Par Amadou Tidiane Wone
Cette fin d’année 2017 aura été riche en leçons, notamment du point de vue de l’impératif de transparence dans la gestion des affaires publiques. Très inspirée, Madame le Premier ministre Aminata Touré a ouvert le bal en jetant un pavé dans la mare. Alors que rien ne l’y obligeait, elle a remis au cœur de l’actualité le principe de reddition des comptes qui tombait, à l’insu de tous, dans une relative désuétude. Manœuvre politicienne ou rappel opportun des engagements primordiaux? L’avenir nous édifiera sur les motivations réelles de Madame Aminata Touré.
(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Pour l’heure, nous comptons les coups (coûts?) à l’intérieur de la majorité présidentielle mais aussi, et plus généralement, dans l’espace public qui s’anime à ce sujet.
À cet égard, la sortie récente du Procureur Spécial Alioune Ndao, champion de la «traque des biens mal acquis» démissionné en pleine audience de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ( CREI), mérite que l’on s’y arrête. Entre autres confessions magistrales:
«Malheureusement, le magistrat suit parfois la volonté de l’exécutif pour ne pas mécontenter l’autorité hiérarchique alors qu’il doit, poliment mais fermement, refuser. Et celui qui ose braver l’ordre de la tutelle se retrouve sans défense face aux foudres de la chancellerie.»
Aveu d’impuissance ou de soumission à l’exécutif ne pouvait être plus explicite. Cette voix autorisée, s’il en est, dit tout haut ce qui se murmure, depuis trop longtemps, dans les chaumières: les magistrats ne sont pas libres de dire le droit ! Il arrive même qu’il lui torde le coup pour plaire au Prince.
Ces propos, tenus lors du colloque de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) ne sont pas anodins. Les travaux portaient en effet sur: «L’Indépendance de la justice au Sénégal : état des lieux et perspectives.»
Le lieu et le moment ne pouvaient donc être mieux choisis par le Procureur Ndao pour se confesser ou solder des comptes (?). Là aussi les jours à venir devraient nous édifier sur les enjeux de tout ce déballage qui ne doit rien au hasard. Il est devenu en effet évident que les ingrédients d’une crise de confiance, sans précédent, s’installent entre les justiciables et le système judiciaire sénégalais. Des rumeurs, voire des attaques contre des faits de corruption et d’actes, moralement répréhensibles, hantent Thémis. On ne pourra plus maintenir fermé, encore très longtemps, le couvercle de la marmite qui bout...
Le président de l’UMS, Souleymane Téliko en est d’ailleurs très conscient lui qui dit, lors de son discours inaugural:
«Certes, c’est une lapalissade que d’affirmer que ces attaques ne font guère plaisir aux acteurs judiciaires que nous sommes. Mais c’est encore plus préoccupant lorsqu’on pense qu’il pourrait s’agir des prémisses d’une rupture de confiance entre nos concitoyens et leur justice. Rappelons-nous à cet égard, la célèbre mise en garde de Balzac : «Se méfier de la magistrature et mépriser les juges, c’est le commencement de la dissolution sociale».
Le malaise est donc réel. Quant à la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire, le Procureur Ndao l’illustre en ces termes :
«Les instructions sont données par voie téléphonique ou au cours de réunions et gare au procureur téméraire qui osera aller à l’encontre des desiderata de la chancellerie. Les instructions du ministère de la Justice envers le procureur général doivent être écrites et non orales. Il arrive que l’on demande même au procureur de la République de ne plus répondre à des injonctions données par un procureur général. De tels dysfonctionnements ne peuvent que desservir la justice.»
No comment.
Revenons à la polémique lancée par Madame Aminata Touré. Elle relance le sujet sur la traque des biens mal acquis, en nous donnant l’occasion d’évaluer les résultats obtenus à l’aune des engagements initiaux. Il nous tarde donc de savoir si :
les accusations portées sur le régime de Abdoulaye Wade, quant au pillage des deniers publics sont finalement avérées. Des 4000 milliards allégués pour justifier la traque en 2012, par un Ministre d’Etat toujours en fonction, au 152,9 milliards récupérés dont la traçabilité est possible selon le communiqué du Gouvernement en 2017, il y a un monde! Il va falloir nous éclairer. De l’argent a été récupéré. Soit. Dans quelle procédure? Sur qui? Quand? Comment?
Au demeurant, le bilan financier de la traque devrait nous indiquer le coût de fonctionnement de la CREI et faire apparaître, la pertinence ou non, de son mode opératoire. On pourra ainsi évaluer l’opportunité de son instauration au grand dam des institutions de droit commun.
Quels sont les dossiers en instance devant la CREI et quel serait leur état d’avancement?
