BBY dans l'affolement (Par Serigne Saliou Guèye)

EDITORIAL
Dimanche 14 Octobre 2018

Ce que les Sénégalais attendent, c’est la critique des solutions imparfaites déclinées dans l’ouvrage de Sonko, en lieu et place des gouailles et des invectives distillées par le camp présidentiel


Aliou Sow : « C’est très facile d’invoquer la droiture alors qu’on n’a jamais été mis à l’épreuve... Ce pays ne sera pas laissé à des aventuriers ! »

Mamadou Ndione, directeur général de la Cosec : « Ousmane Sonko cherche uniquement à faire le buzz ».

Amadou Diouf, conseiller à la Primature : « Sonko, un Ibadou à la conquête du palais ».

Moustapha Diakhaté, chef de cabinet de Macky Sall : « Sonko propose le suicide national… En fait, le national lepénisme tropical de Monsieur Sonko ne fera qu’affaiblir durablement le Sénégal ».

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Députée Adji Mergane Kanouté : « Sonko a plagié le PSE ».

Pape Mahawa Diouf, Mahawa Diouf, secrétaire général de LAS (Limak-Aibd-Summa) : « Ses interrogations trouvent leurs solutions dans le PSE ».

Ahmed Khalifa Niass : « Nous ne voulons pas d’un candidat de Daesh ».

El Hadji Ibrahima Sall : « Sonko doit cesser d’être populiste ».

Le Premier ministre Boun Abdallah Dionne : « Sonko, un enfant qui est sur le Facebook et qui manque d’éducation ».

Tanor : « Il ne faut pas laisser le pays entre les mains d’un jeune aventurier ».

Cissé Lo : « Sonko est un voleur doublé de menteur ».

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Tels sont les quelques propos irraisonnés choisis pêle-mêle dans le florilège des réactions de la mouvance présidentielle enregistrées depuis la parution de "Sonko-Solutions". C’est l’écho du hurlement de la meute des aboyeurs de Bennoo, décidés à s’attaquer voire anéantir l’homme qui empêche le lion de dormir. On constate que ces critiques ad hominem ne portent ni sur l'action ni sur les idées. Il est à croire que le livre-vision d’Ousmane Sonko a semé la panique au sein de la mouvance présidentielle de même que dans l’opposition.  Dès lors, on assiste à un lynchage médiatique très en vogue par les temps qui courent du côté de Bennoo Bokk Yaakaar, à une palanquée de déchaînements destructeurs exécutés par des bulldozers politiques et médiatiques téléguidés depuis les officines de la présidence de la République.  

Aventurier, buzzman, Ibadou, lepéniste, plagiaire, terroriste, enfant mal éduqué, les qualificatifs qui trahissent un affolement patent des gens du pouvoir ne manquent pas pour diaboliser Ousmane Sonko. Ainsi la politique apériste devient une affaire subjective et de mépris haineux. Depuis que le leader de Pastef a subi l’épreuve de la confrontation publique avec des journalistes, des spécialistes des questions économiques et ses militants à la place de la Nation pour expliquer sa vision du Sénégal, des tirs groupés, lâches venant des gens du pouvoir et même de l’opposition ne cessent de pleuvoir sur l’ex-inspecteur des Impôts et Domaines. Ces réactions désinvoltes inspirées par la peur et la haine montrent expressément que les contempteurs de Sonko n’ont pas compulsé une seule page de son livre-vision. Des réactions dénuées de tout fondement et qui mettent à nu la frilosité et la stérilité intellectuelle des gens du pouvoir à engager de véritables débats féconds sur les solutions que propose Sonko. Ce que les Sénégalais attendent toujours, c’est un vrai décorticage critique des solutions imparfaites déclinées dans l’ouvrage-vision de Sonko en lieu et place des gouailles, des invectives et des insanités distillées par les zélotes de la camarilla présidentielle. Une telle mauvaise foi, un tel engagement aveugle des fédayins mackystes s’avèrent indispensables pour apaiser l’angoisse présidentielle au moment où l’on subodore du côté des officines sondagières de Bennoo Bokk Yaakaar, une très probable déconvenue électorale.

Les sondages commandités régulièrement par la Présidence qui placent Sonko devant le président de la République ne manquent pas de susciter une inquiétude en haut lieu. C’est ce qui explique ce délire schizophrénique qui a gagné Macky et les siens. L’ascension politique du chef des Patriotes doit être tuée dans l’œuf. C’est pourquoi toute une machine de destruction politico-médiatique est mise en place par les spin doctors de sa Majesté pour endiguer le phénomène Sonko. Avec l’appui d’une caste d’éditocrates indécrottables, de pseudo-marabouts aux mœurs dissolues (et nous reviendrons sur ces marabouts), il faut entacher et affaiblir l’image du leader des Patriotes dans l’opinion publique d’où ce tintamarre médiatique récent sur les accointances salafistes de Sonko. Malheureusement pour eux, l’image d’homme rigide, rigoriste, impulsif, tranchant, direct et sans concession qu’ils colportent du leader de Pastef est celle qu’approuvent les Sénégalais. Aujourd’hui, ces Sénégalais préfèrent être dirigés par un athée, un agnostique ou un animiste qui puisse, sur la base d’une gouvernance vertueuse et transparente, satisfaire leurs besoins vitaux plutôt que d’avoir à leur tête un soi-disant tidiane, mouride, layène ou khadre prototype absolu de la corruption, de la mal-gouvernance, du népotisme ou du détournement de deniers publics.

