Le président du groupe parlementaire « Benno Bokk Yakaar » tire un bilan satisfaisant du marathon budgétaire qui a pris fin avec l’adoption de la loi de finances 2018. Dans cet entretien, Aymérou Gningue souligne que le Sénégal est dans « une dynamique de croissance forte et soutenue ». Selon lui, cette embellie sera accompagnée par la forte inclinaison sociale du budget, avertissant que les députés vont contrôler et évaluer son exécution. Vous venez de terminer le marathon budgétaire. Quel bilan en tirez-vous ? Nous venons de boucler 60 jours de travail avec pas moins de 35 ministères qui sont passés à l’Assemblée nationale. Nous avons d’abord travaillé avec les commissions techniques, ensuite avec la commission de l’économie générale. Pendant ces 60 jours, nous avons examiné les budgets des différents ministères sectoriels. Le 11 décembre, dernier jour qui bouclait les plénières, l’Assemblée nationale de voter le projet de loi de finances 2018. Le bilan que j’en tire est très positif, c’est un travail passionnant qui doit intéresser tous les Sénégalais, mais que la représentation nationale prend en charge. Les députés sont les représentants du peuple. Nous avons pu, pendant toute cette période, nous approprier les différents programmes que doit mettre en œuvre le gouvernement en 2018 sur le plan de l’investissement mais également du fonctionnement des institutions. Nous avons aussi regardé l’inclinaison que le président de la République a souhaité apporter à ce budget. Elle est fortement sociale, parce que près de 1161 milliards de FCfa seront injectés dans le domaine social. Nous saluons la volonté et l’engagement des députés. Nous saluons également la volonté et l’engagement de l’exécutif, notamment les deux ministres qui nous ont accompagnés durant la session, à savoir Samba Sy, chargé des Relations avec les institutions, et Birima Mangara, chargé du Budget. Il y a eu des débats très passionnants. Nous avons pu mesurer la pertinence des choix gouvernementaux, car ils sont adossés à un programme : le Plan Sénégal émergent. Ce dernier se décline sur les programmes d’actions prioritaires qui s’étalent sur 4 ans. Le budget n’est que la traduction annuelle des objectifs fixés à travers le Pse. Comment le groupe « Benno Bokk Yakaar » a organisé les interventions de ses députés ? Il faut savoir que l’essentiel du travail se fait au niveau des commissions techniques et de la commission de l’économie générale. Les commissions techniques sont des moments durant lesquels les députés échangent avec le ministre. La particularité de cette loi de finances 2018 est que plus de 90 % des députés de la législature présente n'avaient pas participé aux débats d'orientation budgétaire qui sont à la base de sa confection. Comme vous le savez, les débats d’orientation budgétaire qui se font à l’année N préparent le budget de l’année N+1. C’est dans l’organisation de ces débats budgétaires que les préoccupations des populations sont prises en charge grâce au portage fait par les députés. Quand le budget arrive à l’Assemblée, les orientations sont déjà faites et les programmes ficelés. Pour autant, cela n’empêche pas les députés de revenir sur des questions spécifiques et qui peuvent être prises en charge dans le cadre des réserves exceptionnelles. Dans le budget, il y a des ressources non affectées et qui permettent exceptionnellement de satisfaire certains programmes précis jugés prioritaires. Nous pouvons toutefois estimer à 99 % que le budget qui nous est présenté est déjà ficelé avec un cadrage macroéconomique clair qui permet d'apprécier son contenu. Le débat est libre dans les commissions techniques, les commissions de l’économie générale et les plénières. C’est un débat où tous les députés peuvent intervenir. Maintenant, il arrive que, pour des questions de temps, parce que nous y avions déjà travaillé en commission technique et en commission de l’économie générale, les groupes parlementaires et les non-inscrits s’entendent sur l’organisation du débat. Qu’est-ce qui explique les débats houleux enregistrés lors des sessions ? L’Assemblée nationale est un lieu très solennel, mais c’est aussi un lieu de débat politique. Qui parle de débat politique parle de « théâtralisation ». C'est ce qui amène certains, intéressés par les débats politiciens, à grossir le trait. Mais, ce qu’il faut retenir est qu’au-delà de ces aspects théâtraux, l’essentiel du travail est technique. C’est un travail qui permet de revenir sur des questions précises. Les députés interrogent les ministres sur leurs départements, car le rôle du député est d’être le relais entre l’exécutif qui déroule les programmes et les préoccupations des populations. Pour jouer ce rôle, il faut s'approprier le document et s'assurer de la prise en compte de certaines préoccupations qui peuvent être des doléances locales très fortes. On peut ensuite essayer d’incliner le budget vers la prise en compte de ces préoccupations. C’est un travail technique et politique. C’est le lieu où le débat démocratique s’organise. Nous ne sommes pas à l’abri d’une certaine théâtralisation de certains discours. Mais, ce qu’il faut faire, c'est se focaliser sur la cohérence générale du budget de l’Etat, les objectifs que le gouvernement s’est fixés sous la conduite du Premier ministre qui décline la vision du président de la République. Ce faisant, il est aisé de porter un jugement global qui permet d’apprécier la trajectoire du Sénégal sur la voie de l’émergence qu’il s’est fixée d’ici à 2035. Est-ce que le gouvernement est sur la bonne voie ? Oui, nous avons ce sentiment. Un budget de 3709 milliards de FCfa qui prévoit un taux de croissance de 7 % en 2018, c'est important