Un conflit prolongé à l’intérieur d’un pays (guerre civile, sécession armée, insurrection violente et jacquerie meurtrière) est la plus grosse machine à promouvoir la déstabilisation illimitée qui est l’antichambre de la «somalisation». La Casamance n’échappe pas à cette règle. Bien au contraire, elle est logée à cette sinistre enseigne. Car, dans le sud du pays, les militaires ne refoulent pas une armée régulière et étrangère. En Casamance, l’armée nationale combat des nationaux…armés. Autrement dit, le Sénégal est en guerre avec lui-même et contre lui-même, sur son propre territoire. Un cas de figure que couvre la typologie des conflits nouveaux qui – du point des opérations sur le terrain – range la Casamance dans le rayon des guerres asymétriques.
Asymétrique ? Oui et non. Sous l’angle étroit de l’affrontement entre une compagnie de parachutistes bien commandés et un groupe de rebelles fuyant le choc frontal mais diffusant l’insécurité partout, la guerre est asymétrique. En revanche, le caractère latent et larvé de la crise (1982-2018) cristallise et, surtout, favorise symétriquement la montée des périls intérieurs et extérieurs. D’abord, la fin de l’accalmie et la relance de la guerre se transforment en abcès de fixation (politique et budgétaire) pour le gouvernement dont les attentions et les efforts seront primordialement orientés vers la gestion d’une orgie de violences planifiées qui endeuillent des citoyens normalement bénéficiaires de la protection de l’Etat, gèlent le tourisme porté par d’extraordinaires potentialités, figent le développement de la région, enterrent l’émergence nationale, enlaidissent l’image du Sénégal etc. Ensuite, la reprise des hostilités, crée géopolitiquement un ventre mou sur le flanc sud du Sénégal vers lequel toutes les visées et les interférences sous-régionales et internationales convergeront. Le sort du Nord-Mali (simultanément tombé dans l’escarcelle de la France et écumé par les terroristes de tout acabit) fournit un scénario suffisamment cauchemardesque, pour fouetter les réflexions, les volontés et les décisions du Président Macky Sall.
En effet, ce sont quatre choses (toutes fatales) qui frappent les observateurs avertis, avisés et branchés sur le dossier casamançais : le déficit de réflexions, la fluctuation des volontés, l’indécision érigée en décision et l’absence de dessein clair pour la Casamance, en guise de sortie de crise. Est-ce lié au volume et à la qualité des renseignements déposés sur la table du chef de l’Etat ? Difficile de savoir. Toutefois, le flot d’informations et le flux de renseignements charriés par la tuerie odieuse de Boffa-Bayottes (tantôt justes, parfois contradictoires, momentanément fantaisistes) ajoutés aux mesures (teintées de cafouillages) du gouvernement concernant le Code forestier et la pause des coupes, suggèrent une meilleure production, un plus grand éclatement et une plus large autonomie des canaux d’informations et de renseignements de l’Etat. Du temps de Senghor et sous le magistère Diouf-Collin, le canal préfectoral était porté au pinacle. Tout comme les chefs de village et les notables étaient judicieusement mis en branle, pour l’obtention d’un volume de renseignements variés, venant de sources variées. Donc fiables.
Tant que le Renseignement – en période de conflit – ressemble à une pyramide contrôlée et monopolisée au sommet par une entité à dominante militaire (la Délégation Générale aux Renseignements de l’Amiral Farba Sarr), les limites seront vite et objectivement atteintes. Non pas que les militaires soient moins bons que les policiers ou les haut-fonctionnaires – loin s’en faut – ; mais parce que les compétences mixées et les émulations fécondes entre l’Administration territoriale, les services différents et les structures autonomes produisent, ici et ailleurs, les meilleurs résultats. Et, par voie de conséquence, la saine rivalité dans le cloisonnement aide à la prise de la bonne décision. Djibo Ka m’a dit – durant la relecture et la correction du manuscrit de son livre-mémoires – que dans le conflit casamançais, le Ministre de l’Intérieur doit être placé en première ligne et désigné comme chef de file de la mobilisation anti-indépendantiste. C’est le cas en Corse où les policiers, les gendarmes et les Préfets (Gouverneurs) abattent l’essentiel du boulot, sous la supervision de la Place Beauvau. Avec cette différence de taille, que la Corse n’est pas frontalière de la Guinée-Bissau et de la Gambie de Yaya Jammeh. Il semble que cet avis de Djibo Ka sur la Casamance, fut défendu par le Général Tavarès de Souza. D’où les premiers signes de discorde entre le Président Abdou Diouf et son ex-CEMGA.
