23 août 2019 : 40e jour de la mort de Tanor et jour, l’inhumation de Jacques Diouf, Amath Dansokho en a profité pour tirer sa révérence. Cet homme qui a marqué l’histoire politique sénégalaise d’une empreinte indélébile est né le 13 janvier 1937 à Kédougou est décédé à 82 ans des suites d’une maladie qui l’a éloigné du landerneau politique depuis quelques années.
Un tel personnage ne pouvait se retirer sans date symbolique. Les grands hommes ne meurent jamais dans l’anonymat. Et Amath a inscrit en lettres d’or son nom dans la lutte révolutionnaire, cette lutte qui affranchit toujours de la domination impérialiste, cette lutte qui libère des chaines humiliantes de la néo-colonisation post-indépendance.
Mais pour quelqu’un qui s’est nourri de la sève nourricière marxiste-léniniste du Parti africain de l’indépendance (Pai), creuset d’un ensemble d’idées qui devaient s’opposer à la perpétuation de l’idéologie coloniale et de ses valets locaux, il n’est pas étonnant que toute la vie d’Amath Dansokho se résumât, en un interminable combat. L’histoire du militantisme d’Amath Dansokho n’a pas été long fleuve tranquille. Il entre en politique dès 1949. D’abord Senghoriste jusqu’en 1951 à Saint-Louis, il adhère ensuite au Rassemblement Démocratique Africain et en 1957, il adhère au Pai. En classe de Première, il dirige la première grande grève des élèves de Saint-Louis. Lui et ses camarades assiègent le bureau du proviseur. Amath Dansokho sera arrêté avant d’être relâché grâce à l’intervention de Amadou Moctar Mbow, alors directeur de l’Education de base.
Après son bac en 1958 au Lycée Faidherbe, le jeune Dansokho débarque à l’Université de Dakar où il s’inscrit à la Faculté des Lettres et Sciences économiques. Elu vice-président de l’Union générale des étudiants l’Afrique occidentale française (Ugeao), il se frotte au régime de Senghor. Son premier déboire sera l’interdiction de la publication du journal Dakar-Etudiant par le Président Senghor qui menace l’imprimerie Diop de «l’exclure du marché public». Faute de trouver une imprimerie qui ait le courage d’éditer son journal Amath se rend chez Ahmed Sékou Touré, figure légendaire de la révolution guinéenne pour imprimer ce journal. D’ailleurs son militantisme acharné et engagé ne lui permit pas de continuer ses études universitaires. Ainsi après deux ans en Sciences Economiques à l’Université de Dakar, il doit tout abandonner pour des raisons politiques. Au niveau du Pai, il est Secrétaire à l’éducation du parti au niveau territorial, vice-président du Conseil de la jeunesse du Sénégal et vice-président de la jeunesse d’Afrique.
Mais la volonté de renverser le pouvoir de Senghor par les armes qui va peser sur ses activités politiques. Le 30 juillet 1960, lui, Majhemout d’autres militants du PAI lancent alors l’assaut contre la gouvernance de Saint-Louis. Mais cette tentative de putsch va échouer. La figure centrale du Pai et ses complices sont arrêtés, puis condamnés. Son parti sera interdit. Dansokho reconnait par la suite que lui et les siens ont commis sur une fausse appréciation cette connerie. D’ailleurs, le juge Ousmane Camara, dans son ouvrage « Mémoire d’un juge africain, itinéraire d’un homme libre », affirme que « les 22 signataires du manifeste, presque tous des Saint-Louisiens d’origine ou d’adoption de Thiès, ont créé dans la précipitation sur la base du mécontentement populaire des populations locales causé par le transfert de la capitale à Dakar ». Et par conséquent, ils ont voulu, à partir des élections municipales de 1960, créer semer le désordre à Saint-Louis pour récolter le pouvoir à Dakar. Ce qui a été un échec. D’ailleurs dans son ouvrage, Ousmane Camara relate que cette erreur leur valu presque deux décennies de clandestinité. Il faut voir que l’armée française a joué un rôle majeur dans cette tentative de putsch. En juin 1964, soupçonné de vouloir préparer une «insurrection» contre le régime senghorien, Amath Dansokho sera encore arrêté puis condamné, avant de bénéficier d’une liberté provisoire.
