A mon ami Khalifa Sall, bonne fête de Korité

TRIBUNE LIBRE
Mardi 4 Juin 2019

Cher ami, dans moins de quarante-huit heures, la précision ne pouvant être de mise dans notre pays en pareille occasion, nous allons célébrer, du moins pour  la grande majorité d’entre nous, la Korité marquant la fin d’un mois d’abstinence, de pénitence, de privations et de ferveur religieuse. Ce mois sacré nous aura permis de revisiter les axiomes de notre foi et les préceptes de notre religion révélée par notre cher et bien aimé Prophète (PSL). Vous comprendrez  qu’il s’agit d’un moment solennel ou les musulmans se retrouvent dans la concorde, sollicitant mutuellement la rémission des torts volontaires ou involontaires qu’ils se sont faits réciproquement.  
 
Cher ami, je crois sincèrement qu’il n’y a pas moment plus propice pour un musulman de faire d’humilité et de modestie, de faire montre de grandeur d’âme, de générosité et d’esprit de dépassement pour poser des actes de conciliation et de réconciliation. Aussi n’ai-je vraiment pas compris que le Président de la république, réputé un fervent croyant et de surcroit votre « domou  baye », n’ait pas cru ni jugé opportun de vous faire sortir de Rebeuss. Cela aurait été très bien apprécié ; un geste symbolique et significatif  que tous les Sénégalais aurait approuvé. 
 
Cher ami, vous avez du sourire et même rigoler quand vous avez Macky SALL dire que vous êtes son « domou baye ». Ce n’est peut-être pas de l’hypocrisie, mais cette forme de comportement s’y apparente ; un « domou baye » on ne le traite pas comme il l’a fait avec vous. Nous sommes dans une société ou certaines valeurs morales et sociétales gardent toujours leur prégnance, et l’on point les traiter avec une légèreté qui frise le mépris. Que DIEU nous garde d’un « domou baye » pareil qui n’a pas , un seul instant hésité ni eu de scrupules à vous trainer et vouer aux gémonies, heurtant ainsi votre dignité, maculant votre réputation et salissant votre nom de famille dont il se prévaut pour se réclamer votre « domou baye ». Je sais que vous n’êtes pas et que ce qualificatif lénifiant ne vous fera jamais oublier la bassesse et la méchanceté de la décision qui vous vaut vos présentes peines et déboires. 
 
Cher ami, lors de l’ouverture du dialogue national, devant les multiples interpellations, sollicitations et intercessions pour votre libération, le Président Macky SALL a excipé de son refus d’interférer dans un processus judiciaire en cours. Aussi a-t-il demandé aux uns et aux autres de le comprendre et d’attendre le prononcé d’une condamnation définitive pour user de son droit de grâce. Sa déclaration est un aveu de taille ; en l’absence d’une condamnation définitive un individu doit toujours bénéficier de la présomption d’innocence. En clair rien ne devait ni ne pouvait vous empêcher de vous présenter à l’élection présidentielle contrairement aux déclarations des hommes du pouvoir. 
 
Cher ami, tout récemment le sieur Thione Ballago Seck a retrouvé la liberté suite à la décision du juge Maguette DIOP qui a annulé la procédure en invalidant tous les procès-verbaux de l’enquête préliminaire pour non-respect des dispositions du règlement 05 de l’UMOA qui exigent la présence d’un avocat dès l’interpellation. En effet, la logique juridique et judiciaire voudrait que l’invalidation d’une enquête préliminaire entraine automatiquement l’annulation de tous les actes subséquents. Pourquoi vous avoir refusé ce qui a été accordé au célèbre chanteur ? Encore une preuve manifeste de la volonté des tenants du pouvoir de vous barrer la route de la présidentielle et ce, au mépris de la loi et du respect de l’institution judiciaire toujours dans le sens des intérêts partisans. Il est aujourd’hui aisé de comprendre pourquoi le juge Maguette DIOP, initialement désigné pour présider votre procès, a été remplacé au pied levé ; la hiérarchie judiciaire savait que le juge DIOP est un homme de principe d’une grande rigueur professionnelle et qu’il n’aurait pas hésité à vous libérer en évoquant le règlement 05 de l’UMOA. 
 
