A mesure que les élections législatives s’approchent, les difficultés auxquelles devra faire face la coalition au pouvoir se font jour. À l’image de l’opposition, Benno bokk yaakaar devra résoudre mille et une équations pour maintenir l’unité en son sein. En effet, malgré l’unité de façade, la division pourrait être plus profonde qu’on ne peut l’imaginer de prime abord.
L’un des principaux défis reste sans doute le schéma à retenir pour les investitures. Et il faudrait d’abord que les alliés aient envie d’aller ensemble. Samedi dernier, le désormais ex-secrétaire général de la Ld a démissionné de son poste. Un départ lié, dit-on, par son refus de voir son parti participer aux Législatives sous la bannière de la coalition Benno bokk Yaakaar.
De plus en plus, il y a des points du vue divergents entre le pouvoir et la Ld, particulièrement Mamadou Ndoye le démissionnaire. Ce qui peut expliquer son geste à quelques mois du scrutin. Il faut dire que ‘’Mendoza’’ est loin d’être seul dans cette posture.
En 2012, les intellectuels de l’APR avaient demandé à leur formation d’aller aux élections en tournant le dos à la grande coalition présidentielle. ‘’Le Réseau des universitaires invite l’APR à prendre toutes les dispositions pour avoir des listes représentatives et crédibles basées sur la coalition Macky 2012’’, préconisaient-ils.
Ils se feront désavouer par le porte-parole du parti Seydou Guèye. ‘’C’est depuis les élections locales de 2009 que nous gouvernons ensemble. L’APR veut avoir la majorité à l’Assemblée nationale pour réaliser les réformes promises par le Président Macky Sall. Et c’est dans ce cadre que nous militons pour un rassemblement autour de la coalition Benno Bokk Yaakaar’’, rectifiait-il.
Beaucoup d’autres leaders avaient estimé que la raison d’être de la coalition se limitait à la présidentielle. Ce qui veut dire qu’elle devait disparaître après. Certains comme Serigne Mansour Sy Jamil avaient pris leur distance dès le début.
Outre la volonté d’être ensemble, il y a les modalités. Quel schéma retenir pour les investitures ? Aux Législatives de 2012, les alliés étaient sur une nouvelle dynamique. Les résultats de la Présidentielle de cette même année ont été utilisés comme critères de représentativité. Chacun était servi au prorata de ses performances à la dernière présidentielle de mars 2012, sans trop de grincements de dents. Par contre, les Locales de 2014 ont été plus difficiles.
Au sein de la coalition, il y avait beaucoup de listes dissidentes. Même ceux qui étaient restés fidèles au pouvoir avait accusé l’APR d’avoir été trop gourmand. La plus emblématique des dissidents reste la coalition Taxawu Dakar. Les socialistes derrière Khalifa Sall avaient refusé le ‘’diktat’’ de la coalition. Sa ‘’sœur’’ Aïssata Tall Sall a été combattue par les apéristes dans le Podor.
Les ‘’petits coups’’ de 2009 et la revanche de 2014
Si ces deux cas pouvaient passer au sein du PS du fait de leur posture, il y avait d’autres cas très peu appréciés. C’est le cas de la défaite du leader des Verts face à Me Oumar Youm, dans le département de Mbour. Le patron de l’APR a été accusé en personne par des socialistes. ‘’Macky Sall lors de son déplacement à Popenguine a travaillé pour la défaite de Tanor. Nous avons été au courant de ses manœuvres’’, s’offusquait un responsable. La méthode ‘’déloyale’’ de l’APR à Louga a causé l’échec d’Aminata Mbengue Ndiaye devant Moustapha Diop, sans oublier le ‘’traquenard’’ dont a été victime Mar Diouf à Rufisque.
Autant d’actes qui avaient créé pas mal de frustrations du côté du PS. "Ils cherchent à nous bousculer dans les mairies que nous gérons tout en nous demandant de les soutenir en 2017’’, renchérissait un membre du bureau politique du PS. Quant à la Ld, elle avait dénoncé les agissements de son allié au pouvoir à travers une sortie officielle. À l’époque, les camarades de Bathily déploraient ‘’la position hégémoniste de l’APR qui, par des comportements peu soucieux des intérêts de ses alliés, veut s’emparer de toutes les collectivités locales sous le prétexte qu’il est le parti au pouvoir’’.
Les responsables de la Ld fustigeaient également ‘’les quotas insignifiants arbitrairement affectés par l’APR dans de nombreuses localités aux partis de la coalition BBY’’. Pour eux, ‘’lesdites élections nationales étaient basées sur de larges coalitions politiques. Il est donc impossible d’en faire un critère de représentativité de tel parti ou de tel autre au niveau local’’.
L’APR semble dire que c’est juste une revanche. Car du côté des responsables, on aime rappeler les ‘’petits coups de Bennoo siggil Senegaal’’ qui, en 2009, leur avait laissé des ‘’strapontins’’. De quoi mettre les alliés sur leurs gardes. ‘’Les partis doivent éviter d’être boulimiques, seule la solidarité permettra d’élaborer des listes consensuelles qui permettent de gagner’’, avertit Moussa Sarr, porte-parole de la Ld.
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Les poids des transhumants et le président de l’Assemblée ?
Dans ces conditions, se pose le schéma qui sera retenu. Est-ce les résultats de la présidentielle de 2012, comme ce fut le cas lors des dernières Législatives ? Ou alors les investitures des Locales de 2014 ? Que faire des dissidents qui ont gagné ? L’APR sera-t-il aussi ‘’gourmand’’ qu’en 2014 ? Les alliés vont-ils accepter le ‘’diktat’’ pour ensuite ruminer leur colère ? Ou alors vont-ils se rebeller ? Du côté de l’APR, on ne manque pas d’arguments.