Quel est, dans le même temps, le bilan de l’OFNAC qui a commandité une étude révélant que le chiffre d’affaires de la corruption au Sénégal serait environ de 118 milliards de francs? Quelle est la «part de marché» de l’OFNAC dans cette ripaille? Plus simplement: que fait l’OFNAC pour juguler ce mal?
Toute cette ambiance de confiance entamée, à un an de la fin du mandat présidentiel, mérite l’élucidation des zones d’ombres et la sanction exemplaire des fautes s’il y’en a eu. En tout état de cause, cette agitation ne doit surtout pas servir d’écran de fumée pour masquer, voire occulter les méfaits en cours. Les nombreux scandales, avérés ou non, dont fait état la presse tous les jours méritent d’être clarifiés en temps réel. Parler du passé peut en effet distraire du présent et embuer la vision d’avenir. Restons vigilants et, à cet égard, il est urgent de rappeler au nouveau Directeur général du quotidien national le Soleil que cet organe n’appartient pas à son parti.
Il est financé par l’argent des contribuables appartenant à toutes les sensibilités. Vouloir, en 2018, gérer le Soleil comme la PRAVDA de la grande époque, serait une aventure sans lendemains. L’éditorial servi ce 02 janvier 2018 est une lettre d’adoration à l’endroit du Président de l’APR. Elle aurait pu être réservée à son illustre destinataire. Heureusement qu’il y a encore les caricatures de Samba Fall, et la rubrique nécrologique, pour justifier l’achat du quotidien national. Un organe où se morfondent des plumes de haut niveau et des journalistes de haut lignage qui doivent souffrir, dans leur chair, de voir leur outil de travail entre des mains qui s’assument comme «colorées et en mission.»
Bref, il y a des comportements, que l’on croyait révolus, qu’il va falloir combattre vigoureusement. Le temps des manipulations par la presse est révolu. Des lieux de contestation du messianisme médiatique sont nés. À travers les réseaux sociaux et via internet, des espaces de déconstruction de la parole usurpée existent. Ils contiennent et réduisent à néant toutes les vanités prétentieuses qui veulent nous dépeindre la réalité telle qu’elle n’est pas.
Au fait, puisque selon le nouveau directeur général du Soleil, tout va très bien au Sénégal, que ne délivre-t-on les milliers de cartes d’identité et d’électeurs en souffrance pour permettre aux électeurs de le confirmer ou de l’infirmer en 2019 ?
* Le titre est de la rédaction
Cette fin d’année 2017 aura été riche en leçons, notamment du point de vue de l’impératif de transparence dans la gestion des affaires publiques. Très inspirée, Madame le Premier ministre Aminata Touré a ouvert le bal en jetant un pavé dans la mare. Alors que rien ne l’y obligeait, elle a remis au cœur de l’actualité le principe de reddition des comptes qui tombait, à l’insu de tous, dans une relative désuétude. Manœuvre politicienne ou rappel opportun des engagements primordiaux? L’avenir nous édifiera sur les motivations réelles de Madame Aminata Touré.
(adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); Pour l’heure, nous comptons les coups (coûts?) à l’intérieur de la majorité présidentielle mais aussi, et plus généralement, dans l’espace public qui s’anime à ce sujet.
À cet égard, la sortie récente du Procureur Spécial Alioune Ndao, champion de la «traque des biens mal acquis» démissionné en pleine audience de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ( CREI), mérite que l’on s’y arrête. Entre autres confessions magistrales:
«Malheureusement, le magistrat suit parfois la volonté de l’exécutif pour ne pas mécontenter l’autorité hiérarchique alors qu’il doit, poliment mais fermement, refuser. Et celui qui ose braver l’ordre de la tutelle se retrouve sans défense face aux foudres de la chancellerie.»
Aveu d’impuissance ou de soumission à l’exécutif ne pouvait être plus explicite. Cette voix autorisée, s’il en est, dit tout haut ce qui se murmure, depuis trop longtemps, dans les chaumières: les magistrats ne sont pas libres de dire le droit ! Il arrive même qu’il lui torde le coup pour plaire au Prince.
Ces propos, tenus lors du colloque de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) ne sont pas anodins. Les travaux portaient en effet sur: «L’Indépendance de la justice au Sénégal : état des lieux et perspectives.»
Le lieu et le moment ne pouvaient donc être mieux choisis par le Procureur Ndao pour se confesser ou solder des comptes (?). Là aussi les jours à venir devraient nous édifier sur les enjeux de tout ce déballage qui ne doit rien au hasard. Il est devenu en effet évident que les ingrédients d’une crise de confiance, sans précédent, s’installent entre les justiciables et le système judiciaire sénégalais. Des rumeurs, voire des attaques contre des faits de corruption et d’actes, moralement répréhensibles, hantent Thémis. On ne pourra plus maintenir fermé, encore très longtemps, le couvercle de la marmite qui bout...