Cher ami, vous avez été victime d’un acharnement malsain et indécent qui a déshonoré l’institution  judiciaire de notre pays. Votre situation est un véritable cas d’école qui a plutôt et malheureusement contribué à remettre en doute et en cause la crédibilité et la validité des enseignements reçus et dispensés à la faculté des sciences juridiques de l’université Cheikh Anta Diop. Et tout ceci par la faute d’universitaires qui ont choisi le chemin corrompu de la facilité et la vénalité et accepté de fouler au pied les principes déontologiques et les valeurs hautement pédagogiques qui ont, de tout, constitué leurs références. Aujourd’hui les étudiants en droit sont désemparés et semble ne pas savoir à quels professeurs se fier. 
 
Cher ami, je sais que le fait de passer la Korité à Rebeuss est très dur et humainement insupportable, parce qu’éloigné de votre famille dont le bonheur a toujours constitué votre seule raison de vivre. Quant à votre vielle mère, elle fait d’un stoïcisme, d’un fatalisme et surtout d’une foi inébranlable qui forcent l’admiration ; et ce, tout simplement parce qu’elle est profondément convaincue qu’il n’y a de pouvoir et de puissance que ceux d’Allah Le Maitre de l’univers et de nos destins d’êtres ignorants et insignifiants. 
 
Cher ami, l’actualité est dominée par l’appel au dialogue du Président Macky Sall. N’avait-il pas déclaré devant une télévision française qu’après sa réélection planifiée, il règlerait votre cas pour décrisper l’atmosphère délétère qui prévalait et permettre ainsi de créer les conditions d’un dialogue inclusif ? 
 
Cher ami, le Président Macky Sall s’est révélé un extraordinaire bonimenteur et un boulanger hors pair qui a roulé tout le monde dans la farine ; un homme dont la parole a pour caractéristique majeure d’être instable. Aussi ai-je affirmé et réaffirmé que ce dialogue n’aboutira à rien ; le problème ne se trouve pas au niveau des personnalités choisies pour la conduite des travaux ni des thèmes à débattre, encore que la lisibilité reste à parfaire. Concernant les personnes désignées pour la commission politique, elles ont fait l’unanimité à cause de leur crédibilité, notamment le Général Mamadou Niang que je connais très bien pour avoir travaillé avec lui. L’inquiétude, la défiance, la méfiance et le doute sont suscités par le comportement passé du Président Macky Sall qui pendant tout son magistère n’a jamais accordé la moindre attention à son opposition ni à la société civile, se comportant en véritable dictateur. Signataire des conclusions des assises nationales et initiateur de la commission dirigée par l’éminent professeur Amadou Moctar MBOW, il a superbement jeté aux orties toutes les réflexions pertinentes soumises à son appréciation, n’estimant devoir considérer que ce qui l’enrage. Le Président Macky SALL n’a donné aucune garantie officielle et aucun gage solennel qu’il respectera scrupuleusement les termes consensuels issus des différentes commissions. 
 
Cher ami, durant les sept ans de son premier mandat, nulle part, en aucun moment ni en aucune circonstance, je n’ai décelé en lui un seul des attributs de la grandeur. Son mandat a été marqué par une parole instable, des promesses non tenues, des engagements non respectés, des abjurations éhontées, des mensonges publics. A titre illustratif je m’autorise à rappeler ces propos de Macky Sall « Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays. Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce que je lui avaisjustement indiqué très clairement, dès ma prise de fonctions, qu’il ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme ». Qu’est-il advenu de cet engagement ? Finalement, revenant sur ses propos en procédant à un revirement à 360°, n’a-t-il pas nommé son frère à la tête de l’institution publique la plus balèze financièrement ? En agissant ainsi, il reconnait et avoue avoir fait du népotisme ; un tel dédit est gravissime de la part de quelqu’un censé incarné l’autorité morale de tout un peuple. 
 