Direction : Prague sur recommandation de Maj. Dansokho y poursuit ses activités de journaliste. Il y séjourne pendant 12 ans. Si on en croit Maguèye Kassé, autre figure marquante de la politique sénégalaise, la scission du Pai intervient en 1976 quand Senghor a instauré le multipartisme quadripartite. « Lorsque le président Senghor avait décidé d’officialiser d’attribuer le courant marxiste à Mahjemout, le parti, dans ses documents avait démis Mahjemouth Diop de ses fonctions de secrétaire général du Pai. Malgré tout, Jean Collin avait décidé de le reconnaitre comme celui qui devait incarner le courant marxiste. Ceci étant, il avait l’autorisation de recréer le Pai, alors que les organes du parti avaient élu Seydou Cissokho comme successeur de Mahjemouth Diop. De notre côté, nous avions décidé de poursuivre la voie de la clandestinité. Après le départ de Senghor, Abdou Diouf avait opté pour l’ouverture démocratique intégrale, nous permettant de revenir à la vie légale. Nous n’avons pas voulu continuer à entretenir la confusion entre Pai clandestin et Pai version Mahjemouth Diop. Il est alors revenu au Congrès constitutif de 1981 de mettre sur place le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) », renseigne le professeur d’université Maguèye Kassé.
Aux élections générales de 1988, il est arrêté et emprisonné avec d’autres figures de l’opposition dont Abdoulaye Wade avant de bénéficier d’un lieu. Avec Abdoulaye Wade et Abdoulaye Bathily, Dansokho, à la faveur de l’entrisme intègre le 2 juin 1993, le gouvernement de majorité présidentielle élargie dirigée par Habib Thiam comme ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Il sera défenestré le 12 septembre 1995, à cause de la dénonciation de la mal-gouvernance du pays qui régnait dans le pays quand Abdou Diouf était retenu en France pour des soins médicaux.
Il jouera, par la suite, un rôle déterminant dans l’alternance de 2000 avec la mise en place de la CA 2000 et du FAL. Devenu ministre dans le gouvernement de l’alternance, il sera à nouveau défenestré après huit mois de présence. Son franc-parler le pousse toujours à dénoncer les actes de mal-gouvernance. Et à partir de cette date jusqu’à la chute de Wade en 2012, jamais le leader du Pit n’a cessé de se battre pour ses idéaux de justice et de liberté. Même Macky au pouvoir, il n’a pas manqué dans une interview dans l’Obs en 2015 d’alerter le président de la République sur le danger qui guette le pays. Une telle alerte n’avait manqué de faire sortir hors de ses gonds le ministre des collectivités locales Oumar Youm qui l’attaqua sans aménités. Tout cela montre le caractère de l’homme politique qui n’hésite pas à user de sa liberté d’expression pour fustiger les dérives de ses partisans tout comme celles de ses adversaires.
Certes on peut dire que le Pit a perdu son âme en entrant dans le gouvernement de majorité élargie d’Habib Thiam. Cet entrisme était considéré par des hommes de gauches comme un collaborationnisme conspirationniste et contributionniste à un régime politique symbolisant le néo-colonialisme et étant aux antipodes des préoccupations des masses populaires. Et le mur de Berlin étant tombé, les idéologies se sont étiolées du fait de ses adeptes locaux qui ont privilégié la lutte des places à la lutte des classes. On pourrait dire la même chose à propos de la LD, AJ et de toutes autres micro-forces de gauche qui ont jeté le marteau et la faucille pour gouter aux lambris dorés du pouvoir.