Le Sénégal, terre où se meurent toutes les contradictions confessionnelles, ethniques et religieux, n’est pas en butte pas à des problèmes identitaires ou discriminants mais à un problème de système corrupteur et corrompu solidement établi depuis les indépendances et qui sert de vache à lait à tous ces politiciens formatés aux idéologies occidentales détonnant avec nos réalités socioculturelles. C'est pourquoi, le débat identitaire empoisonné que s'échinent à distiller contre Sonko certains bien-pensants du pouvoir suppliciés par leur tube digestif est en train de faire l'effet boomerang.

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Si Moustapha Diakhaté, brut de décoffrage, qualifie Sonko de lépeniste, c’est ignorer même la doctrine frontiste qui puise ses racines dans le nationalisme xénophobe, l’anti-immigration, l’anti-islam. Dans Sonko-Solutions, il n’est ni question de xénophobie encore moins d’hostilité à une quelconque confession religieuse. Toutefois, il ne faut pas verser dans la surenchère du nihilisme qui consiste à jeter aux orties toute la politique du Front national rebaptisé Rassemblement national. La préférence d’une monnaie nationale face au diktat de Bruxelles, l’aversion du libre-échangisme et d’un mondialisme exacerbé et déséquilibré, le retour à la peine de mort, protectionnisme intelligent, le patriotisme économique en privilégiant les entreprises établies en France lors des appels d'offres publics, sont autant de propositions positives consignées dans le programme du RN.

Si avoir une préférence nationale comme le manifeste Sonko, c’est être lepéniste, tous les Sénégalais, excepté ceux qui ont aliéné notre souveraineté et bradé nos ressources nationales aux Français, Chinois, Turcs et Marocains, sont lepénistes. Etre partisan de la préférence nationale ne signifie pas se réfugier dans une autarcie qui enferme notre pays dans un isolationnisme mortifère. C’est promouvoir ses entreprises nationales porteuses de croissance distributive et créatrice d’emplois. D'ailleurs l'article 28 du Code des obligations de l'administration intitulé "Préférence nationale" stipule : « Par dérogation au principe d’égalité de traitement, une préférence peut être attribuée lors de la passation d’un marché aux offres portant sur des fournitures, services ou travaux d’origine ou de fabrication sénégalaise présentés par une entreprise nationale dans les conditions et limites déterminées par le code des marchés publics... » C’est donc dire que la préférence nationale n’est pas une forme de repli sur soi mais une option politique qui place l’intérêt de nos entreprises nationales au-delà des puissantes multinationales.  

Concernant le CFA, si Sonko remet en cause la servitude séculaire à ce franc colonial et prône une souveraineté monétaire nationale, il ne fait que matérialiser un vieux vœu partagé par plusieurs Sénégalais, las d’être les esclaves d’institutions bancaires et financières infantilisantes et asservissantes, qui profitent plus à la métropole qu’à notre pays. D’ailleurs où est l’intérêt voire la pertinence de continuer à vouloir d’une monnaie dont les pays utilisateurs sont toujours parmi les derniers des pays africains ? Selon l'économiste Moussa Dembélé, « parmi les quatorze pays africains de la zone franc, onze figurent dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA), et près de 90 % de leur population vivent avec moins de deux dollars par jour ». Alors quel est l'intérêt de continuer à utiliser une monnaie qui hypothèque notre souveraineté nationale et nous enserre dans les rets du sous-développement ?

En l’absence d’une remise en cause critique de ses ouvrages, les problématiques que soulève Sonko doivent être noyées dans la trivialité, l’aigrissement, le populisme. Tenter de diaboliser le Patriote en chef et de le faire passer pour un agent salafiste dont l’objectif inavoué est de s’attaquer aux confréries établies est plus facile que de critiquer, en bien ou en mal, le fond de sa pensée politique ou de s'interroger sur les grands thèmes qu’il soulève.

Horresco referens, Ahmet Khalifa Niass parle d’un candidat de Daesh. Dans l’entre-deux tours de la présidentielle de 2012, le Méphistophélès du Fap, invité du journaliste Sékou Diémé de Canal Infos, avait affirmé que le candidat de Bennoo était parrainé par des lobbys maçonnico-homosexuels. Pourtant il a été l’un des premiers politiciens à s’agenouiller devant Sa Majesté Macky Sall élu président pour battre sa coulpe et faire acte d’allégeance. Sonko, président, il n’hésiterait pas toute honte bue à être son gentilhomme caudataire.

Aujourd’hui les bien-pensants du Prince ont montré leurs limites et leur impéritie à engager tout débat intellectuel contradictoire. Exceller dans le mensonge, la mauvaise foi et la création de peurs ne saurait être un argumentaire convaincant pour sortir Sonko du cœur de ses militants, sympathisants, groupies et de ceux qui partagent ses valeurs et options de gouvernance. Il faut débattre intellectuellement et sainement, c’est une exigence démocratique. C’est pourquoi, il est impératif pour le pouvoir et certains opposants de recentrer leur politique sur la confrontation des idées, des programmes de développement en faveur du bien collectif et non sur des considérations subjectives. Toute autre initiative ne serait que vanité.