Cher ami, il faut le constater pour non seulement s’en désoler et s’en plaindre mais aussi s’en offusquer et s’en indigner, nos politiciens, notamment les plus hautes de ce pays, s’adonnent au mensonge, cette pratique honteuse et plus que déshonorante, dans une facilité, une insouciance et une banalité déconcertantes, sans vergogne, avec la circonstance aggravante de le faire publiquement et, quelquefois pendant des moments de grande solennité. 
Cher ami, les Sénégalais resteront toujours circonspects et le doute sera toujours de mise tant que le Président Macky SALL n’aura pas apporté les éclairages attendus et nécessaires sur certains dossiers qui ne sauraient être constamment éludés. Qu’il nous dise comment son jeune a pu être dans le dossier du pétrole ? Qu’attend-il pour déclassifier le rapport de l’IGE sur la société Petro-Tim ? Pourquoi son silence sur les accusations portées contre Aly Ngouille Ndiaye qui lui aurait présenté des rapports truffés de fausses informations ? Pourquoi avoir confié des responsabilités publiques à Cheikh Oumar Hane contrairement aux fortes recommandations de l’IGE ? Etc… 
 
Cher ami, au cours de l’émission « Le Grand soir » de Walf Tv de ce vendredi 31 Mai, le député Bara Dolly Mbacké de Bokk Guiss, a affirmé devant les téléspectateurs que, concernant votre cas et celui de Karim, le président de la République leur a tenu un discours différent de sa déclaration publique ; un discours sous le sceau de confidence loin des oreilles indiscrètes. Et à travers ses propos, le député vient de prouver et de confirmer que notre Président de la république est un adepte du double langage. Une telle attitude, si elle est avérée, n’est rien de moins que de la duplicité définie comme le caractère de quelqu’un qui ne se montre pas tel qu’il est, qui présente intentionnellement une apparence différente de ce qu’il est réellement. Ainsi, les Sénégalais, du moins ceux qui se sont toujours laissés bernés, découvrent avec stupéfaction, que les politiciens se jouent d’eux, abusent de leur confiance et se moquent éperdument de leurs opinons. Ce sont les tares d’un système politique qui se maintient et se nourrit de compromissions, d’arrangements, de marchandages, de tromperies, d’hypocrisies et de mensonges. 
 
Cher ami, c’est l’occasion de vous demander, une fois encore, de ne jamais solliciter une grâce auprès de Macky SALL ; votre dignité vous l’interdit, la préservation de votre honneur s’y oppose et votre fierté en souffrirait assurément. Comme je n’ai eu de cesse de le dire et de seriner, le Président Macky SALL n’est qu’un simple mortel, comme vous et moi. Et tout mortel sera un jour étendu inerte, couvert soit d’un drap mortuaire avec des inscriptions coraniques soit du drapeau national, pour être inhumé et pouvoir rejoindre sa dernière demeure ; en ce moment de vérité quelqu’un sera désigné pour, non pas à son nom mais pour son compte, solliciter des prières pour qu’Allah répande Sa Miséricorde sur lui et pardonne ses péchés. Il me parait opportun de rappeler ces saintes paroles « C’est lui qui est le seul à qui il appartient de pardonner » (Sourate 75 verset 55). 
 
Cher ami, autant le Président Macky Sall a estimé devoir prendre sur lui la responsabilité et l’initiative de transmettre le rapport de l’IGE au procureur de la république qui, pour y donner suite, à décider de déclencher des poursuites judiciaires qui vous valent aujourd’hui vos déboires actuels, autant il est loisible à votre « domou baye » de prendre la décision de vous faire libérer immédiatement, il en a le pouvoir. Il ne faudrait surtout pas que le dialogue national lui serve de prétexte commode et opportun pour dire qu’il a signé votre grâce afin de répondre positivement à une demande pressante du peuple et se faire passer ainsi pour un Président à l’écoute de ses compatriotes. La manœuvre et la manipulation sentent à mille lieux. 
 
Cher ami, je ne saurais terminer cette lettre sans vous renouveler mon soutien, vous manifester ma solidarité, vous témoigner ma fraternité et vous réaffirmer mon engagement. Je sais que vous avez reçu toutes sortes de propositions et d’offres de la part du pouvoir, seulement vous avez compris que l’on peut tout perdre fors l’honneur ; par la grâce d’ALLAH Le Tout-Puissant dont Le Pouvoir est éternel vous sortirez de prison. 
Bonne fête de Korité, que La Grace d’ALLAH vous Couvre et que Sa Miséricorde se répande sur votre famille, vos proches, amis, sympathisants et soutiens. 
 
 Dakar le 01 Juin 2019                               
Boubacar  SADIO 
Commissaire divisionnaire de police de 
Classe exceptionnelle à la retraite.