Le président de l’UMS, Souleymane Téliko en est d’ailleurs très conscient lui qui dit, lors de son discours inaugural:
«Certes, c’est une lapalissade que d’affirmer que ces attaques ne font guère plaisir aux acteurs judiciaires que nous sommes. Mais c’est encore plus préoccupant lorsqu’on pense qu’il pourrait s’agir des prémisses d’une rupture de confiance entre nos concitoyens et leur justice. Rappelons-nous à cet égard, la célèbre mise en garde de Balzac : «Se méfier de la magistrature et mépriser les juges, c’est le commencement de la dissolution sociale».
Le malaise est donc réel. Quant à la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire, le Procureur Ndao l’illustre en ces termes :
«Les instructions sont données par voie téléphonique ou au cours de réunions et gare au procureur téméraire qui osera aller à l’encontre des desiderata de la chancellerie. Les instructions du ministère de la Justice envers le procureur général doivent être écrites et non orales. Il arrive que l’on demande même au procureur de la République de ne plus répondre à des injonctions données par un procureur général. De tels dysfonctionnements ne peuvent que desservir la justice.»
No comment.
Revenons à la polémique lancée par Madame Aminata Touré. Elle relance le sujet sur la traque des biens mal acquis, en nous donnant l’occasion d’évaluer les résultats obtenus à l’aune des engagements initiaux. Il nous tarde donc de savoir si :
les accusations portées sur le régime de Abdoulaye Wade, quant au pillage des deniers publics sont finalement avérées. Des 4000 milliards allégués pour justifier la traque en 2012, par un Ministre d’Etat toujours en fonction, au 152,9 milliards récupérés dont la traçabilité est possible selon le communiqué du Gouvernement en 2017, il y a un monde! Il va falloir nous éclairer. De l’argent a été récupéré. Soit. Dans quelle procédure? Sur qui? Quand? Comment?
Au demeurant, le bilan financier de la traque devrait nous indiquer le coût de fonctionnement de la CREI et faire apparaître, la pertinence ou non, de son mode opératoire. On pourra ainsi évaluer l’opportunité de son instauration au grand dam des institutions de droit commun.
Quels sont les dossiers en instance devant la CREI et quel serait leur état d’avancement?
Quel est, dans le même temps, le bilan de l’OFNAC qui a commandité une étude révélant que le chiffre d’affaires de la corruption au Sénégal serait environ de 118 milliards de francs? Quelle est la «part de marché» de l’OFNAC dans cette ripaille? Plus simplement: que fait l’OFNAC pour juguler ce mal?
Toute cette ambiance de confiance entamée, à un an de la fin du mandat présidentiel, mérite l’élucidation des zones d’ombres et la sanction exemplaire des fautes s’il y’en a eu. En tout état de cause, cette agitation ne doit surtout pas servir d’écran de fumée pour masquer, voire occulter les méfaits en cours. Les nombreux scandales, avérés ou non, dont fait état la presse tous les jours méritent d’être clarifiés en temps réel. Parler du passé peut en effet distraire du présent et embuer la vision d’avenir. Restons vigilants et, à cet égard, il est urgent de rappeler au nouveau Directeur général du quotidien national le Soleil que cet organe n’appartient pas à son parti.
Il est financé par l’argent des contribuables appartenant à toutes les sensibilités. Vouloir, en 2018, gérer le Soleil comme la PRAVDA de la grande époque, serait une aventure sans lendemains. L’éditorial servi ce 02 janvier 2018 est une lettre d’adoration à l’endroit du Président de l’APR. Elle aurait pu être réservée à son illustre destinataire. Heureusement qu’il y a encore les caricatures de Samba Fall, et la rubrique nécrologique, pour justifier l’achat du quotidien national. Un organe où se morfondent des plumes de haut niveau et des journalistes de haut lignage qui doivent souffrir, dans leur chair, de voir leur outil de travail entre des mains qui s’assument comme «colorées et en mission.»
Bref, il y a des comportements, que l’on croyait révolus, qu’il va falloir combattre vigoureusement. Le temps des manipulations par la presse est révolu. Des lieux de contestation du messianisme médiatique sont nés. À travers les réseaux sociaux et via internet, des espaces de déconstruction de la parole usurpée existent. Ils contiennent et réduisent à néant toutes les vanités prétentieuses qui veulent nous dépeindre la réalité telle qu’elle n’est pas.
Au fait, puisque selon le nouveau directeur général du Soleil, tout va très bien au Sénégal, que ne délivre-t-on les milliers de cartes d’identité et d’électeurs en souffrance pour permettre aux électeurs de le confirmer ou de l’infirmer en 2019 ?
* Le titre est de la rédaction