La valeur du renseignement est d’autant plus capitale que toutes les guerres engendrent des scandales, des dérives et des turpitudes qui leur sont, d’ailleurs, consubstantielles. Le chanteur du Music-Hall, Jacques Prévert, est l’auteur d’une rime horrifique et éloquente à cet égard : «La guerre, les affaires et le cimetière». Effectivement, il y a, en temps de guerre, ceux qui se battent et meurent (les soldats), ceux qui comptent les coups (les journalistes et autres observateurs à l’abri de la fumée et des flammes) et enfin ceux qui tiennent boutique, c’est-à-dire ceux qui se sucrent. Durant la guerre d’Indochine (1949-1954) éclata le scandale de la piastre, du nom de l’ancienne monnaie du Vietnam. Des officiers de l’Intendance étaient de mèche avec des truands corses propriétaires de cabarets, de tripots et de bordels à Saïgon, pour détourner des portions de ravitaillements, notamment les grosses quantités de vin, destinées au Corps Expéditionnaire français. Chez nous, le livre du Colonel Ndao aurait constitué une mine d’informations pour les analystes, les historiens et les décideurs, s’il n’avait pas tendancieusement, excessivement, outrageusement, bêtement et grossièrement ciblé son supérieur, le Général Fall. Du coup, on prend forcément les révélations du Colonel Ndao, avec des pincettes et des réserves. Dans cet ordre d’idées, l’évaluation de la facilitation et celle de l’obscure mission du Comorien Saïd du «HD Genève» doivent être faites. Sans oublier la ténébreuse présence d’une poignée de faux-vrais ou de vrais-faux rebelles dans les parages de Sangalkam. La Casamance est décidément notre talon d’Achille et un boulet lourd à trainer.
C’est pourquoi, le Président de la république doit, toutes activités cessantes, s’informer amplement et se pencher intensément sur la crise casamançaise qui est «une crise nationale» comme la qualifie le Professeur Mamadou Diouf. Un chef d’Etat (homme qui porte l’Etat sur ses épaules) ne peut pas et ne doit pas, à la fois, faire face aux orages rares de l’Histoire et aux polémiques quotidiennes de l’opposition. L’opposition ne gouverne pas et ne fera donc pas face au tribunal de l’Histoire plus sévère que la fameuse CREI. Le premier jalon de la solution repose sur de bonnes informations qui nourrissent les grandes réflexions préludant aux véritables décisions. Il s’agit de porter un regard appuyé sur une région taraudée par un séparatisme tantôt purulent, tantôt résiduel mais profondément sédimenté. Analyser n’est pas approuver, encore moins adhérer aux thèses fondatrices des récriminations historiques du MFDC mais, c’est cerner le casse-tête casamançais pour mieux le résoudre. Il s’agit également de savoir tout ce qui se passe de normal et de moins normal dans la région, afin d’y imposer le respect des lois qui cimente la cohésion nationale.
Comment peut-on comprendre que la précieuse forêt – précieuse pour la Casamance et pour tout le Sénégal – puisse être saccagée sur une échelle presque apocalyptique, sans une réaction instantanée et foudroyante de l’Etat contre les commanditaires, les trafiquants et les coupeurs. Le jaillissement du pétrole au Nord ne justifie pas la mort des végétaux et des arbres géants au Sud. Macky Sall avait-il une idée de l’ampleur du saccage planifié et antinational ? Contrairement à ce que dit ou pense le Colonel Baïdy Ba, patron des Eaux et Forêts, les montants des amendes versées au Trésor public (900 millions, pourquoi pas 900 milliards de francs ?) ne sont pas la riposte appropriée. Paradoxalement et rétrospectivement, le colonisateur français était plus «patriote» dans la colonie du Sénégal que le citoyen sénégalais dans son propre pays émancipé ou indépendant. Rappelons que, dans les années 30, la forêt de Khelcom-Mbégué (région de Kaffrine) fut classée et protégée par un administrateur des colonies très visionnaire et bien briefé par les chercheurs de l’ORSTOM. Double objectif : dresser l’ultime rempart contre la désertification galopante et, par ricochet, mettre la Casamance à l’abri de toute sahélisation. Quelle anticipation ! C’est le Président Abdou qui déclassa la forêt de Khelcom-Mbégué et l’octroya à la confrérie mouride. Successeur non-élu de Léopold Sédar Senghor, le Président Abdou Diouf était à la quête frénétique d’une légitimité, face à son farouche et enquiquinant adversaire, Abdoulaye Wade.