Malgré une fin de carrière politique qui contraste à l’idéal de ses débuts de combat, Amath est resté, il n’a pas démissionné de son combat pour la liberté, la démocratie et la justice. C’est la leçon principale retenue du Che qui disait qu’« un révolutionnaire ne démissionne jamais ».
Serigne Saliou Guèye
Un tel personnage ne pouvait se retirer sans date symbolique. Les grands hommes ne meurent jamais dans l’anonymat. Et Amath a inscrit en lettres d’or son nom dans la lutte révolutionnaire, cette lutte qui affranchit toujours de la domination impérialiste, cette lutte qui libère des chaines humiliantes de la néo-colonisation post-indépendance.
Mais pour quelqu’un qui s’est nourri de la sève nourricière marxiste-léniniste du Parti africain de l’indépendance (Pai), creuset d’un ensemble d’idées qui devaient s’opposer à la perpétuation de l’idéologie coloniale et de ses valets locaux, il n’est pas étonnant que toute la vie d’Amath Dansokho se résumât, en un interminable combat. L’histoire du militantisme d’Amath Dansokho n’a pas été long fleuve tranquille. Il entre en politique dès 1949. D’abord Senghoriste jusqu’en 1951 à Saint-Louis, il adhère ensuite au Rassemblement Démocratique Africain et en 1957, il adhère au Pai. En classe de Première, il dirige la première grande grève des élèves de Saint-Louis. Lui et ses camarades assiègent le bureau du proviseur. Amath Dansokho sera arrêté avant d’être relâché grâce à l’intervention de Amadou Moctar Mbow, alors directeur de l’Education de base.
Après son bac en 1958 au Lycée Faidherbe, le jeune Dansokho débarque à l’Université de Dakar où il s’inscrit à la Faculté des Lettres et Sciences économiques. Elu vice-président de l’Union générale des étudiants l’Afrique occidentale française (Ugeao), il se frotte au régime de Senghor. Son premier déboire sera l’interdiction de la publication du journal Dakar-Etudiant par le Président Senghor qui menace l’imprimerie Diop de «l’exclure du marché public». Faute de trouver une imprimerie qui ait le courage d’éditer son journal Amath se rend chez Ahmed Sékou Touré, figure légendaire de la révolution guinéenne pour imprimer ce journal. D’ailleurs son militantisme acharné et engagé ne lui permit pas de continuer ses études universitaires. Ainsi après deux ans en Sciences Economiques à l’Université de Dakar, il doit tout abandonner pour des raisons politiques. Au niveau du Pai, il est Secrétaire à l’éducation du parti au niveau territorial, vice-président du Conseil de la jeunesse du Sénégal et vice-président de la jeunesse d’Afrique.
Mais la volonté de renverser le pouvoir de Senghor par les armes qui va peser sur ses activités politiques. Le 30 juillet 1960, lui, Majhemout d’autres militants du PAI lancent alors l’assaut contre la gouvernance de Saint-Louis. Mais cette tentative de putsch va échouer. La figure centrale du Pai et ses complices sont arrêtés, puis condamnés. Son parti sera interdit. Dansokho reconnait par la suite que lui et les siens ont commis sur une fausse appréciation cette connerie. D’ailleurs, le juge Ousmane Camara, dans son ouvrage « Mémoire d’un juge africain, itinéraire d’un homme libre », affirme que « les 22 signataires du manifeste, presque tous des Saint-Louisiens d’origine ou d’adoption de Thiès, ont créé dans la précipitation sur la base du mécontentement populaire des populations locales causé par le transfert de la capitale à Dakar ». Et par conséquent, ils ont voulu, à partir des élections municipales de 1960, créer semer le désordre à Saint-Louis pour récolter le pouvoir à Dakar. Ce qui a été un échec. D’ailleurs dans son ouvrage, Ousmane Camara relate que cette erreur leur valu presque deux décennies de clandestinité. Il faut voir que l’armée française a joué un rôle majeur dans cette tentative de putsch. En juin 1964, soupçonné de vouloir préparer une «insurrection» contre le régime senghorien, Amath Dansokho sera encore arrêté puis condamné, avant de bénéficier d’une liberté provisoire.