En effet, ni le PS ni l’AFP ne sont restés les mêmes. Le parti de Senghor a perdu Khalifa Sall en cours de route. Celui de Niasse aussi s’est délesté de Malick Gackou, son numéro 2. Mais au même moment, la formation de Macky Sall a enregistré plusieurs nouveaux venus. Un argument qu’on pourrait mettre également sur la table, même si le poids des ‘’transhumants’’ ne manquera pas d’être posé.
La rencontre des leaders prévue samedi prochain apportera peut-être plus de réponse. Mais en attendant, il suffit d’écouter quelques responsables pour savoir qu’on n’est pas encore sur la même ligne de départ. ‘’Pour cette fois-ci, nous n’avons pas encore trouvé la base de calcul de la répartition ; certainement, on ne sera pas loin des élections locales de 2014. La base sera probablement le nombre de conseillers locaux obtenus par sous-coalition et le nombre de collectivités locales contrôlé par une sous-coalition. Pour le moment, rien n’est encore décidé’’, déclare Moustapha Diakhaté.
Son point de vue est loin d’être partagé par le porte-parole de la Ld. ‘’Il sera difficile de partir des élections locales de 2014 parce que pour ces élections, les partis membres de Bby ne sont pas allés ensemble partout. Il y a eu une dispersion dans la coalition parce que les leaders locaux ne se sont pas entendus pour élaborer des listes consensuelles. J’estime qu’il revient aux responsables des départements de tous les partis membres de la coalition de trouver un consensus autour des critères d’investiture’’, soutient Moussa Sarr.
Pendant ce temps, Maouloud Diakhaté de l’AFP a une autre idée. Pour le progressiste, il faut refaire ce qui a déjà été fait. ‘’A mon avis, si les leaders se rencontraient pour statuer, la base devrait être les résultats du premier tour de la Présidentielle de 2012 parce que c’est la référence nationale’’.
Mais le partisan de Moustapha Niasse s’empresse d’ajouter qu’il y a de nouvelles réalités sur le terrain politique. ‘’Les partis se recomposent, se massifient et il y a des leaderships nouveaux qui se révèlent avec une bonne nouvelle : l’entrée de la société civile et des candidats indépendants’’.
Pourtant son opinion recoupe parfaitement celle du PS. ‘’Je pense que ce sont les critères de 2012 qui seront mis en avant et la coalition se réunira au niveau départemental pour trouver des solutions. Au cas contraire, il appartient aux leaders de se réunir, de trancher et de prendre des décisions par rapport à des zones ou le consensus ne peut pas prévaloir’’, croit savoir Mamoudou Wane.
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‘’Pour les listes parallèles, ce sera la tolérance zéro’’
Seulement, avant même la coalition, l’APR devrait faire face à ses propres divisions. En 2014, beaucoup de leaders ont passé outre la décision du parti pour créer leurs propres listes. Si d’aucuns avaient perdu, d’autres par contre avaient montré qu’ils avaient raison sur leur leader. En guise d’exemple, Abdou Latif Coulibaly avait perdu à Sokone face à des adversaires qui ont contesté son investiture. Cette bataille en ordre dispersé n’a pas été d’ailleurs sans conséquence. Abdou Mbow avait attribué la défaite de son camp à Thiès à des querelles internes.
A la Médina, Sidy Sam et Seydou Guèye auraient eu sans doute plus de chance pour battre Bamba Fall s’ils étaient ensemble. Or, les démons de la division réapparaissent déjà. Alioune Sall et Abdoulaye Thimbo, des parents du Président, ayant renoncé à être candidats à la députation sur demande de Macky Sall, leurs partisans brandissent la menace du vote-sanction.
Quant aux enseignants du parti dirigés par Amath Suzanne Camara, ils ont manifesté leur intention de créer leur propre liste. ‘’Nous prenons notre destin en main et déclarons ici, solennellement, que nous irons aux Législatives sous notre bannière’’, déclare le coordinateur adjoint du réseau des enseignants, Aliou Fall.
Savent-ils ce qui les attend ? En tout cas, Moustapha Diakhaté se veut sans compromis sur la question. ‘’Pour les listes parallèles, ce sera la tolérance zéro. Tout responsable de l’APR qui se hasarderait à diriger une liste parallèle à celle de Bby sera exclu du parti’’, prévient-il.
À tous ces points s’ajoute une question épineuse : La tête de liste nationale et celle de Dakar. Pour la capitale, le nom d’Abdoulaye Makhtar Diop a été avancé. Même si beaucoup ont du mal à y croire. Dans tous les cas, il se pose un problème de bon profil pour défier Khalifa Sall.
Quant à la liste nationale, des militants de Guédiawaye ont investi le PM la semaine dernière, en attendant la position officielle du parti. ‘’La question n’est pas encore posée, mais au cas où elle le serait, ce sera au président de la coalition de trancher, comme en 2012 et le choix sera certainement accepté par tout le monde’’, tempère Moustapha Diakhaté.
Mais on sait déjà que les partisans de Macky ne veulent pas de Moustapha Niasse comme président de l’Assemblée nationale. Ils ont laissé passer pour une première fois. Et malgré tous les gages de fidélité matérialisés par le renoncement à toutes ambitions politiques, certains ont du mal à accepter le leader de l’AFP à la tête de l’institution.
Bref, en dépit de toutes les apparences, la coalition va vivre des semaines mouvementées et peut-être risquées pour son avenir, surtout à moins de 2 ans de la présidentielle.
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