A propos de forêts dévastées et de massacres opérés dans la forêt de Boffa-Bayottes, un monumental signe de résignation est perceptible chez la majorité des Casamançais qui arrivent – au vu l’évolution des choses dans le pays – à la conclusion que leur unique et efficace levier s’appelle : le MFDC. Non seulement, ils n’ont pas de foyers religieux de la taille électorale de Touba et de Tivaouane, pour bénéficier d’infrastructures à l’image des magnifiques «Résidences d’hôtes» et autre ILA TOUBA construites sur fonds publics, mais voilà que des gens venus de partout, ravagent leurs ILA FORET et ILA NATURE qui sont des dons de Dieu, à la Casamance. Bien entendu, cette lecture lasse et murmurée de l’actualité politico-religieuse est peut-être caricaturale, mais elle est, aussi, révélatrice et instructive d’une certaine perception de la gouvernance nationale censée résoudre l’équation de l’équité territoriale évoquée par le chef de l’Etat, Macky Sall dans son discours du 31 décembre.
Ainsi photographié sous toutes facettes (abcès de fixation, ventre mou et pompe à distiller les périls endogènes et exogènes) le conflit en Casamance fait figure d’agenda au-dessus de tous les agendas. En faisant l’inventaire des péripéties sanglantes, des contacts infructueux, des clivages au sein du maquis, des Accords antérieurement signés sans suites, le Président Macky Sall sera confronté à trois impératifs caractéristiques de situations similaires : combattre, négocier et résoudre. En effet, l’action militaire établit ou rétablit le rapport de forces préparatoire à la négociation sous les meilleurs auspices pour l’Etat. Etant entendu que le rapport de forces dans la forêt verte (combats entre l’armée et les rebelles) détermine le rapport de forces autour du tapis vert, c’est-à-dire la table des négociations. Lesquelles (négociations) enfantent la solution.
«Dans une guerre civile, la victoire même est une défaite » écrivait Lucain. Restaurer (je ne dis pas bricoler) la paix en Casamance, sans une esquisse de partition du Sénégal, vaut plus qu’un cinquième mandat. En y arrivant, le Président Macky Sall coiffera au poteau, ses devanciers Wade et Diouf. Mieux, la paix définitivement matérialisée lui conférera une place exceptionnelle dans les livres et manuels d’Histoire qui seront ultérieurement confectionnés pour les futures générations. Le Général de Gaulle n’a pas bouclé son second mandat, il a été congédié par les Français qui ont voté «NON», au référendum d’avril 1969, néanmoins, il reste le plus illustre des Français. Mobutu et Houphouët ont fait combien de mandats ? Avec des héritages respectivement consumés par les feux des guerres civiles au Congo et en Côte d’Ivoire.
Asymétrique ? Oui et non. Sous l’angle étroit de l’affrontement entre une compagnie de parachutistes bien commandés et un groupe de rebelles fuyant le choc frontal mais diffusant l’insécurité partout, la guerre est asymétrique. En revanche, le caractère latent et larvé de la crise (1982-2018) cristallise et, surtout, favorise symétriquement la montée des périls intérieurs et extérieurs. D’abord, la fin de l’accalmie et la relance de la guerre se transforment en abcès de fixation (politique et budgétaire) pour le gouvernement dont les attentions et les efforts seront primordialement orientés vers la gestion d’une orgie de violences planifiées qui endeuillent des citoyens normalement bénéficiaires de la protection de l’Etat, gèlent le tourisme porté par d’extraordinaires potentialités, figent le développement de la région, enterrent l’émergence nationale, enlaidissent l’image du Sénégal etc. Ensuite, la reprise des hostilités, crée géopolitiquement un ventre mou sur le flanc sud du Sénégal vers lequel toutes les visées et les interférences sous-régionales et internationales convergeront. Le sort du Nord-Mali (simultanément tombé dans l’escarcelle de la France et écumé par les terroristes de tout acabit) fournit un scénario suffisamment cauchemardesque, pour fouetter les réflexions, les volontés et les décisions du Président Macky Sall.
En effet, ce sont quatre choses (toutes fatales) qui frappent les observateurs avertis, avisés et branchés sur le dossier casamançais : le déficit de réflexions, la fluctuation des volontés, l’indécision érigée en décision et l’absence de dessein clair pour la Casamance, en guise de sortie de crise. Est-ce lié au volume et à la qualité des renseignements déposés sur la table du chef de l’Etat ? Difficile de savoir. Toutefois, le flot d’informations et le flux de renseignements charriés par la tuerie odieuse de Boffa-Bayottes (tantôt justes, parfois contradictoires, momentanément fantaisistes) ajoutés aux mesures (teintées de cafouillages) du gouvernement concernant le Code forestier et la pause des coupes, suggèrent une meilleure production, un plus grand éclatement et une plus large autonomie des canaux d’informations et de renseignements de l’Etat. Du temps de Senghor et sous le magistère Diouf-Collin, le canal préfectoral était porté au pinacle. Tout comme les chefs de village et les notables étaient judicieusement mis en branle, pour l’obtention d’un volume de renseignements variés, venant de sources variées. Donc fiables.