pour notre pays. En sus, il faut considérer que 1340 milliards sont destinés à l’investissement. Nous avons un budget où la part de l’investissement est importante parce qu’on sait que ce pays a besoin d’investissements structurants pour jeter les bases d’une croissance durable. Ce n’est pas un hasard si, en 2015, 2016 et 2017, le Sénégal a réalisé un taux de croissance moyen de 6,5 %. C’est le fruit des efforts qui ont été consentis dans les investissements publics, mais qui vont drainer les investissements privés que le Sénégal attend. C'est aussi la confiance que les partenaires techniques et financiers ont vis-à-vis du Sénégal. Tous ces facteurs combinés font que nous sommes dans une dynamique de croissance forte et soutenue ne pouvant qu'accompagner un budget cohérent qui prend en charge les préoccupations des Sénégalais. Quand le Sénégal réalise trois années durant un taux de croissance moyen supérieur à 6,5 %, on crée de la richesse. Quand vous créez de la richesse, vous êtes en mesure de la distribuer. C’est pourquoi l’inclinaison sociale du budget a été rendue possible. Vous ne pouvez pas distribuer une richesse que vous n’avez pas créée au préalable. C’est ce que le Sénégal est en train de réaliser. Si, par ailleurs, vous regarder le Programme triennal d’investissement public (Ptip), vous vous rendrez compte qu’il est de 6258 milliards de FCfa pour 2018, 2019 et 2020. C’est une mobilisation exceptionnelle. Si le Sénégal se permet d’avoir un Ptip de cette envergure, c’est parce qu’il y a d’abord la confiance des partenaires financiers, ensuite il y a la santé de l’économie sénégalaise. Ce qui guide la vision du président de la République, c'est un développement inclusif. Quand le président dit un Sénégal de tous, un Sénégal pour tous, c’est une forte inclinaison sociale qu’il met en exergue. Il veut réparer les fractures entre les villes et les campagnes. Il veut réparer les fractures entre la capitale, Dakar, et les autres capitales régionales et départementales. C’est une vision inclusive qui permet à tout le Sénégal de pouvoir avancer dans un même rythme pour que tout Sénégalais sente qu’il fait bon vivre dans ce pays. L’inclinaison sociale du budget a été dénoncée par des députés qui y voient une volonté de satisfaire une clientèle politique… C’est le discours politicien. Je crois que l’opposition aurait du applaudir parce qu’elle passe tout son temps à dire que la croissance est quelque chose qui ne se mange pas vu que cela n’impacte pas la vie des populations. Dans les campagnes, nous avons actuellement un taux d’électrification qui frise les 40 %. Quand vous regardez les 4500 km de pistes réalisées, les forages et châteaux d'eau construits, les investissements importants mobilisés dans l’agriculture pour soutenir les paysans, les moyens consacrés à l’allégement des tâches ménagères, alors on ne peut pas dire que la croissance n’a pas impacté les populations surtout les couches les plus fragiles et les plus défavorisées. Oui, elle a bien impacté. Mais, au- delà, le président a dit qu’il va mettre en place un mécanisme pour l’emploi rapide des jeunes et des femmes. C’est un programme révolutionnaire que tout Sénégalais devrait soutenir. Combien de Sénégalais sont-ils ceux ayant un métier après avoir bénéficié d'une formation dans les écoles de formations professionnelles et techniques ou d’un apprentissage par compagnonnage et qui ont besoin d’avoir un capital minimum pour s’équiper afin de se lancer dans l’entreprise individuelle ? Ce pays se fera avec les entreprises individuelles et les petites et moyennes entreprises. C’est ce qui permettra de donner du travail à tout Sénégalais. Ce combat, pour le gagner, il faut aider le secteur informel. Il faudra aussi accompagner nos artisans pour participer à la bataille de la croissance économique soutenue de ce pays. Les 30 milliards de FCfa qui seront mis dans l’entreprenariat ne sont pas des dons. C’est une façon de booster la croissance. Quand l’Etat aide ces jeunes à s’insérer dans le tissu économique, il crée de la richesse. C’est ce cercle vertueux de création de la richesse qui permet une meilleure redistribution. (adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Les députés vont-ils se contenter uniquement d’adopter le budget ? Non. Nous avons plusieurs rôles. Le premier est d’adopter la loi de finances. Mais, après cette étape, nous devons contrôler l’exécution du budget. Nous avons un rôle beaucoup plus important qui est l’évaluation des politiques publiques. Nous contrôlons l’exécutif dans le travail qu’il fait tous les jours, mais nous avons aussi la possibilité de nous prononcer sur la pertinence des politiques publiques. Le bureau de l'Assemblée nationale a créé, sous l'impulsion du président Moustapha Niasse, une commission dirigée par un vice-président, Abdoulaye Makhtar Diop, dont l'une des missions est de définir le cadre et donner le contenu avec lequel nous allons procéder à l’évaluation des politiques publiques. A cela s’ajoute le fait que le gouvernement doit passer régulièrement au Parlement pour des questions d'actualité et/ou des questions orales. Nous avons la chance d’avoir un Parlement où il y a une très forte représentation d’élus locaux. Ces derniers sont des personnes très ancrées dans leurs bases. Nous avons aussi, pour la première fois, un Ptip qui a été réparti par région. Avant, il y avait juste le chiffre global. Aujourd’hui, sur 6258 milliards de FCfa, nous pouvons dire la part de chaque région. Nous avons non seulement cela, mais nous avons aussi des fiches qui permettent de connaître les projets pris en compte dans chacune des 14 régions du Sénégal. Propos recueillis par Babacar DIONE