Chambre sociale et la Chambre pénale. Il y gravit les échelons à la Cour jusqu’à être promu en 2015 procureur général. Et le 19 mai 2020, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature, le président de la République Macky Sall choisit l’homonyme du saint fondateur de la Tidjaniyya et descendant du sceau prophète (PSL) pour présider la plus haute juridiction de notre pays. Juste au moment où CTC venait de boucler 40 années de carrière dont 16 à la Cour suprême.
CTC : un magistrat impartial, intègre et diplomate
Aujourd’hui si sa nomination est saluée par tout le monde, c’est parce que Cheikh Tidiane Coulibaly est connu pour être un magistrat impartial, intègre et diplomate. Rigoureux et méthodique, CTC est aussi doté d’un bon esprit de collégialité. Son long parcours immaculé dans la magistrature plaide en sa faveur. Les Sénégalais espèrent qu’avec lui, la justice de notre pays, malmenée par les manipulations itératives de l’exécutif, retrouvera sa grandeur et sa splendeur. les procès de Karim Wade et de Khalifa Sall où le judiciaire et le législatif se sont littéralement et honteusement soumis aux desiderata des autorités politiques ont été des séquences noires dans la marche de notre prestigieuse justice pourtant marquée par de grands noms tels que Isaac Forster, Amadou Louis Guèye, Alain et Marie-José Crespin, Kéba Mbaye, Ousmane Ngoundiam, Ibrahima Boye, Amadou So, Assane Bassirou Diouf, Mame Madior Boye entre autres. Le parcours et la renommée du magistrat CTC lui permettent valablement d’inscrire son nom au panthéon de ces grandes figures qui ont imprimé indélébilement leur marque sur l’histoire judiciaire du Sénégal.
L’équilibre entre les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) est gage du bon fonctionnement de la démocratie. Le 11 janvier 2018, lors de la rentrée solennelle des Cours et tribunaux, le Procureur général près la Cour suprême Coulibaly a plaidé pour des rapports de franche collaboration entre ces trois pouvoirs. Pour lui, il n’est pas recommandé aux magistrats de chercher à conquérir et revendiquer leur indépendance jusqu’à remettre en cause le pouvoir politique. De la même façon, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly a indiqué que le législatif et l’exécutif ne doivent pas non plus chercher à exercer sur le judiciaire un contrôle inapproprié. Certes, il ne lui reste que deux ans pour engager les grands chantiers tels que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature dans sa composition et son fonctionnement, la réforme du statut du parquet, la transparence dans les décisions rendues... mais l’essentiel, dans ces problématiques, c’est de poser les premiers jalons même s’il faut consacrer plusieurs années pour matérialiser les réformes.
Last but not least, on retrouve chez le nouveau président de la Cour suprême les qualités de son homonyme Cheikh Ahmad At Tidjani Chérif. Le saint homme se taisait beaucoup et ne parlait que pour dire de l’utile et de l’important. En sus, il ne reculait jamais dans ses engagements et ne tergiversait pas. C’est pourquoi, il obtenait avec foi et assurance tout ce qu’il recherchait. Qui ne peut pas en dire autant de CTC ? On ne lui connait que trois fréquentations. Le lieu du travail, la maison et la mosquée. Son éducation et son appartenance à une famille religieuses sont passées par là. En tout cas, le Témoin souhaite à cet homme pétri d’humanité et d’humanisme de redorer le blason de notre justice ternie ces dernières années par des pratiques et des comportements honnis et bannis par Thémis.
Serigne Saliou Guèye