Tant que le Renseignement – en période de conflit – ressemble à une pyramide contrôlée et monopolisée au sommet par une entité à dominante militaire (la Délégation Générale aux Renseignements de l’Amiral Farba Sarr), les limites seront vite et objectivement atteintes. Non pas que les militaires soient moins bons que les policiers ou les haut-fonctionnaires – loin s’en faut – ; mais parce que les compétences mixées et les émulations fécondes entre l’Administration territoriale, les services différents et les structures autonomes produisent, ici et ailleurs, les meilleurs résultats. Et, par voie de conséquence, la saine rivalité dans le cloisonnement aide à la prise de la bonne décision. Djibo Ka m’a dit – durant la relecture et la correction du manuscrit de son livre-mémoires – que dans le conflit casamançais, le Ministre de l’Intérieur doit être placé en première ligne et désigné comme chef de file de la mobilisation anti-indépendantiste. C’est le cas en Corse où les policiers, les gendarmes et les Préfets (Gouverneurs) abattent l’essentiel du boulot, sous la supervision de la Place Beauvau. Avec cette différence de taille, que la Corse n’est pas frontalière de la Guinée-Bissau et de la Gambie de Yaya Jammeh. Il semble que cet avis de Djibo Ka sur la Casamance, fut défendu par le Général Tavarès de Souza. D’où les premiers signes de discorde entre le Président Abdou Diouf et son ex-CEMGA.
La valeur du renseignement est d’autant plus capitale que toutes les guerres engendrent des scandales, des dérives et des turpitudes qui leur sont, d’ailleurs, consubstantielles. Le chanteur du Music-Hall, Jacques Prévert, est l’auteur d’une rime horrifique et éloquente à cet égard : «La guerre, les affaires et le cimetière». Effectivement, il y a, en temps de guerre, ceux qui se battent et meurent (les soldats), ceux qui comptent les coups (les journalistes et autres observateurs à l’abri de la fumée et des flammes) et enfin ceux qui tiennent boutique, c’est-à-dire ceux qui se sucrent. Durant la guerre d’Indochine (1949-1954) éclata le scandale de la piastre, du nom de l’ancienne monnaie du Vietnam. Des officiers de l’Intendance étaient de mèche avec des truands corses propriétaires de cabarets, de tripots et de bordels à Saïgon, pour détourner des portions de ravitaillements, notamment les grosses quantités de vin, destinées au Corps Expéditionnaire français. Chez nous, le livre du Colonel Ndao aurait constitué une mine d’informations pour les analystes, les historiens et les décideurs, s’il n’avait pas tendancieusement, excessivement, outrageusement, bêtement et grossièrement ciblé son supérieur, le Général Fall. Du coup, on prend forcément les révélations du Colonel Ndao, avec des pincettes et des réserves. Dans cet ordre d’idées, l’évaluation de la facilitation et celle de l’obscure mission du Comorien Saïd du «HD Genève» doivent être faites. Sans oublier la ténébreuse présence d’une poignée de faux-vrais ou de vrais-faux rebelles dans les parages de Sangalkam. La Casamance est décidément notre talon d’Achille et un boulet lourd à trainer.
C’est pourquoi, le Président de la république doit, toutes activités cessantes, s’informer amplement et se pencher intensément sur la crise casamançaise qui est «une crise nationale» comme la qualifie le Professeur Mamadou Diouf. Un chef d’Etat (homme qui porte l’Etat sur ses épaules) ne peut pas et ne doit pas, à la fois, faire face aux orages rares de l’Histoire et aux polémiques quotidiennes de l’opposition. L’opposition ne gouverne pas et ne fera donc pas face au tribunal de l’Histoire plus sévère que la fameuse CREI. Le premier jalon de la solution repose sur de bonnes informations qui nourrissent les grandes réflexions préludant aux véritables décisions. Il s’agit de porter un regard appuyé sur une région taraudée par un séparatisme tantôt purulent, tantôt résiduel mais profondément sédimenté. Analyser n’est pas approuver, encore moins adhérer aux thèses fondatrices des récriminations historiques du MFDC mais, c’est cerner le casse-tête casamançais pour mieux le résoudre. Il s’agit également de savoir tout ce qui se passe de normal et de moins normal dans la région, afin d’y imposer le respect des lois qui cimente la cohésion nationale.