Direction : Prague sur recommandation de Maj. Dansokho y poursuit ses activités de journaliste. Il y séjourne pendant 12 ans. Si on en croit Maguèye Kassé, autre figure marquante de la politique sénégalaise, la scission du Pai intervient en 1976 quand Senghor a instauré le multipartisme quadripartite. « Lorsque le président Senghor avait décidé d’officialiser d’attribuer le courant marxiste à Mahjemout, le parti, dans ses documents avait démis Mahjemouth Diop de ses fonctions de secrétaire général du Pai. Malgré tout, Jean Collin avait décidé de le reconnaitre comme celui qui devait incarner le courant marxiste. Ceci étant, il avait l’autorisation de recréer le Pai, alors que les organes du parti avaient élu Seydou Cissokho comme successeur de Mahjemouth Diop. De notre côté, nous avions décidé de poursuivre la voie de la clandestinité. Après le départ de Senghor, Abdou Diouf avait opté pour l’ouverture démocratique intégrale, nous permettant de revenir à la vie légale. Nous n’avons pas voulu continuer à entretenir la confusion entre Pai clandestin et Pai version Mahjemouth Diop. Il est alors revenu au Congrès constitutif de 1981 de mettre sur place le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) », renseigne le professeur d’université Maguèye Kassé.
Aux élections générales de 1988, il est arrêté et emprisonné avec d’autres figures de l’opposition dont Abdoulaye Wade avant de bénéficier d’un lieu. Avec Abdoulaye Wade et Abdoulaye Bathily, Dansokho, à la faveur de l’entrisme intègre le 2 juin 1993, le gouvernement de majorité présidentielle élargie dirigée par Habib Thiam comme ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Il sera défenestré le 12 septembre 1995, à cause de la dénonciation de la mal-gouvernance du pays qui régnait dans le pays quand Abdou Diouf était retenu en France pour des soins médicaux.
Il jouera, par la suite, un rôle déterminant dans l’alternance de 2000 avec la mise en place de la CA 2000 et du FAL. Devenu ministre dans le gouvernement de l’alternance, il sera à nouveau défenestré après huit mois de présence. Son franc-parler le pousse toujours à dénoncer les actes de mal-gouvernance. Et à partir de cette date jusqu’à la chute de Wade en 2012, jamais le leader du Pit n’a cessé de se battre pour ses idéaux de justice et de liberté. Même Macky au pouvoir, il n’a pas manqué dans une interview dans l’Obs en 2015 d’alerter le président de la République sur le danger qui guette le pays. Une telle alerte n’avait manqué de faire sortir hors de ses gonds le ministre des collectivités locales Oumar Youm qui l’attaqua sans aménités. Tout cela montre le caractère de l’homme politique qui n’hésite pas à user de sa liberté d’expression pour fustiger les dérives de ses partisans tout comme celles de ses adversaires.
Certes on peut dire que le Pit a perdu son âme en entrant dans le gouvernement de majorité élargie d’Habib Thiam. Cet entrisme était considéré par des hommes de gauches comme un collaborationnisme conspirationniste et contributionniste à un régime politique symbolisant le néo-colonialisme et étant aux antipodes des préoccupations des masses populaires. Et le mur de Berlin étant tombé, les idéologies se sont étiolées du fait de ses adeptes locaux qui ont privilégié la lutte des places à la lutte des classes. On pourrait dire la même chose à propos de la LD, AJ et de toutes autres micro-forces de gauche qui ont jeté le marteau et la faucille pour gouter aux lambris dorés du pouvoir.
Malgré une fin de carrière politique qui contraste à l’idéal de ses débuts de combat, Amath est resté, il n’a pas démissionné de son combat pour la liberté, la démocratie et la justice. C’est la leçon principale retenue du Che qui disait qu’« un révolutionnaire ne démissionne jamais ».
Serigne Saliou Guèye