Comment peut-on comprendre que la précieuse forêt – précieuse pour la Casamance et pour tout le Sénégal – puisse être saccagée sur une échelle presque apocalyptique, sans une réaction instantanée et foudroyante de l’Etat contre les commanditaires, les trafiquants et les coupeurs. Le jaillissement du pétrole au Nord ne justifie pas la mort des végétaux et des arbres géants au Sud. Macky Sall avait-il une idée de l’ampleur du saccage planifié et antinational ? Contrairement à ce que dit ou pense le Colonel Baïdy Ba, patron des Eaux et Forêts, les montants des amendes versées au Trésor public (900 millions, pourquoi pas 900 milliards de francs ?) ne sont pas la riposte appropriée. Paradoxalement et rétrospectivement, le colonisateur français était plus «patriote» dans la colonie du Sénégal que le citoyen sénégalais dans son propre pays émancipé ou indépendant. Rappelons que, dans les années 30, la forêt de Khelcom-Mbégué (région de Kaffrine) fut classée et protégée par un administrateur des colonies très visionnaire et bien briefé par les chercheurs de l’ORSTOM. Double objectif : dresser l’ultime rempart contre la désertification galopante et, par ricochet, mettre la Casamance à l’abri de toute sahélisation. Quelle anticipation ! C’est le Président Abdou qui déclassa la forêt de Khelcom-Mbégué et l’octroya à la confrérie mouride. Successeur non-élu de Léopold Sédar Senghor, le Président Abdou Diouf était à la quête frénétique d’une légitimité, face à son farouche et enquiquinant adversaire, Abdoulaye Wade.
A propos de forêts dévastées et de massacres opérés dans la forêt de Boffa-Bayottes, un monumental signe de résignation est perceptible chez la majorité des Casamançais qui arrivent – au vu l’évolution des choses dans le pays – à la conclusion que leur unique et efficace levier s’appelle : le MFDC. Non seulement, ils n’ont pas de foyers religieux de la taille électorale de Touba et de Tivaouane, pour bénéficier d’infrastructures à l’image des magnifiques «Résidences d’hôtes» et autre ILA TOUBA construites sur fonds publics, mais voilà que des gens venus de partout, ravagent leurs ILA FORET et ILA NATURE qui sont des dons de Dieu, à la Casamance. Bien entendu, cette lecture lasse et murmurée de l’actualité politico-religieuse est peut-être caricaturale, mais elle est, aussi, révélatrice et instructive d’une certaine perception de la gouvernance nationale censée résoudre l’équation de l’équité territoriale évoquée par le chef de l’Etat, Macky Sall dans son discours du 31 décembre.
Ainsi photographié sous toutes facettes (abcès de fixation, ventre mou et pompe à distiller les périls endogènes et exogènes) le conflit en Casamance fait figure d’agenda au-dessus de tous les agendas. En faisant l’inventaire des péripéties sanglantes, des contacts infructueux, des clivages au sein du maquis, des Accords antérieurement signés sans suites, le Président Macky Sall sera confronté à trois impératifs caractéristiques de situations similaires : combattre, négocier et résoudre. En effet, l’action militaire établit ou rétablit le rapport de forces préparatoire à la négociation sous les meilleurs auspices pour l’Etat. Etant entendu que le rapport de forces dans la forêt verte (combats entre l’armée et les rebelles) détermine le rapport de forces autour du tapis vert, c’est-à-dire la table des négociations. Lesquelles (négociations) enfantent la solution.
«Dans une guerre civile, la victoire même est une défaite » écrivait Lucain. Restaurer (je ne dis pas bricoler) la paix en Casamance, sans une esquisse de partition du Sénégal, vaut plus qu’un cinquième mandat. En y arrivant, le Président Macky Sall coiffera au poteau, ses devanciers Wade et Diouf. Mieux, la paix définitivement matérialisée lui conférera une place exceptionnelle dans les livres et manuels d’Histoire qui seront ultérieurement confectionnés pour les futures générations. Le Général de Gaulle n’a pas bouclé son second mandat, il a été congédié par les Français qui ont voté «NON», au référendum d’avril 1969, néanmoins, il reste le plus illustre des Français. Mobutu et Houphouët ont fait combien de mandats ? Avec des héritages respectivement consumés par les feux des guerres civiles au Congo et en Côte d’Ivoire.